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Doudou de Saint-Cyr garde le cap


TAHITI, le 21 juillet 2021 - La vie de Doudou de Saint-Cyr, c’est la voile et la saga. À 73 ans, il continue à porter l’incontournable événement à caractère social. À la fin de l’édition 2021, il aura offert à 19 200 enfants des séjours inespérés. Et l’aventure continue.

"On a même réussi à maintenir celle de l’année dernière malgré le contexte", se réjouit Doudou de Saint-Cyr. Voilà 29 ans que la Saga revient, fidèle. Cet événement à caractère social s’adresse à des enfants de Tahiti ou des îles, selon les années. Lesquels, logés en famille d’accueil, profitent d’un séjour autour de la voile et des activités nautiques. Pour Doudou de Saint-Cyr, co-fondateur, c’est un moyen d’offrir à des jeunes en difficultés une sécurité affective et matérielle qui leur permet, même si elle de courte durée, de renouer avec la vie. "Certains ont une vision de l’adulte si abimée", constate-t-il. Alors il leur parle, rappelle l’importance de la confiance, du respect. Il est aux côtés de ses "petits chéris" tout au long de la manifestation. À 73 ans, il reste un pilier de la Saga en particulier et du Club de voile de Arue en général.

Henry devient Doudou

Doudou de Saint-Cyr est né en 1948 au Maroc. Son père, après l’indépendance, a dû quitter le pays pour se reconstruire en métropole. Il a emmené femme et enfants. "J’étais le petit dernier de la fratrie", raconte celui qui alors se prénommait Henry de Saint-Cyr. "Mon père vient d’une grande famille de béké martiniquais. Je ne suis jamais allé en Martinique mais là-bas, on utilise le terme doudou pour désigner le chéri. Très vite, je suis devenu Doudou. Aujourd’hui, si on m’appelle en utilisant le prénom Hervé, je ne me retourne pas."

Il a débarqué à Bordeaux à l’âge de 17 ans sans savoir ce qu’il voulait faire. Il aimait la voile qu’il pratiquait depuis de très nombreuses années déjà. Au Maroc, il faisait partie des scouts marins, appartenant au très fameux groupe Jacques Cartier. "Je visais un bac de philo, mais n’avais aucune idée pour la suite." Il a finalement enchaîné avec son service militaire, à l’époque des premiers essais en Polynésie. "On parlait alors de croisière bleue ou blanche sans savoir jusqu’au dernier moment où l’on serait affecté." Dans son paquetage, il a découvert un short court. Il en a déduit qu’il partait vivre une année dans un pays chaud. Fin 1968, il a pris la direction de Tahiti. "À l’arrivée, j’ai été véritablement terrassé par l’odeur de tiare, j’avais le sentiment d’arriver au paradis."

"La plus belle année de ma vie"


Il a été envoyé sur un ravitailleur en eau qui faisait la liaison Moruroa-Hao et qui était baptisé Hanap. Exceptionnellement, le ravitailleur faisait escale à Papeete. Lors de l’une de ces escales, il a été percuté par un pétrolier, le Berry. "L’étrave du pétrolier est entré de plus d’un mètre dans le ravitailleur. Le dock a été fragilisé. On a tout juste eu le réflexe de sauter à quai. Le drame a été évité ce jour-là !" Doudou de Saint-Cyr s’est alors retrouvé dans un centre de repos à Mataiea. Là, la marine a cherché à savoir ce qu’il savait faire. Il a répondu : "Les nœuds de chaises, je sais godiller, naviguer…" Il a été affecté comme bosco. "La plus belle année de ma vie !"

