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Ces Tahitiens qui ont libéré la France


PAPEETE, le 1 août 2019 - Plusieurs Tahitiens ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Ils s’étaient engagés dans la seconde division blindée (DB) du général Leclerc, qui a pris part à la bataille de Normandie et vaincu l’armée allemande, de 1944 à 1945. Retour sur le parcours de certains héros tahitiens et regard sur les moments clés de la 2e DB.

Il y a 75 ans, le 1er août 1944, la 2e division blindée (DB) du général Leclerc débarquait à
Utah Beach en Normandie, trois semaines après le Jour J. En station dans le Yorkshire, la 2e DB a franchi la Manche dans la nuit du 31 juillet au 1er août pour être mise à la disposition de la IIIe Armée américaine du général Patton.

Fin juillet 1944, la 2e DB s’élance dans le mouvement de la percée d'Avranches pour couper la retraite aux forces allemandes de Bretagne et celles qui tentent par le sud de quitter la Normandie pour la basse Seine. La 2e DB atteint Fougères puis Château-Gontier. Le 9 août, elle atteint enfin la ville du Mans. Le matin du 10 août, elle livre son premier combat aux chars de la 8e Panzer qui se dirigent vers Alençon. Les pertes sont lourdes dans les rangs français. Dans le village de Nouans, les Allemands ont installé une batterie de 88, dont le feu meurtrier a déjà pulvérisé trois half-tracks et leurs équipages. “Ramières”, nom d’emprunt du capitaine Boissin pour protéger sa famille en France, commande la 3e batterie du 40e RANA et réussit à se rapprocher à quelques 400 mètres de la batterie. Sur les observations de Ramières, 24 salves de sa batterie finissent par la réduire. Alençon est libérée le 12 août. L’objectif de la division blindée est ensuite Argentan. Les Allemands sont anéantis dans la forêt d’Ecouves.


LA LIBERATION DE PARIS

Le 19 août, la population de Paris s’est levée. Les insurgés parisiens sont menacés. Le Général Leclerc arrache l’ordre du haut-commandement allié de marcher sur Paris. Le 23 août, la 2e DB s’élance d’Argenton pour atteindre Rambouillet dans la soirée. Le lendemain, la division gagne la vallée de Chevreuse, Jouy-en-Josas, Clamart, Massy, Wissous, Fresnes, la Croix-de-Berny. Trois chars et trois sections sur half-tracks atteignent la place de l’hôtel de ville, suivi le 25 août de l’ensemble de la division qui engage la réduction des poches de résistance allemande. Dans le nord, à Saint-Denis, à Montmorency et à Gonesse, les accrochages sont sévères, comme ceux des 27 et 28 août à Pierrefitte et au Bourget, pour que Paris soit entièrement libéré. Le 8 septembre 1944, la 2e DB retrouvant sa place dans le XVe Corps américain franchit la Marne. Elle retrouve l’ennemi à Andelot, à Contrexéville, à Vittel, et surtout à Dompaire, où une Panzer brigade passe à la contre-offensive. Les combats du 13 septembre sont particulièrement sévères. L’action de l’aviation américaine est décisive dans le sort de la bataille : les Allemands se replient en laissant 59 de leurs chars sur les 90 engagés. Le 15 septembre, le franchissement de la Moselle à Châtel entraîne une nouvelle riposte des Allemands, qui est repoussée. Le 22 septembre, la Meurthe est franchie de vive force pour atteindre la forêt de Mondon où la 2e DB s’immobilise. Elle se reconstitue et forme les volontaires.



L'ALSACE REPRISE

Le Tahitien Emile Lecaill, versé dans les troupes d’armistice en 1940, s’est engagé dans la 2e DB comme quelque 1 500 anciens membres des Forces françaises de l ' intérieur ( F F I ) . L’étape suivante de la 2e DB est le massif des Vosges. Le 31 octobre, les chars de la 2e DB prennent Baccarat. Les 15 et 16 novembre, les hommes de Leclerc pénètrent dans les Vosges et roulent vers Strasbourg. À Saverne, les résistances allemandes sont bousculées. L’Alsace est atteinte, Strasbourg est libérée, le serment de Koufra (1940-1941) est tenu : “nous ne déposerons pas les armes avant que le drapeau français flotte également sur Metz et Strasbourg libérées”. Pendant les deux mois qui suivent, la 2e DB est engagée dans la poche de Colmar face aux contre-attaques ennemies. L’hiver qui s’installe est particulièrement rude. Lors de la contre-offensive allemande dans les Ardennes, Strasbourg est menacée et privée de la protectiodl2e DB, qui elle s’est dirigée sur la Sarre au nord des Vosges. Les dernières résistances allemandes qui cernent encore Colmar ne seront réduites qu’après de sévères combats. Le 28 janvier 1945, le 501e Régiment de chars de combat se bat à Grussenheim où il s'illustre. Le Tahitien René Tracqui, pilote du char Arcis-sur-Aube, est entré dans Grussenheim sous le feu d’armes anti-char d’un Tigre et de deux Jagd Panthers qu’il met en fuite. L’ennemi contre-attaque violemment mais est contenu. René Tracqui interdit par ses tirs précis l’accès du village à l’ennemi, qui se retire en laissant sur le terrain deux chars Panther, deux automoteurs et deux engins chenillés. Bernard Tracqui, engagé dans la section des mortiers, fait aussi l’objet d’une citation, croix de guerre avec palme : “Adjudant de la division blindée, parfait sous-officier, adjoint de la section des mortiers, s’est révélé au cours de ses campagnes, par ses qualités d ’ordre , de méthode , son ascendant sur la troupe, un véritable guerrier, toujours volontaire pour des missions périlleuses outre celles incombant à sa fonction.”



