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Vallée de Tipaerui : un "jardin d'Eden" à deux pas de la ville


PAPEETE, le 17 juin 2016 - Tipaerui est souvent connu pour son quartier et sa zone industrielle. Au-delà du bitume, une poignée d'habitants ont mis en place un espace cultivé, où partage et amour de la nature règnent en maître.

De grands arbres verts sur le flanc des collines, des fleurs et des fruits dont les senteurs se réunissent en un doux parfum et au milieu, une rivière à l'eau rafraîchissante. La vallée de Tipaerui, à deux pas du centre-ville de Papeete, est un véritable trésor.

Il y a 20 ans, un groupe d'habitants de Tipaerui a décidé de se remonter les manches pour faire de cet endroit un jardin partagé. "Quand nous sommes arrivés, il n'y avait rien, se souvient Germain Tehei, à l'origine de l'initiative. C'était un dépotoir, les gens venaient jeter leurs ordures ici. Ils prenaient la nature pour une poubelle. Avec les copains, on avait envie d'en faire quelque chose de plus joli, un jardin où on pourrait planter des arbres." L'histoire de copains prend très vite forme.

Les premiers arbres fruitiers, des citronniers, sont plantés. 20 ans plus tard, Germain en récolte plus de deux tonnes pendant la saison. "Au début, cultiver, planter, on faisait ça pour le fun. On était fiu de la caisse de bières alors on voulait faire autre chose. Après, c'est devenu sérieux. On a vu que l'on pouvait avoir à manger." Il y a peu, la "Valley de Tipaerui" a même acquis des ruches. Du miel a été récolté l'année dernière et l'opération a toutes les chances de se reproduire cette année. Un autre chantier qui demande encore plus de main d'œuvre.

Si au fil des années le jardin prend de l'ampleur, les jardiniers, eux, disparaissent. Ils délaissent les arbres pour d'autres occupations. Sauf Germain. Lui a tenu bon. "Je me suis toujours dit que c'était mon salaire. Au début, je faisais cela en plus de mon travail mais maintenant que je suis à la retraite, je viens ici presque tous les jours."

En créant ce jardin partagé, Germain Tehei avait aussi dans l'idée de donner du travail aux jeunes du quartier. En contrepartie d'un peu de sous et de repas, ces derniers avaient répondu présents. "Nous avions fait la demande auprès de la mairie pour avoir des contrats aidés (CAE). Un jeune a pu en bénéficier, cela a duré huit mois mais c'est tout. Ensuite, plus rien ! Forcément, quand je n'ai plus pu les payer, les jeunes sont partis…"

Aujourd'hui, les grands espaces verts se sont vidés de leur main d'œuvre. Seul Germain et quelques membres viennent entretenir le chantier "monumental". Tant pis pour le reste. Sourire aux lèvres et rau en main, Germain s'en va cueillir les pamplemousses pesant sur les branches. Le Tahitien continue son travail, initié il y a 20 ans. "J'ai failli abandonner plusieurs fois, forcément. Mais après j'ai regardé autour de moi, les plantations, les arbres, cette verdure. Je me suis dit qu'on ne pouvait pas laisser ce qu'on avait commencé. On continue avec nos moyens…"

Des voleurs de plus en plus nombreux

À ces problèmes humains, s'ajoutent le vandalisme et l'irrespect. Quand ils ont retapé la vallée il y a 20 ans, il était évident pour Germain de partager son trésor. L'association a décidé d'ouvrir l'accès aux randonneurs, aux familles et à quiconque voudrait visiter Tipaerui. Le chemin de randonnée passe au milieu du jardin avec, d'un côté, les pamplemousses et les fruits de la passion, de l'autre, les citrons et les papayes. Ce "jardin d'Eden" attise les tentations. "Les gens passent par là et prennent directement dans les arbres. Au départ, les voleurs, je leur donnais dix trous de bananiers à creuser. C'était plutôt amusant. Mais maintenant, je ne peux pas faire la police tout le temps."

Les vols s'accompagnent souvent de dégradations : papiers qui traînent, ordures, branches cassées. Germain Tehei hésite à fermer l'accès aux chemins de randonnées. Ce serait un crève-cœur pour lui, mais si les choses empirent il n'aura pas le choix. "J'aime bien voir les randonneurs, et ce ne sont pas tous les randonneurs qui dégradent mais au bout d'un moment…", explique t-il, essuyant les perles de sueur sur son visage.
Le soleil tape fort en ce matin de juin. Au milieu de cette nature, un vent frais se lève et réveille les parfums des arbres fruitiers. Germain tend le regard de l'autre côté de la rivière. Bientôt, les jeunes fleurs des arbres seront remplacées par des avocats. "Ce sera un vrai régal", se réjouit le retraité, éternel amoureux de cette vallée.

Où vont les fruits de la Valley ?

La plupart des fruits récoltés sur le site vont à destination des membres de l'association qui ont aidé à leurs plantations. Si personne ne les réclame, Germain se fait un plaisir de les ramasser et de les redistribuer aux familles dans le besoin. Il arrive aussi que les fruits soient vendus sur le marché.

La Valley de Tipaerui, une association

Il y a six ans, pour des raisons administratives, l'ancien a dû créer une association pour continuer à exploiter ces terrains communaux. Celle-ci s'appelle "Valley de Tipaerui". Elle regroupe aujourd'hui une dizaine de personnes actives, de Tipaerui et d'ailleurs.
Pour devenir membre, une seule condition : "Il faut aimer la nature, lance Germain, en ajoutant des morceaux de bois à son feu. Ici, ce n'est pas avec l'argent que l'on fonctionne. Il faut aimer et respecter la nature. Si les gens viennent, ils donnent un peu de leur temps : aider à planter, débroussailler… et ils peuvent ramasser des fruits."
Contact : 87 75 73 56

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Rédigé par Amelie David le Vendredi 17 Juin 2016 à 16:42 | Lu 10421 fois