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Nancy Hall, une vie à la gloire de son père


Nancy Hall, une vie à la gloire de son père
TAHITI, le 23 septembre 2020 - Elle a perdu la vie le 12 septembre 2020. Nancy Ella Hall Rutgers, fille du fameux auteur Des Révoltés de la Bounty, frère du non moins fameux cameraman Conrad Hall, a fondé le musée à la mémoire de son père. Ses proches viennent de faire parvenir quelques mots à Denis Meslin, un ami de la famille, en mémoire de cette femme qui venait d’avoir 90 ans.

"Le soir du 12 septembre 2020, une brise légère parfumée au tiaré et au frangipanier descendit de la colline de Arue et traversa le Pacifique en emportant l’âme de Nancy Ella Hall Rutgers. Elle venait d’avoir 90 ans.

À peine arrivée au monde, Nancy se montra une force de la nature. Amoureuse à 14 ans, mariée à 16, mère à 17, elle avait construit à 25 ans avec Nick, son mari, une splendide maison tahitienne sur la colline de Herai, pour eux et leurs quatre enfants. Bien que née en Californie, son amour de Tahiti, de son peuple et de son histoire a fait d’elle pour toujours une véritable vahine. De caractère joyeux et juvénile, les malheurs qu’elle a pu traverser ne l’ont jamais empêchée de célébrer la vie avec enthousiasme.

Fille de l’écrivain James Norman Hall, elle a fondé le musée qui porte son nom et en a fait un des lieux les plus vivants et fréquentés de Tahiti. Le musée abrite la bibliothèque de James Hall ainsi que des manuscrits et des objets personnels. Nancy adorait rencontrer des visiteurs du monde entier. On pouvait la voir arpenter les couloirs du musée, qui reproduit à l’identique sa maison d’enfance, en expliquant mille choses à des auditeurs attentifs, ou recevoir à déjeuner à la table de ses parents. Elle aimait particulièrement réciter les poèmes que son père écrivit pour elle, pour chacun de ses anniversaires.

Fille d’un écrivain célèbre, sœur du cameraman Conrad Hall qui gagna trois oscars, épouse d’un philanthrope descendant d’une prestigieuse famille, Nancy n’a jamais été occultée par ses grands hommes. Sa personnalité éclatante, sa générosité, sa vitalité ont fait d’elle l’étoile la plus brillante qui éclaire les nuits de Arue. Elle sera incinérée et reposera sur la colline de Herai, entre Nick, son mari et Conrad, son frère. Une soirée commémorative sera organisée pour elle en 2021
."

Tels sont les mots de ses proches qui viendront en Polynésie en 2021 pour participer à la soirée commémorative en l’honneur de Nancy Hall. En attendant, l’association des amis de la maison James Norman Hall poursuit son œuvre, à savoir redynamiser l’espace pour entretenir la mémoire de l’écrivain américain.


Littérature et cinéma

James Norman Hall (1887-1951) est un écrivain américain connu notamment pour l’œuvre Les Révoltés de la Bounty (1932) qu’il a co-écrit avec Charles Nordhoff. "Deux hommes aux caractères que tout opposait mais liés par une grande amitié", précise Denis Meslin, un ami de la famille.

James Norman Hall s’engagea dans l’armée britannique dès la Première Guerre mondiale. Il servit dans différentes armées. Grand lecteur, amoureux de poésie, il a écrit très tôt. En 1920, il s’installa à Tahiti avec Charles Nordhoff pour écrire sur le Pacifique Sud. Le duo connut un grand succès dans les années 1930 avec une trilogie sur l’équipage de la Bounty.

Il épousa Sarah Winchester en 1925, une demie de Tahiti. Ensemble ils eurent deux enfants, Nancy et Conrad. Conrad L. Hall est né à Tahiti en 1926. Il est mort aux États-Unis en 2003 des suites d’une maladie. Directeur de photographie au cinéma, il a gagné trois oscars pendant sa carrière pour Butch Cassidy et le kid en 1969, American Beauty en 1999 et Les Sentiers de la perdition en 2002.


Message de James Norman Hall à ses petits-enfants

Le père de Nancy, James Norman Hall, a rédigé un texte à l’attention de sa descendance. Le voici :

Dans bien des années d’ici, quand vous lirez ces mots, vous vous demanderez peut-être pourquoi je les ai écrits, pensant à vous bien avant votre naissance, sans même connaître encore celle qui sera votre grand-mère.

