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Le chantier de sauvegarde du fortin Pare iti a démarré


PAPEETE, le 6 juin 2018 - Depuis lundi, Philippe Plisson de la Société méditerranéenne de bâtiment et de rénovation ausculte le fortin Pare iti. Il a dressé un échafaudage, étalé ses outils et lancé la sécurisation et la sauvegarde de ce monument historique. Le chantier devrait durer deux mois.

Situé sur un éperon rocheux qui surplombe la rivière et le pont de la Punaru’u, le fortin Pare iti (3,5 mètres de haut sur 4,80 mètres, soit une superficie de 16 mètres carrés) se trouve depuis lundi, entre les mains de Philippe Plisson de la Société méditerranéenne de bâtiment et de rénovation (SMBR).

"On a fait un premier état des lieux en août 2016 et on a constaté que structurellement la tour était en bon état mais qu’il y avait des risques de chute de pierres, de fragment d’enduit. Elle est en plus envahie par de la végétation, ce qui la fragilise." Missionnée par l’association Mémoire polynésienne, la SMBR doit sécuriser la structure. "L'idée est de stopper la dégradation." Teva Shigetomi, de l’association Mémoire polynésienne insiste : "on n’est pas là pour restaurer le monument, mais pour le sauvegarder".

Classé le 15 mars 2018


Le fortin a été récemment classé par arrêté n° 424 du Conseil des ministres du 15 mars 2018. Le financement des travaux est assuré par la Ville de Punaauia, le service du tourisme et la Fondation Tupuna Tumu, 1e fondation de la Polynésie française créée en août 2017 et dont l’association Mémoire polynésienne est un de ses membres fondateurs.

Le petit fortin dit Pare iti a été construit en 1846, lors de la guerre franco-tahitienne. Il témoigne des événements qui se sont déroulés dans ce coin de Tahiti à la fin du XIXe siècle comme le raconte Teva Shigetomi.

Nommé gouverneur des EFO (établissements français d’Océanie), le capitaine Bruat a pris ses quartiers à Tahiti dès 1844 dans un contexte très tumultueux. En effet, des troubles ont commencé à se faire sentir sur la presqu’île malgré le retour au simple protectorat. Le gouverneur a alors décidé de faire construire un fort à Taravao en mars de la même année. Des combats ont eu lieu sur la commune entre Français et Tahitiens, ce qui a annoncé le début de la guerre franco-tahitienne.

Mille hommes à l’assaut des places fortes tahitiennes

De nombreux accrochages ont eu lieu. Les Tahitiens tenant plusieurs vallées. Le gouverneur contraint par un faible contingent de soldats ne tenait que Papeete où se situait le gros des intérêts européens. En Mai 1846, Bruat décida de partir à l’assaut des insurgés profitant de la présence des hommes de l’amiral Hamelin de passage sur Tahiti. Il vida ses casernes et ne laissa que 100 hommes pour protéger Papeete. Sa colonne, comptant 800 Français et 200 Polynésiens alliés, partirent à l’assaut des deux places fortes tahitiennes : la vallée de la Papenoo et la vallée de la Punaru’u.

Après plusieurs jours d’escalades et de combats, les fortins tahitiens de la Papenoo, construits pour certains sur le modèle français, tombèrent aux mains du gouverneur. L’armée ne pouvant poursuivre les insurgés dans la vallée (les soldats ne peuvent passer au travers de l’épaisse forêt de la vallée sans se disperser et s’affaiblir), le gouverneur fit reconstruire ou réaménager les forts tahitiens à l’entrée de la vallée afin de faire un siège et de bloquer les guerriers locaux dans la vallée.

Ainsi, le 28 mai 1846, le gouverneur fit mettre le cap à son armée vers Punauuia et la vallée de la Punaru’u. Les Tahitiens, mis au courant de la manœuvre, laissèrent leurs places de Taapuna et Atihue aux Français afin de se retrancher dans les redoutes et pare (fort tahitien construit sur des renforts naturels) de la Punaru’u, beaucoup plus défendables.

Le 30 mai, le gouverneur entra dans la vallée avec trois compagnies et demie et un obusier. Le premier fortin tahitien était vide. À leur arrivée au second fortin, les soldats français furent attaqués. À la suite d’un léger engagement, ils parvinrent à le prendre et les Tahitiens se réfugièrent plus profondément dans la vallée.

L’avant-garde française les poursuivit mais tomba dans un guet-apens provenant de pare surplombant la vallée et invisibles depuis le bas de la Punaru’u. Compte tenu des nombreux morts et blessés chez les soldats français, le gouverneur (ayant pris lui-même une balle dans le chapeau) décréta la position inexpugnable et mèna donc une politique similaire à celle de la vallée de la Papenoo en construisant les fortins qui nous intéressent à l’emplacement même des anciennes places tahitiennes.

Les Tahitiens pris à la Fachoda

La guerre se termina dans cette même vallée en décembre quand, une fois la position tahitienne de la Fachoda prise par les Français, ceux-ci passèrent par le Diadème afin d’accéder au fond de la Punaru’u et de prendre les Tahitiens à revers et par surprise. Ces derniers se rendirent peu de temps avant les insurgés de Papenoo marquant donc la fin de cette guerre.

Après la sauvegarde du fortin Pare iti, l’association Mémoire polynésienne veut s’intéresser au 2e fortin de la zone. "Et puis aménager l’espace autour de Pare iti, dégager la vue, installer un plancher pour voir la vue que l’on avait du fortin, éclairer la zone… On pourrait imaginer la théorie au Musée des îles et la pratique ici, sur le terrain", imagine Teva Shigetomi.

Fortin Pare iti : l'entrée se faisait sur la gauche grâce à une échelle. Le trou à droite est une détérioration.
  • Fortin Pare iti : l'entrée se faisait sur la gauche grâce à une échelle. Le trou à droite est une détérioration.
  • Fortin Pare iti : un plancher existait à l'époque pour pouvoir surveiller la zone.
  • Le fortin est envahi par la végétation. La société à l'œuvre va s'en débarrasser.
  • Dans la zone, il existe trois fortins. Deux d'entre eux dont Pare iti sont classés.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 6 Juin 2018 à 14:39 | Lu 3955 fois