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Une loi fiscale "balai" étudiée à l'assemblée


crédit photo d'archives APF
crédit photo d'archives APF
Tahiti, le 18 juin 2025 – Le gouvernement a transmis aux élus de l'assemblée un projet de loi du Pays portant diverses mesures fiscales, comme des avantages fiscaux à l'import plus efficients, une généralisation de la retenue à la source aux prestations de toute nature pour les non-résidents, ou l'instauration d'un taux réduit de TVA pour l'importation de contenants biodégradables. Mais c'est surtout une “loi balai” avec des mesures techniques sans portée politique. On n'y retrouve en effet aucune des réformes fiscales annoncées par le ministre des Finances, Warren Dexter, comme celle de la TDL, ou encore la TVA de 1% pour les archipels.
 
 
La commission de l'économie de l'assemblée qui doit se réunir ce jeudi a un ordre du jour bien chargé. Le gouvernement lui a en effet transmis de nombreux textes parmi lesquels le compte administratif du Pays 2024 qui clôture l'exercice avec un résultat de 36,6 milliards de francs, mais aussi le deuxième collectif budgétaire de cette année. Une modification budgétaire technique qui vient simplement formaliser le report sur l'année 2025 des 44,5 milliards de francs de reliquat des crédits de paiement (CP) 2024. Outre le collectif relatif aux comptes spéciaux, là encore pour formaliser des reliquats de CP, et les comptes de l'assemblée, les élus devront se pencher sur le projet de loi fiscale proposé par le ministre des Finances, Warren Dexter. Une “loi balai” qui vient procéder à des ajustements techniques, proposer des mesures visant à accompagner les politiques sectorielles du Pays, et corriger des dommages collatéraux suite à l'adoption de certains textes.

Correction et prorogation
 
C'est notamment le cas avec celui relatif aux produits sucrés qui sont désormais soumis à la taxe de consommation pour la prévention (TCP) et aux taux de TVA de 16%. Le hic, c'est que certains produits de nutrition entérale (alimentation liquide directement apportée dans le système digestif au moyen d'une sonde) sont également entrés dans le champ d'application de cette TCP ce qui n'était pas du tout l'objectif recherché. Warren Dexter propose donc de les en exclure afin qu'ils soient de nouveau soumis au taux de TVA réduit de 5%.
 
Correction aussi au niveau des procédures d'appel à manifestation d’intérêt (AMI). En effet, pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux liées au régime de défiscalisation, les entreprises doivent être sélectionnées au terme de cette procédure. Or, une loi du Pays adoptée en août 2024 oblige ces entreprises lauréates d'un AMI en 2022-2023 à déposer leur demande d'agrément auprès de la Direction des impôts (DICP) dans un délai de 12 mois, autrement dit jusqu'au mois d'août prochain. Car si elles ne le font pas, elles perdent le bénéfice de cet AMI. Une bonne chose en soi mais il faut croire que certaines entreprises ont estimé que ce délai était trop court. C'est pourquoi le ministre des Finances propose de le leur octroyer un rab d'un an et demi en se donnant la possibilité de proroger ce délai “au plus tard jusqu'au 31 décembre 2026”. Il prévoit par ailleurs une mise en œuvre plus efficiente des avantages fiscaux à l'import dans le cadre du régime des investissements directs en remplaçant la réduction d'impôt par une exonération des droits et taxes.
 
Des réformes qui se font attendre
 
Mais où sont les réformes annoncées par le ministre ? Il faudra certainement atteindre le prochain train de mesures fiscales d'ici la fin de l'année. Car dans ce projet de loi transmis à l'assemblée, on ne voit toujours rien venir : toujours pas de “taxe voyageur” annoncée par Warren Dexter il y a déjà 9 mois. Une taxe d'entrée sur le territoire applicable aux touristes et aux résidents polynésiens, et perçue par les compagnies aériennes. Rien non plus sur la suppression de la Redevance pour la promotion touristique (RPT) également annoncée en septembre dernier ou la réforme des PPN (produits de première nécessité). Idem concernant la réforme de l'Impôt sur les transactions (IT) pour les patentés.
 
Il faut dire aussi que le ministre des Finances est un peu coincé tant que son homologue à la Santé ne finalise pas son fameux texte modifiant les conditions d'affiliation au régime des non-salariés (RNS) pour faire cotiser les salariés également sur leur activité patentée. Un texte qui met vent debout le patronat et qui peine à faire l'unanimité au sein même de la majorité. Rien non plus sur la réforme de la Taxe de développement local (TDL) et sur l'instauration d'une TVA à 1% pour les archipels. Mais à la décharge du ministre, ces annonces ne datent que du mois dernier et – concertation oblige – il semble prématuré de les retrouver aujourd'hui dans ce projet de loi fiscale.
 
Mieux vaut tard que jamais
 
Un texte qui prévoit malgré tout de bonnes choses comme la généralisation de la Retenue à la source (RAS) sur les revenus des non-résidents aux prestations de toute nature, car jusqu'ici son champ d'application était restreint. Pour davantage d'équité et pour engranger des recettes en passant, l'idée est donc de taxer (en baissant quand même le taux de 15 à 10%) “les prestations de services de toute nature fournies ou utilisées en Polynésie française qui sont réalisées par des prestataires extérieurs au territoire” et qui font “très souvent concurrence à ceux installés” au Fenua puisqu'ils payent leur patente, l'impôt sur les sociétés et celui sur les transactions. On pense notamment aux cabinets d'audit extérieurs auxquels il est souvent fait appel.
 
Par ailleurs, le ministre des Finances propose un avantage fiscal par le biais de deux dispositifs (non cumulables) aux Structures d'insertion sociale par l'activité économique (SISAE) qui ont vocation à mettre fin à l'assistanat en formant des personnes pour l'entreprise qui les recrutera ensuite. D'abord, il est proposé une majoration de 20% du montant déductible à l'impôt sur les bénéfices des sociétés, des dépenses liées au recours à une SISAE. Ensuite, les sociétés ayant constitué une SISAE pourront bénéficier d'une réduction d'impôt équivalente à 50% des dépenses de constitution et de fonctionnement de cette structure, et imputable dans la limite de 50% de l'impôt annuel brut.
 
Enfin, mieux vaut tard que jamais, ce projet de loi vient instaurer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour les opérations d'importation et de vente des contenants à usage unique biodégradables. Il était temps puisque c'est à partir du 1er juillet prochain que seront interdits les couverts, assiettes, gobelets, verres, pailles, touillettes, couvercles ou barquettes en plastique ou en aluminium à usage unique.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 18 Juin 2025 à 17:36 | Lu 3002 fois