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Moorea : les agresseurs mineurs du gérant de la crêperie Le Motu condamnés, le plus violent reste en prison


Le gérant de la crêperie fermait boutique avec sa recette dans les mains quand il avait lâchement été attaqué par quatre individus. Leur "butin" : 60 000 francs.
Le gérant de la crêperie fermait boutique avec sa recette dans les mains quand il avait lâchement été attaqué par quatre individus. Leur "butin" : 60 000 francs.
PAPEETE, le 25 avril 2016 - Le 29 mai 2015 au soir à Haapiti, cinq individus dont trois mineurs avaient tabassé ce sexagénaire sans défense pour lui voler la petite recette de la soirée, le laissant pour mort dans une mare de sang, le visage fracturé. Le coup avait été préparé. Le plus violent, en détention depuis les faits, reste en prison. Il a été condamné à 2 ans de prison ferme ce lundi après-midi par le tribunal pour enfants.

Près d'un an après les faits, Jérémy*, 62 ans, porte toujours les stigmates de l'agression ultra-violente dont il a été victime dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 mai 2015, à Haapiti sur l'île de Moorea. Le sexagénaire, toujours très affecté physiquement et moralement, s'est déplacé ce lundi matin au palais de justice de Papeete pour participer au procès de trois de ses cinq agresseurs, à huis-clos devant le tribunal pour enfants. Ceux-là étaient mineurs à l'époque des faits.

L'un d'eux, détenu depuis son interpellation trois semaines après le passage à tabac du restaurateur -chose rare pour un mineur et preuve de la gravité des faits- a finalement écopé dans l'après-midi de 2 ans de prison ferme. Il reste en détention. Ses deux co-accusés ont été condamnés à 1 an de prison ferme pour l'un et 6 mois de prison avec sursis pour l'autre. Le reste de la bande, majeurs ceux-là, sera jugé dans les prochaines semaines devant le tribunal correctionnel.

Des douleurs pour la vie

Jérémy fermait son commerce en ce week-end de mai 2015 quand plusieurs jeunes individus lui étaient tombés dessus, arme à la main pour le plus violent d'entre eux. "J'ai reçu quatre coups de chevron au visage" se remémore le gérant de l'établissement, le visage fermé. Un véritable guet-apens : "Ils avaient prémédité leur coup depuis une semaine. Ils m'ont attaqué par derrière, c'est d'une lâcheté". Le malheureux sera laissé pour mort, la tête en sang, la mâchoire fracturée. Tout juste trouvera-t-il la force de se traîner jusqu'au téléphone fixe du restaurant pour donner l'alerte.

Evasané d'urgence la nuit même vers le centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) sur l'île voisine de Tahiti, ce retraité de l'armée reconverti dans la restauration restera hospitalisé 15 jours et se verra délivrer une incapacité totale de travail (ITT) de 45 jours. "Aujourd'hui encore j'ai du mal à mâcher, j'aurais toujours des douleurs m'ont prévenu les médecins. Je ne peux par exemple plus manger de viande. La douleur est permanente, j'ai des maux de tête, je suis devenu plus irritable aussi". Et tout ça pour quoi ? La sacoche qui contenait la recette de la soirée : à peine 60 000 francs.

"Ils passent devant nous en rigolant, c'est insupportable"

Epaulé par sa compagne, Jérémy a vu sa vie bouleversée ce soir-là. Il n'a pas pu reprendre le travail depuis. Son restaurant de la zone commerciale bordant le Petit Village de Haapiti, fermé pendant plusieurs semaines après le drame, pourrait bientôt mettre définitivement la clé sous la porte. "On ne supporte plus de voir ces jeunes passer devant nous en nous narguant, en rigolant même parfois", peste le retraité. "Leurs parents ne sont même pas venus nous voir après l'agression".

Le sexagénaire et sa femme qui dressent dans le même temps un constat amer sur l'ambiance qui s'est installée depuis plusieurs années sur l'île sœur : "Les jeunes n'ont rien à d'autre à faire que de la muscu, les parents ne s'en occupent plus. Ils boivent, traînent dehors et personne n'ose rien leur dire de peur de représailles. La police municipale ne fait rien, pourtant ils sont connus de tous. On l'a encore vu récemment avec le cambriolage de la bijouterie du centre commercial de Tiahura (le 10 avril dernier, une équipe de trois individus dont des mineurs avait forcé en pleine nuit l'entrée de la boutique et son coffre-fort à la barre à mine, Ndlr), qu'est-ce que des gamins de 14 ans font dehors en pleine nuit à 2 heures du matin !".

Il y a plusieurs mois, les commerçants de Haapiti se sont unis en association pour tenter de trouver comment parer la multiplication de ces vols qui parfois prennent une tournure dramatique, comme cette triste expérience que Jérémy nous a rappelé ce lundi au palais de justice : "Ils auraient pu me tuer, j'aurais aussi pu finir en fauteuil roulant".

*Prénom d'emprunt

Rédigé par Raphaël Pierre le Lundi 25 Avril 2016 à 18:15 | Lu 6040 fois