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Marae Arahurahu : la famille des anciens gardiens délogée


La maison avant destruction, à quelques mètres du marae.
La maison avant destruction, à quelques mètres du marae.
PAEA, le 12 juillet 2016 - Le Pays est intervenu ce mardi pour détruire la maison de l'ancienne gardienne du lieu sacré. S'ils ne contestent pas la décision de justice, les membres de la famille ont tout de même vécu un moment douloureux.

Janine connaît le marae Arahurahu parfaitement. Son histoire, sa légende, les chefs qui y sont passés. Rien n'a échappé à celle qui est née et a grandi ici. "Tu vois là, à droite et à gauche, de chaque côté de la montagne, il y a une grotte. À l'intérieur, il y a les crânes des anciens prêtres. Ces grottes sont de chaque côté du marae, ce sont un peu des gardiens", décrit Janine, non sans émotion. Devant elle s'étend le lieu sacré, celui qu'elle a gardé pendant plus de 10 ans, reprenant le flambeau de son père. "Il a pris sa retraite en 1999. Il est mort en 2012. Il a toujours vécu là. Jamais il n'aurait pensé que cela pourrait nous arriver."

Derrière la gardienne du temple tahitien, une énorme pelleteuse jaune entre en action. Son bras mécanique vient arracher une première partie de la maison en tôle de Janine. Cette dernière et ses enfants regardent le spectacle, attristés. À leur côté, Michel, père des enfants et ex-compagnon de Janine, ne peut retenir ses larmes. Il bredouille entre deux sanglots : "C'est trente ans de ma vie cette maison, et tout s'en va comme ça… On nous avait même promis une benne pour mettre nos affaires, mais nous l'attendons toujours…"

UN LIEU DANGEREUX

Pendant la destruction
Pendant la destruction
Il est un peu plus de 8 heures ce mardi matin. Après avoir fait un dernier tour de maison, Janine, Michel et leurs enfants, se postent derrière la semi-remorque avec laquelle la pelleteuse a été transportée. Autour d'eux, huissier, gendarmes et membres du service de tourisme de Polynésie française sont venus encadrer l'expulsion. "Cela fait suite à une décision de justice qui a été rendue il y a quelques mois. Nous avons averti la famille. Ils ont été relogés. C'est la loi, explique le chef du service tourisme de Polynésie française, Bruno Jordan. Un constat d'huissier a indiqué que le site était trop dangereux pour Janine et sa famille et qu'il portait atteinte à la santé physique des personnes. Un arbre de plus de 20 mètres est tombé près de la maison, il y a peu. Heureusement que le manguier était là pour le retenir sinon, il y aurait peut-être eu des morts. Le service tourisme est responsable du site et c'est un risque que je ne peux pas prendre…"

A quelques mètres de lui, la valse de la pelleteuse s'accélère. Tout ce qui composait la maison est broyé. "Pourquoi ils n'ont pas fait venir des gens pour démonter et récupérer les matériaux, plutôt que de tout détruire et jeter?", questionne Michel.

Malgré l'émotion, Janine et sa fille ont gardé le sourire. Elles voient les souvenirs partir en poussière mais elles préfèrent penser à l'avenir. Relogée avec l'aide de la mairie de Paea et du ministre du logement, Tearii Alpha, Janine estime qu'elle ne peut pas se plaindre. "C'est tout de même un grand soulagement d'avoir trouvé cette solution. Notre maison est un beau F4 à côté du marae, à Paea et je ne paie que 30 000 francs par mois. Toute ma petite famille peut y être logée, c'est le plus important. On ne se retrouve pas à la rue. Maintenant, il est temps pour nous d'avoir d'autres projets, d'écrire une autre histoire. Il va falloir que je trouve du travail. Mais je continuerai à aller au marae quand même…" Et, dès qu'elle en aura l'occasion que ce soit avec les touristes où les élèves de Tahiti, Janine partagera l'histoire du marae.

Qui sera le gardien du temple?

Bruno Jordan l'a assuré au moment de l'expulsion : "Un gardien viendra sur le site du marae dès aujourd'hui (NDLR : mardi) ou demain (NDLR : mercredi)."
Le lieu a en tout cas besoin d'être surveillé et protégé selon les anciens gardiens. i["Plusieurs fois, nous avons fait intervenir la gendarmerie. Il y avait des gens qui venaient ici, boire et fumer du paka. Je ne sais pas ce qu'il va advenir du site si nous ne sommes plus là mais je suis certain que d'ici deux semaines, nous pourrons faire un état des lieux des dégradations qui y ont été faites…"
, regrette Michel, ancien habitant de la maison.
Le Pays est resté flou sur ses réelles intentions quant à l'avenir du site. Cependant, les employés du service tourisme ont assuré que rien ne deviendrait payant, dans un futur proche, comme plus éloigné.
Le ministère a aussi en projet d'employer un guide pour faire visiter le marae. Un appel à candidatures pourrait être lancé prochainement. "Jeannine pourra tout à fait postuler à l'offre et nous étudierons sa candidature", a affirmé le chef du service tourisme de Polynésie française.

Parole à… Tearii Alpha, ministre du Logement

"Nous avons un dispositif d'aide au logement qui est un peu comme une agence immobilière sociale, accompagnée par la Polynésie française. Cela permet de reloger les gens dans une mesure d'urgence, dans le parc privé. Ainsi, les gens qui répondent aux critères ne paient qu'un tiers du loyer pendant deux ans. Dans le cas de la famille de Paea, nous les avons relogés dans une des anciennes maisons expropriées par le Pays, à l'époque du projet Te Ara nui. C'est une solution qui ne sera pas permanente. Cela permet de les loger en attendant de leur trouver un logement social, s'ils sont éligibles."

Par jugement devenu définitif du 7 novembre 2014, le tribunal administratif a donné raison au Service du tourisme et enjoint la famille Teipoarii de libérer la parcelle occupé.

Rédigé par Amelie David le Mardi 12 Juillet 2016 à 14:49 | Lu 5272 fois