LES PREMIERS AU NID D'AIGLE D'HITLER

Colmar libérée, du 15 au 17 avril 1945, la 2e DB est engagée à La Rochelle et à Royan pour aider les forces françaises de l'Intérieur à réduire les dernières garnisons allemandes encerclées. Le 29 avril, la 2e DB franchit le Danube et pénètre la première dans le nid d’aigle de Berchtesgaden. La Seconde Guerre mondiale se referme que déjà d’autres conflits se profilent : l’épopée de Leclerc et de la 2e DB se jouera désormais en Indochine.



LA FAMILLE TRACQUI

Dans les rangs de la 2e DB, on trouve les deux frères Tracqui partis de Tahiti pour rejoindre la France libre. Le délégué de la Fondation de la France libre en Polynésie française, auteur de Tamari’i Volontaires raconte : “La famille Tracqui est arrivée à Tahiti le 20 décembre 1936 en provenance d’Algérie, où le bateau partant de Marseille faisait escale pour continuer sur le Pacifique. Les Tracqui débutent dans le coprah avant que la guerre ne les mobilise.” Bernard, l’ainé des frères Tracqui, est mobilisé en 1939. En 1940, le sergent Bernard Tracqui encadre les volontaires du futur bataillon du Pacifique dont son frère, René Tracqui. Le 30 mars 1941, Bernard et son frère René Tracqui embarquent sur le Wairuna pour la Nouvelle-Zélande avec les volontaires emmenés par Jean Gilbert. Le benjamin de la famille, Pierre Tracqui, s’engagera dans les Forces Navales Françaises Libres. Jean, le dernier des frères Tracqui, reste avec les troupes demeurées sur place. René Tracqui est ensuite dirigé sur le Congo, puis la Centre Afrique où il est affecté à la compagnie de chars du régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad. Le 2 juillet 1941, Bernard Tracqui est versé dans le 501e régiment de la 2e compagnie de chars de combat. Il sera membre d’équipage du char Montmirail et pilote du char Arcis-sur-Aube, totalisant plusieurs citations pour la destruction de chars Panthers et de véhicules blindés de soutien. Bernard Tracqui suit momentanément les aviateurs tahitiens, mais rejoint finalement son frère en Afrique pour servir dans la 2e DB dans la section des mortiers.


ADOLPHE SYLVAIN

Le célèbre photographe de Tahiti Adolphe Sylvain est né dans le second arrondissement de Paris. Il s’est évadé de France occupée par l’Espagne. Il s’engage le 22 août 1943 à Casablanca dans les chars de combat, 4e compagnie du 501e de la 2e DB. Le “béret noir” (signature de ses lettres adressées à sa mère) participe à la libération de Paris, la campagne des Vosges et d’Alsace et la prise de Strasbourg. L’équipage du char Arcole , auquel il appartient, empêche la destruction des ponts de Holtzheim et du Fort Joffre, malgré une réaction soutenue de l’ennemi.


MICHEL VILLAR

L’expert maritime bien connu de Tahiti, Michel Villar, ment sur son âge pour s’engager en mai 1943, dès ses 17 ans révolus. Il est né le 15 août 1926, au Maroc. Il est affecté dans les Corps Francs d'Afrique. Il rejoint ensuite la 2e Division Blindée, au titre du 501e Régiment de Char de Combat (501 RCC). Il y restera fidèle jusqu’à la libération de Paris, à bord du char Medenine, commandé par Robert Galley, son compagnon de combat et futur ministre du Général De Gaulle. Durant cette épopée, il côtoie Bernard Tracqui , également dans le 501e RCC . Michel Villar fait l ’objet de quatre citations pour sa conduite durant les combats de Longjumeau lors de la libération de Paris et lors d'affrontements à Châtel, à Strasbourg et à Mutzig , durant la campagne d 'Alsace.



Rédigé par Teva Jean-Christophe Shigetomi le Jeudi 1 Août 2019 à 22:56 | Lu 4651 fois