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Blocage de la route traversière : la famille Bennett jusqu'au bout en appel


Depuis 2008, l'accès au lac de Vaihiria est devenu quasi impossible en raison du blocage de la route traversière depuis Mataiea. La situation perdure encore aujourd'hui malgré les décisions de justice.
Depuis 2008, l'accès au lac de Vaihiria est devenu quasi impossible en raison du blocage de la route traversière depuis Mataiea. La situation perdure encore aujourd'hui malgré les décisions de justice.
PAPEETE, le 24 mars 2016 - Condamnée en 2015 par le tribunal correctionnel pour entrave à la circulation et extorsion de fonds, la famille Bennett était de retour au palais de justice, ce jeudi en appel. Le parquet général a requis la confirmation de la condamnation alors que la famille se trouve depuis sous le coup d'une procédure d'expropriation. Délibéré le 30 juin.


S'estimant propriétaires d'un bout de terrain, le terrain Hinano, sur lequel passe la route traversière menant au lac Vahiria, côté Mataiea, les Bennett empêchent depuis plus de dix ans la libre circulation des personnes et des véhicules dans la vallée. Portails sauvages, chaînes cadenassées, impossible de passer sans se soumettre à leur bon vouloir. La société Marama Nui, qui doit emprunter la route pour assurer la maintenance de sa centrale hydraulique, avait décidé de signer la fin de la récréation en déposant plainte contre les empêcheurs de circuler librement après des incidents, en 2011, entre leurs équipes et les irréductibles.

Les gendarmes avaient dû intervenir à de nombreuse reprises pour faire libérer l'accès, une pétition avait rassemblé plus de 200 signatures de propriétaires de terrains dans la vallée, furieux d'être empêchés d'aller chez eux, sans compter les multiples plaintes pour racket : la situation se débloquaient parfois, mais en échange de quelques billets de 1 000 francs.

La question de la propriété "ne devrait même pas se poser" pour le parquet et la partie civile

Condamnés en 2015 à des peines comprises entre 8 et 12 mois de prison avec sursis pour entrave à la circulation et extorsion de fonds, les consorts Bennett avaient fait appel. Examiné ce jeudi par la cour, le dossier n'a été qu'une redite du procès qui s'était tenu en première instance. Sur la base de deux décisions de justice en leur faveur, que la famille Bennett interprète comme une reconnaissance de leur droit de propriété, ce qui est contesté, la route fait toujours l'objet de blocages sporadiques. La solution pourrait venir de la procédure d'expropriation qui vient de s'achever et acceptée sur le principe par les Bennett.

Mais, comme ils n'ont pas manqué de le relever à l'audience, dans un discours parfois confus, les indemnités ne leur auraient toujours pas été versées et la procédure aurait oublié de prendre en compte l'une des trois maisons érigées par la famille sur le lopin de terre de tous les enjeux. "On ne peut pas laisser le portail ouvert tant qu'on a pas touché l'argent" a lâché Laetitia, la maman, qui jure que la famille a mis de l'eau dans son vin et que "si la chaîne est toujours en travers de la route, il suffit de venir nous voir pour qu'on ouvre".

Du côté de l'avocat de la partie civile, Me Quinquis, dans les intérêts de Marama Nui, comme du côté du parquet général d'ailleurs, la question de la propriété, ou pas, du terrain Hinano ne devrait même pas se poser. Un arrêté de 1932, du temps des Etablissements français d'Océanie, stipule que toutes les voies carrossables et même les sentiers remontant ou descendant des vallées sont des chemins vicinaux d'utilité publique et que la circulation doit y être libre peu importe qu'ils soient privés.

Pour la défense des consorts Bennett, assurée par Mes Algan et Lau, le texte est aujourd'hui obsolète et même anticonstitutionnel puisqu'il s'opposerait au caractère inaliénable de la propriété, considérant un arrêt de la cour d'appel de Papeete de 2011 en faveur des Bennett et qui, justement, reconnaissait ce chemin comme une voie privée.

La cour d'appel s'est donnée jusqu'au 30 juin pour démêler cet imbroglio qui dure depuis plus d'une décennie dans sa phase "moderne", mais qui suscite tensions et crispations depuis bien plus longtemps encore. En attendant, le lac Vaihiria, considéré comme l'un des sites les plus remarquables de Tahiti, situé au cœur de l'île, reste pacifiquement accessible par Papenoo, à l'est.



Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 24 Mars 2016 à 17:31 | Lu 3869 fois