En 1970, à la fin de son service, il a dû rentrer en France. Son père, qui avait été exportateurs d’agrumes, était devenu expert foncier, administrateur de biens. "J’ai travaillé avec lui, même si ça ne me plaisait pas trop." Il s’est rendu à Paris où il a suivi une formation d’agent général d’assurance. Il a créé un portefeuilles de clients dans une société. "Le jour où l’on m’a proposé un cabinet, je suis parti en courant." En 1973, il est retourné à Tahiti. Sa mère l’a laissé partir à l’aventure, des rêves plein la tête. "Avec mes récits de Tahiti, elle revivait un peu ce qu’elle-même avait vécu aux Antilles quelques années plus tôt. Elle était heureuse pour moi. J’ai eu une enfance heureuse et des parents respectueux de mes choix. Ils m’ont fait confiance." À présent, c’est Doudou de Saint-Cyr qui fait confiance et qui respecte les enfants de la Saga. À leur arrivée, il insiste : "Savez-vous quel est le plus beau cadeau que les familles d’accueil vous font ? Elles vous font confiance, sans même vous connaître. Alors respectez-là ! Ce cadeau vous engage."

À Tahiti, il lui a fallu trouver un travail. En toute logique, il a accepté un poste dans un cabinet d’assurance tout en se précipitant au Yacht Club pour adhérer et s’engager. "Très vite, j’ai été dans tous les coups." Il a fait des régates en bateau, s’est adonné à la planche à voile. "Elle démarrait tout juste, Tahiti a été précurseur pour ce sport." Il a participé à deux Trans-Pacifique, à des championnats en Europe, à un championnat du monde en Nouvelle-Zélande. Il a été compétiteur et entraîneur.

Ouverture de l’École de voile de Arue

En 1974, Jean Campistron, un ancien militaire, conseiller technique voile du territoire, "un homme qui avait beaucoup baroudé et beaucoup œuvré dans le monde de la voile", a proposé, en lien avec le service de l’éducation, d’ouvrir l’École de voile de Arue. Doudou de Saint-Cyr s’en est chargé. Soudain, il fait pivoter son siège, il tend la main vers la bibliothèque placée derrière son bureau et empoigne un cahier qu’il ouvre. Il s’exclame : "J’ai tout gardé !". Il lit la première ligne d’écriture comptable : "24 novembre 1974, un mélange pour remplir un réservoir coûtait à l’époque 624 Fcfp !"

Doudou de Saint-Cyr allait avoir 26 ans, il n’imaginait pas faire sa vie dans la voile. C’est pourtant ce qui s’est passé. "J’étais dans le milieu jusqu’au cou, sept jours sur sept. J’ai dû démissionner du cabinet d’assurance !" Pour autant, se sentant obligé vis-à-vis de la clientèle, il est resté disponible un temps pour le cabinet.

En 1980 ou 1981, il a créé une association pour pouvoir sortir un peu du cadre scolaire. En 1993, c’est la Saga qui a vu le jour. Elle est la suite logique d’une initiative du début des années 1990. Il s’agissait, pour l’École de voile de Arue, de proposer à des enfants et à leur famille de faire le tour de Moorea en optimiste. "Une petite aventure avec très peu de moyens." Enfants et bateaux faisaient escales en cours de route sur les plages des hôtels. Ils proposaient un ballet nautique puis invitaient les touristes à monter à bord. Les établissements offraient en retour un goûter partagé.

En 1992, l’initiative évolue. Doudou de Saint-Cyr contacte un ancien moniteur de l’École de voile installé à Rangiroa. Il veut aller y faire de la voile avec des enfants de Tahiti, une trentaine. "On a trouvé des solutions pour les loger sur place et aussi pour faire naviguer non pas 30 enfants, mais 250 ! Car les enfants de Rangiroa ont tous voulu nous suivre. Ils nous ont sauté dessus dès notre arrivée." Ce séjour a été "tellement sympa" qu’il a été suivi d’autres séjours. Les services sociaux sont entrés en jeu ainsi que des partenaires privés et institutionnels.

"Depuis, les années sont vite passées, pris dans le train train quotidien." La course du temps continue. Doudou de Saint-Cyr n’abandonne pas ses "petits chéris", il compte toujours parmi les acteurs engagés et garde le cap. "Ensemble tout est possible !"



Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 21 Juillet 2021 à 19:23 | Lu 1690 fois