Tahiti Infos

“Voilà le taudis”


Tahiti, le 18 septembre 2025 - À Punaauia, Élisabeth et quelques-uns de ses voisins louent des “taudis”. Et pour ajouter un peu plus à la misère, il y a cinq mois, leur propriétaire a fait couper l’électricité chez certains d’entre eux. Une “coupure prolongée, arbitraire (illégale ?)” qui “met en danger” une des locataires puisqu’elle doit dormir avec un appareil respiratoire, écrit son médecin traitant.  
 
Moisissures, infiltrations d’eau, fuites d’eau, des plats ou des seaux placés par terre pour recueillir l’eau qui tombe du plafond, des fissures dans le mur… c’est l’état dans lequel se trouvent quelques-uns des appartements que loue un marchand de sommeil à des familles depuis plusieurs années à Punaauia. “Voilà le taudis”, lance sans détour Élisabeth, qui loue l’un des douze appartements de l’immeuble depuis cinq ans, en nous accueillant dans l’un des logements insalubres.
 
Lorsque l’on arrive à Punaauia, il fait presque nuit et la moitié de l’immeuble, composé de douze appartements, est plongé dans le noir. “Là, il n’y a plus d’électricité depuis mai et la personne qui vit ici avec ses deux enfants et son gendre galèrent. Alors, côté nourriture, je ne sais pas comment ils font”, nous précise Élisabeth en indiquant un autre appartement. 

“Il met en danger cette patiente”

Les logements de cet immeuble sont dans un état tel que le médecin traitant d’une des locataires a été obligé de s’en mêler. Celle-ci est en effet atteinte d’une pathologie cardiovasculaire qui “nécessite impérativement l’utilisation quotidienne la nuit d’un appareil respiratoire”.

Et au vu de l’état “très fragile sur le plan cardiaque et pulmonaire” de sa patiente, cette coupure d’électricité “prolongée, arbitraire (illégale ?) la met en danger avec un retentissement certain sur sa santé et un risque cardiaque important”, écrit-il.

Et ce n’est pas tout, Élisabeth ajoute que cette locataire “a même attrapé une bactérie avec tout ça (…). Et voilà, c’est un danger sanitaire”. Une information confirmée par la locataire malade qui n’a par ailleurs pas souhaité s’exprimer.

Créatrice de bijoux, Élisabeth a quant à elle besoin de l’électricité pour exercer son métier et utiliser ses machines.

“Je faisais confiance au propriétaire”

Lors de la visite de l’appartement dans lequel nous a accueilli Élisabeth, il faut faire attention où mettre les pieds. “Il y a des seaux d’eau par terre, il y a de l’eau qui s’écoule du haut du plafond (…) et qui vient de la voisine du haut (…). Les affaires sont mouillées”, indique-t-elle. 

La locataire de cet appartement vit “dans ce taudis” depuis huit ans, affirme Élisabeth. “Vous voyez, il y a de l’eau qui coule par terre. Le propriétaire a demandé à un de ses travailleurs de couper l’électricité en cas de danger.”
 
“Dans la chambre de la fille de mon amie, il y a des fissures, et cette eau (qui coule le long du mur, NDLR) vient de la salle de bain de la voisine du haut.” Pour cacher la misère, la locataire de l’appartement, qui paie un loyer de 95 000 francs par mois, a repeint son mur “mais cela n’a pas amélioré grand-chose”.
 
Lorsqu’Élisabeth a emménagé dans son appartement en mars 2021, “je faisais confiance au propriétaire, j’étais contente car j’avais un petit truc pour moi et mes enfants qui étaient encore mineurs à l’époque”. Malgré le fait que ses voisins étaient venus l’informer des déboires qu’elle pourrait avoir dans son appartement. Mais pour elle, son appartement était “vivable et si le propriétaire venait faire des travaux, il pourrait être carrément top”.   

“Je ne vais pas payer quelque chose où mon fils dort dans l’eau”

Mais quelques jours seulement après leur installation, une mauvaise surprise l’attendait : “J’ai mis ma machine à laver en route et là, il y a eu plein d’eau partout (…) l’eau est partie aussi chez ma voisine et ça a mouillé tout son matelas”.
 
Élisabeth se souvient même avoir reçu des menaces de son voisin du bas car “ il y avait de l’eau de chez moi qui a coulé chez lui. Je lui ai dit qu’il y avait déjà ça quand je suis arrivée et que je ne suis que locataire (…). Le propriétaire m’a jamais dit qu’il y avait des fuites. Il a pris la caution, le loyer, tant qu’il a les sous, il s’en fiche.”
 
“À chaque fois que j’appelle, il est injoignable. Dès fois, il vient juste pour constater et après, il se barre. C’est tout le temps comme ça”, regrette-t-elle. 
 
Élisabeth commence à ressentir les effets néfastes de cet environnement sur sa santé. “Je tousse la nuit et, dès fois, je n’arrive même plus à respirer et ça, c’est l’humidité de la fissure dans la chambre”. Un problème qu’elle a signalé au propriétaire “mais il ne vient pas”. La baie vitrée de sa salle de bain est également “cassée” depuis son entrée dans l’appartement. “Il n’a jamais refait ma salle de bain”, déplore-t-elle. “Regarde l’état de ma salle de bain. Lorsque je me baigne, cela mouille partout, l’eau va jusque dans le couloir ou dans le salon.”
 
Élisabeth reconnaît avoir des retards de loyer “mais je ne vais pas payer quelque chose où mon fils dort dans l’eau”. Cette dernière a donc reçu de son propriétaire un commandement à payer. “Il y a des erreurs en plus, il mentionne que je suis arrivée en 2020 alors que ce n’est pas du tout le cas (…). En tout cas, moi, tout ce qui se passe, je note.” Selon Élisabeth, certains locataires de l’immeuble, pourtant à jour de leurs loyers, ont tout de même reçu un commandement à payer de la part de leur propriétaire. Et toujours selon elle, certains ont quitté leur appartement.
 
Contacté, le propriétaire du bâtiment a simplement assuré : “Mon affaire est au tribunal”.        

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Vendredi 19 Septembre 2025 à 05:00 | Lu 10388 fois