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Violences conjugales: le gouvernement présente son plan en espérant un "électrochoc"


Paris, France | AFP | lundi 25/11/2019 - Prise en charge psychologique des agresseurs, introduction de l'emprise dans le code pénal, renforcement du numéro 3919: le Premier ministre Édouard Philippe a clos lundi le "Grenelle contre les violences conjugales" en présentant un plan à forte tonalité juridique destiné à provoquer un "électrochoc" pour endiguer ce fléau.

Les financements sont "là", "massifs", a assuré le chef du gouvernement, confirmant le chiffre de 360 millions d'euros dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes "en une année".
Accompagné de plusieurs ministres, Édouard Philippe a présenté ou confirmé une trentaine de mesures, dont celles annoncées dès le lancement du "Grenelle contre les violences conjugales".
Depuis le début de l'année 2019, au moins 117 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un décompte et une étude au cas par cas menés par l'AFP.
Pour mettre fin à des "dysfonctionnements dont nous n'avons pas jusqu'à aujourd'hui voulu prendre conscience", Édouard Philippe a annoncé dans un discours à Matignon des initiatives susceptibles selon lui de "briser la chaîne du silence".
Il s'agira notamment de "mieux définir dans notre droit ce que recouvre le terme de violences", en créant une "nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide", ou encore en inscrivant dans la loi la notion d'"emprise" psychologique.
Il a également confirmé que les règles régissant le secret médical seraient aménagées, pour permettre aux professionnels de santé de signaler plus facilement les "cas d'urgence absolue".
Certaines "absurdités juridiques" seront supprimées, comme l'obligation alimentaire "qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents, donc de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère".
Plusieurs de ces mesures seront inscrites dans une proposition de loi que porteront deux députés LREM en janvier. Ce texte entérinera aussi "le principe de la suspension automatique de l'autorité parentale pour le conjoint meurtrier" ou de son "aménagement par le juge pénal" pour "le conjoint violent", mesures annoncées le 3 septembre.
Dès dimanche, la secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa avait annoncé que le gouvernement allait créer et cofinancer à 50%, dans chaque région, deux centres de prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales, afin de faire baisser la récidive.
Par ailleurs, la ligne d'écoute dédiée aux victimes de violences conjugales, le 3919, fonctionnera désormais 24 heures/24 et 7 jours sur 7.

- "Opérations de communication" -

 
Une dizaine de mesures avaient été annoncées dès l'ouverture du Grenelle, le 3 septembre, dont la création de 1.000 nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence pour les femmes victimes ou la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital. Figuraient également l'identification de "procureurs référents spécialisés" dans tous les tribunaux, et la création d'une "grille d'évaluation" devant permettre aux forces de l'ordre de mieux estimer le danger encouru par les femmes qui se présentent au commissariat ou à la gendarmerie.
Les députés ont par ailleurs adopté mi-octobre une proposition de loi pour mettre en place, début 2020, le bracelet antirapprochement, qui permet de maintenir à distance les conjoints violents.
Ces annonces étaient très attendues par les militantes féministes, confortées par le succès des manifestations de samedi, qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans toute la France.
"Le gouvernement rate le coche", a réagi Caroline De Haas, du collectif #NousToutes, ajoutant que "la déception est à la hauteur de l'immense mouvement."
Saluant "des avancées très concrètes dès 2020 dans la loi", la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert a néanmoins regretté auprès de l'AFP que "le gouvernement ne prenne pas conscience que ces campagnes de sensibilisation aux violences conduisent de nombreuses femmes à solliciter les associations, et qu'elles n'ont pas plus de moyens pour les aider".
"Il est nécessaire de renforcer des dispositifs spécialisés comme l'hébergement et l'accompagnement des victimes", a également estimé Françoise Brié, qui dirige la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF), soulignant les fortes disparités régionales sur ce sujet.
"Pourquoi l'Espagne réussit contre les violences conjugales ? Ce pays ne se contente pas d'opérations de communication", a tweeté le député LR Aurélien Pradié, demandant au gouvernement "où sont les cinq millions d'euros nécessaires pour déployer les bracelets anti-rapprochement?"

le Lundi 25 Novembre 2019 à 04:01 | Lu 111 fois