Je dois vous avouer que j’ai un sens de la famille qu’aucun des Hall jusqu’à moi ne semble avoir possédé, ni d’ailleurs aucun des Youngs, du côté de ma mère. Comme bien des familles du Middle West qui ont peuplé la vallée du Mississippi à partir des années 1850, nous ne connaissons rien de nos antécédents au-delà de nos grands-parents, et fort peu de chose de ces derniers. Certains accèdent à une existence vague quand on peut encore déchiffrer leurs noms et leurs dates de naissance et de mort sur la pierre pourrissante d’une tombe de campagne, mais les plus anciens ont perdu jusqu’à cette ombre d’existence. Ils ont disparu sans laisser de trace derrière eux, sans un mot d’adieu, de conseil ou d’accueil amical pour ceux qui viendront après eux, et nous ne saurons jamais quelles espèces d’hommes et de femmes ils ont pu être.

Je trouve cela désolant et j’ai résolu d’y remédier autant que je peux, car même dans les familles obscures, comme semble avoir été la nôtre, si l’on établissait et transmettait de génération en génération des documents intimes et véridiques, nous pourrions juger de la valeur de notre sang ; nous pourrions connaître les vertus de notre famille – ou nous assurer de leur absence – ainsi que les défaillances qu’une génération passe à la suivante.

Mais le vrai propos de ce texte est au fond égoïste. La pensée de vivre pour vous à travers ces pages et d’être un peu plus qu’un nom pour vos enfants et leurs rejetons me procure un plaisir extrême. Je vous engage vivement à suivre mon exemple, sinon nos petits-enfants ne vous connaîtront, et mal, que par ouï-dire. Une fois instauré et fidèlement continué par nos descendants, ce travail nous permettra de constituer une bibliothèque de l’histoire de la famille plus intéressante et, je crois, plus divertissante que les plus fascinantes œuvres de fiction, car nos successeurs pourront dire en la lisant : "C’est mon arrière arrière-grand-père (ou grand-mère) qui parle. Ces choses se passèrent vraiment chez nous."

Je vois déjà en esprit la pièce couverte de rayonnages où, dans cinq siècles, ces livres de souvenirs seraient rangés, dans une vieille maison à hauts murs, protégée du monde extérieur. C’est là que des jeunes gens de notre lignée viendraient passer quelque temps avec les fantômes familiaux, en lisant des récits de joies et de peines aussi vives que les leurs, d’espoirs aussi brillants, de désillusions catastrophiques et pourtant surmontées. Ainsi, inlassablement, les ombres reprendront forme humaine, et aucune d’entre elles, j’en suis sûr, ne gambadera aussi gaiement que la mienne, en pensant que j’aurai été le Nestor de vous tous…

"Redonner une belle âme à la maison James Norman Hall"

Cet établissement est géré par l’association des amis de la maison James Norman Hall qui a longtemps été présidée par Nancy Hall. C’est Kate Feist Hall, sa nièce, qui a pris le relai en début d’année. Denis Meslin, membre de l’association et ami de la famille est à ses côtés. Il réside à Tahiti. Kate Feist partageant son temps entre les États-Unis et la Polynésie.

À propos de Nancy, Denis Meslin rapporte : "c’était une matriarche, une femme très attachante qui avait une forte personnalité. Elle a consacré une grande partie de sa vie à son père qu’elle admirait. C’est un écrivain majeur qui mérite d’être reconnu".

La disparition de Nancy ne remet pas en question la dynamique de l’association. "On veut remettre en route des activités, lui redonner une âme."

Trois axes prioritaires ont été retenus : le tourisme, l’éducation et la culture.

Des tours sont organisés avec Tahiti Tourisme, des aménagements dans le jardin sont prévus pour lui redonner l’attrait de ses beaux jours.
Concernant l’axe éducation, des liens sont en train de se tisser avec la DGEE. "On a organisé une visite avec des secondes de La Mennais, en anglais et en français. L’initiative a été très appréciée par les élèves. On espère qu’il y en aura d’autres. Les textes de James Norman Hall devraient pouvoir être étudiés ici."

Enfin, l’axe culturel se déclinera en conférences, projections cinématographiques pour des petits groupes. "Une sorte de ciné-club avec des films de James, mais aussi de Conrad."

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 23 Septembre 2020 à 15:20 | Lu 3571 fois