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Les enjeux de l’Indo-Pacifique par Regnault et Al Wardi


Jean-Marc Regnault. Crédit : Esther Cunéo.
Jean-Marc Regnault. Crédit : Esther Cunéo.
TAHITI, le 22 juillet 2021 - Jean-Marc Renault et Sémir Al Wardi ont dirigé l’ouvrage L’Indo-Pacifique et les Nouvelles Routes de la soie qui vient de paraître chez ‘Api Tahiti. Cet ouvrage rassemble les actes d’un colloque qui a eu lieu en 2019. Lequel a faisait suite au colloque l’Océanie convoitée, organisé en 2015. Au cœur des échanges, un thème : la Chine, ses convoitises et les répliques possibles de la France.

"C’est le nouveau thème à la mode", assure Jean-Marc Regnault à propos de l’Indo-Pacifique. Historien, il est maître de conférences émérite et chercheur à l’Université de la Polynésie française (UPF). Il a dirigé la rédaction de l’ouvrage L’Indo-Pacifique et les Nouvelles Routes de la soie avec Sémir Al Wardi, maître de conférences habilité à la direction de recherches à l’UPF.

L’ouvrage, qui vient de paraître chez ‘Api Tahiti, est en réalité le recueil des actes d’un colloque qui s’est tenu en 2019. Ce colloque rassemblait des spécialistes venus de l’Institut diplomatique de Chine, ainsi que des universitaires des États-Unis, un professeur d’Australie, un autre de Nouvelle-Zélande, une chercheuse familière de la Russie, etc. L’objectif ? Définir avec précision ce que sont les Routes de la soie et le thème nouveau de l’Indo-Pacifique.

Le poids des Routes de la soie


Trois ans auparavant, lors du colloque L’Océanie convoitée, les chercheurs spécialistes de l’Extrême-Orient avaient déjà abordé ce terme de Routes de la soie et de toutes ses implications. En 2019, il convenait de "mesurer les évolutions de cette politique qui semblait avancer toujours un peu plus ses pions, qui commençait à marginaliser l’influence taïwanaise et qui pouvait apparaître, aux yeux des responsables politiques des États, territoires et collectivités de la région, comme une alternative à l’influence de l’Europe et des États-Unis eux-mêmes". Les Routes de la soie considérées comme connues laissaient planer des questions sur leur poids, les extensions…

L’Indo-Pacifique est un concept qui repose sur les territoires français de l’Océan Indien et du Pacifique. Des territoires qui sont autant de bases pour faire face aux convoitises de la Chine. Le concept a été au cœur des échanges de 2019. Il est au cœur de l’actualité. Pour Jean-Marc Regnault, cela ne fait aucun doute : la visite d’Emmanuel Macron est en lien direct avec le sujet. "Sans cela, comment expliquer sa venue de trois jours alors que l’épidémie de Covid flambe en France, qu’il vient d’apprendre qu’il est espionné de toute part et que l’opposition tire à boulet rouge sur ses choix ?"

Toujours d’après Jean-Marc Regnault, les sujets évoqués et annoncés (santé, changement climatique, culture) ne sont pas des objectifs en soit. Ils seraient plutôt des outils.

Des "morceaux de France" aux intérêts variés


Comme précisé dans l’introduction de l’ouvrage : l’Indo-Pacifique n’est pas seulement un domaine régalien de politique étrangère, voire de Défense nationale : il touche à l’essence même des identités des citoyens des trois collectivités. (…) Les indépendantistes calédoniens et polynésiens et les dirigeants australiens ou néo-zélandais se sont toujours élevés contre l’idée que des morceaux de France aient été remorqués dans le Pacifique Sud. Or, ces "morceaux de France" sont dans un espace régional où les intérêts de chacun ne sont pas forcément ceux de la France en tant qu’État. (…) Il appartiendra donc à la France d’apprécier jusqu’où elle fera primer ses intérêts globaux sur les intérêts des collectivités océaniennes. Il appartiendra aux dirigeants de ces dernières d’apprécier jusqu’où ils peuvent renoncer à défendre leurs intérêts propres. Ce sera un formidable enjeu dans lequel devrait prévaloir une question de doigté… finesse qui a souvent échappé aux uns et autres.

Selon Jean-Marc Regnault, pour contrer la Chine, "il faut l’accord au minimum des gouvernements océaniens. Si Emmanuel Macron venait à faire des avancées en matière nucléaire, sociales, environnementales… on pourrait dire qu’il vient renouer des liens pour compter sur ses bases."

L’Indo-Pacifique et les Nouvelles Routes de la soie met en perspective les décisions et choix de certains gouvernements dont la France. Il reprend les textes des intervenants du colloque, y compris le haut-commissaire de la République et le président de la Polynésie française. Les textes sont organisés en cinq parties : Histoire et prospective ; La Chine, stratégie et moyens ; L’Indo-Pacifique, définition(s), buts et limites ; Les Océanies dans la géopolitique de l’Indo-Pacifique et Les relations internationales entre Indo-Pacifique et Routes de la soie.

Une postface revient sur la crise du Covid 19 qui n’avait pas encore eut lieu lorsque le colloque s’est tenue. Remet-elle en cause les études présentées ? Certains invités y répondent, comme par exemple Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales stratégiques (Iris) selon qui : "Avec la crise n’est apparue aucune évolution géopolitique nouvelle, mais celles qui préexistaient ont été renforcées". Il précise : "La crise du Covid-19 repose sur un paradoxe puissant. Le monde actuel n’a plus rien à voir avec celui qui existait en décembre 2019. Pour autant, aucune tendance stratégique structurelle nouvelle n’est apparue depuis. Celles qui sont à l’œuvre ne sont que des amplifications ou accentuations de tendances préexistantes."


Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 22 Juillet 2021 à 20:46 | Lu 2041 fois