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Une loi pour protéger la maison familiale des autoentrepreneurs


PAPEETE, le 1er avril 2015 - Un texte de loi de Pays largement soutenu à l'Assemblée et au CESC avance dans son chemin parlementaire : il permettra aux 19 000 patentés de Polynésie de protéger la maison familiale d'un éventuel revers de leur fortune économique. Mais la procédure envisagée semble complexe…

Après une navette rapide entre l'Assemblée de Polynésie française, le Haut Conseil et le CESC, la proposition de loi de Pays "relative à la protection de l'entrepreneur individuel et du conjoint" a été validée par le Conseil Économique Social et Culturel ce mardi. Il ne restera plus qu'à l'inscrire à l'ordre du jour de l'APF et à la voter pour que les 19 000 patentés de Polynésie puissent protéger leur maison de leurs futurs créanciers.

Le texte de loi ne fournit pas une protection automatique. Le mécanisme est même un peu compliqué pour les artisans, petits commerçants ou agriculteurs qu'il est censé favoriser : un entrepreneur individuel aurait la possibilité de déclarer sa résidence principale "insaisissable" grâce à un acte notarié, qui sera publié au bureau des hypothèques ainsi qu'au Registre de commerce et des sociétés (ou publié dans un journal d'annonces légales si le déclarant n'est pas dans ce registre).

De plus, cette déclaration ne s'applique qu'aux créances contractées "postérieurement à la déclaration, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant". Le CESC estime que la procédure pourrait coûter à terme autour de 70 000 Fcfp, dont 15 000 Fcfp de frais de notaires (la création d'une entreprise coûte pour l'instant - au minimum - 7797 Fcfp). Mais le texte prévoit que les frais d'enregistrement et de transcription seront gratuits jusqu'à fin 2016.

Bref, la procédure semble couteuse et complexe, alors que ces patentés ont déjà fait le choix de la simplicité en ne créant pas une EURL, régime beaucoup plus protecteur… Malgré tout, les conseillers du CESC saluent cette avancée.

Protéger les "tout petits entrepreneurs"

"L'objectif premier est de protéger les tout petits entrepreneurs, qu'on a poussé à la roue à créer leur propre emploi ces dernières années. Les créateurs d'une SARL ou d'une Société anonyme ne sont responsables qu'à la hauteur de leur capital, mais les patentés sont responsables sur leurs biens personnels, et beaucoup, au bout de deux ans, ont perdu leurs maisons. Le pire c'est qu'elles sont vendues aux enchères, au rabais, pour le prix de la dette" explique Aline Baldassari-Bernard, rapporteur de la loi de Pays dans le cadre de la commission économique du CESC.

La situation qu'elle décrit, même si le nombre de personnes concerné n'est pas connu, est très difficile : "c'est toute la famille qui est entrainée dans la faillite de l'entreprise individuelle. Souvent, ils ne savaient pas qu'ils engageaient leurs biens personnels, c'est par totale ignorance qu'ils ont perdu leurs maisons". Du coup, le rapporteur comme la grande majorité des membres du CESC (il y a eu deux votes contre et deux abstentions), est très favorable à cette loi qui a déjà pris beaucoup de retard : elle avait été présentée à l'Assemblée et au CESC dès 2009, mais s'est retrouvée enterrée par un changement de gouvernement.

La maison principale et les terrains insaisissables

Dans le détail, la loi prévoit qu'une fois la déclaration d'insaisissabilité faite, il deviendra impossible pour les créanciers d'une entreprise individuelle, généralement les banques, de saisir la maison principale de l'entrepreneur. La protection s'étend à un terrain nu ou bâti où il n'a pas exercé son activité professionnelle, mais les meubles, voitures, télévisions, etc. pourrons toujours être emportés par les huissiers. Enfin, la protection ne s'applique pas à l'administration fiscale en cas de fraude…

La loi prévoit aussi un effet pervers possible du texte : les banques, qui ne pourrait plus réclamer d'hypothèque sur la maison familiale, refuseront de prêter de grosses sommes aux patentés. L'exposé des motifs du texte souligne qu'ils pourront recourir à "d'autres formes de garanties", comme celles de la Sogefom ou de la Sofidep. Au pire, le projet de loi prévoit que les entrepreneurs puissent révoquer volontairement leur "déclaration d'insaisissabilité" pour faire une hypothèque.


L'Assemblée se découvre force de proposition

Cette proposition de loi est la deuxième initiée par l'Assemblée de Polynésie en 2015, après celle concernant l'encadrement du rachat d'or. Avant ces deux projets, aucun texte n'avait été initié par la législature actuelle… Ou la précédente.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 1 Avril 2015 à 13:05 | Lu 1235 fois