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Changement climatique et maladies infectieuses, une relation compliquée


PARIS, 3 octobre 2014 (AFP) - L'émergence de nouvelles épidémies est trop facilement mise sur le compte du réchauffement global alors que les liens entre changement climatique et infections sont complexes, et parfois bénéfiques pour l'élimination de parasites, selon des chercheurs.

Un colloque sur "changement climatique et santé", organisé jeudi et vendredi près de Paris, a passé en revue l'impact globalement négatif pour la santé de l'augmentation des températures et la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes.

Les rapports du Groupe intergouvernemental d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat (Giec) alertent depuis des années sur les conséquences sanitaires désastreuses du changement climatique.

La hausse des températures ambiantes a un impact physique direct sur la santé humaine, provoquant hyperthermie et déshydratation lors des vagues de chaleur, induisant des pics de mortalité.

Mais "la plupart des conséquences sanitaires du changement climatique sont indirectes", souligne la climatologue Sylvie Joussaume, directrice de recherche au CNRS, organisatrice du colloque avec le groupement scientique Climat-environnement-société.

Il s'agit des phénomènes météo extrêmes comme les inondations qui provoquent noyades et épidémies, de la baisse de qualité de l'air liée à la combustion des énergies fossiles et les conséquences sur les maladies respiratoires.

Plus difficile à évaluer et prédire est l'impact du changement climatique sur les maladies infectieuses et les animaux qui les véhiculent comme le moustique pour la malaria.

Des études, en particulier de l'Américaine Rita Colwell, ont montré un lien direct entre les épidémies de choléra, infection diarrhéique aiguë provoquée par une bactérie, et l'augmentation de la température de surface des eaux côtières en Afrique de l'Ouest ou au Bangladesh.

Mais l'impact du changement climatique pour les maladies infectieuses "reste souvent difficile à démontrer" et n'est souvent pas le déterminant premier, souligne Jean-François Guégan, spécialiste en écologie et maladies infectieuses à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

Une étude britannique de Mark Woolhouse et Sonya Gowtage-Sequeria a placé le changement climatique au dernier rang des facteurs déterminants pour expliquer l'apparition d'agents infectieux sur la planète alors que les pratiques agricoles arrivaient en tête de liste.

Le parasite du paludisme, qui affecte plus de 200 millions de personnes dans le monde et en tue un demi-million chaque année, offre un bon exemple de la complexité des relations d'une maladie avec le climat et d'autres facteurs environnementaux.

"La variable qui explique aujourd'hui le mieux la distribution du paludisme en Afrique est la densité humaine et le développement agricole dans les zones péri-urbaines", explique Jean-François Guégan.

Le changement climatique a certes une influence mais constitue un "phénomène lent" alors que d'autres facteurs sont plus déterminants car "plus fréquents et beaucoup plus rapides", comme les transports aériens qui permettent de disséminer les moustiques.

-Moustique tigre en Europe-

Selon des projections pour la fin du 21e siècle, le paludisme aura tendance à disparaître d'Afrique de l'Ouest en raison de températures trop élevées, défavorables au parasite, alors qu'il s'implantera dans des régions d'altitudes plus élevées comme le Kenya, souligne Cyril Caminade, climatologue à l'Université de Liverpool.

"Il est donc inexact de dire qu'il aura plus de paludisme simplement parce qu'il fera plus chaud", souligne-t-il. D'autres modèles tentent actuellement d'anticiper l'invasion de l'Europe par le moustique tigre.

Cet insecte très piqueur, capable de transmettre les virus de la dengue et du chikungunya, est aujourd'hui surtout présent sur le pourtour méditerranéen: Italie, Grèce, France et Espagne.

Il est apparu sur le Vieux continent non pas à cause du changement climatique mais de la globalisation des échanges, en particulier du commerce des pneus usagers et des plantes, souligne Cyril Caminade.

Ce climatologue a cherché avec des modèles à prévoir son implantation dans les 30 ans à venir: ouest de la France, Benelux, Allemagne et sud de l'Angleterre seront à risque tandis que l'Espagne deviendrait trop chaude pour l'insecte.

Mais il reste hasardeux de prévoir avec certitude où se trouvera l'animal dans l'Europe des années 2050, en raison d'une multiplicité de paramètres et par manque de modèles fiables, selon Caminade.

Rédigé par () le Vendredi 3 Octobre 2014 à 05:50 | Lu 543 fois