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Une cyber-arnaque à 65 millions évitée au fenua


Papeete, le 24 septembre 2019 – Le 25 juillet dernier, la société Sodiva a évité une arnaque au « faux ordre de virement » (FOVI) de près de 65 millions de Fcfp grâce à la réactivité de ses dirigeants et des services de police. La DSP met en garde contre ce type d’escroquerie qui a déjà touché l’Usine de Jus de fruit de Moorea en mars dernier et qui a concerné « près d’une dizaine de sociétés polynésiennes ces cinq dernières années » pour des montants astronomiques.
 
« Sur ce genre d’affaire, il faut être extrêmement réactif. » Le directeur de la Sécurité publique (DSP), Mario Banner, tire la sonnette d’alarme quelques semaines après une nouvelle tentative de cyber-escroquerie de grande ampleur visant une société polynésienne. Après l’Usine de Jus de fruit de Moorea touchée en mars dernier par une « arnaque au président » pour un préjudice de 150 millions de Fcfp, c’est la société automobile Sodiva qui a été visée ces dernières semaines par une arnaque au « faux ordre de virement » (FOVI). Fort heureusement, cette fois-ci, l’issue a été plus heureuse que pour l’usine de l’île sœur.
 
Le 25 juillet dernier, le P-dg de Sodiva et son assistante ont alerté la DSP après avoir reçu des mails inhabituels d’un de leur fournisseur basé en Chine. Concrètement, le fournisseur demandait à la Sodiva de lui régler ses factures sur un nouveau compte, mais domicilié dans la banque habituelle : la Bank of China. Les mails semblaient parfaitement conformes à ceux envoyés par le passé par le fournisseur, mais après quelques virements les dirigeants polynésiens ont flairé l’arnaque.

Argent gelé, arnaque évitée

La DSP, qui a été dotée récemment d’un investigateur en cybercriminalité (ICC), a réagi en appliquant une procédure millimétrée pour ce type de délit. « Pour la petite histoire, l’agent spécialisé ICC était absent le jour du signalement, et c’est son voisin de bureau qui a pris l’initiative de lancer les investigations après avoir observé le travail son collègue », salue le commissaire Mario Banner.
 
L’enquêteur, en lien avec le parquet, a donc averti la direction de la coopération internationale et l’office central de lutte contre la grande délinquance financière. Et la DSP a demandé aux banques locales qui avaient émis les virements de signaler les opérations à l’organisme « Tracfin » de lutte contre la fraude et le blanchiment. En opérant en moins de 24 heures, l’argent a été gelé dans la banque chinoise et il a pu être intégralement rapatrié en Polynésie française et rendu à la Sodiva. Montant total de l’escroquerie ainsi évitée : 65 millions de Fcfp.

Une dizaine de sociétés visées au fenua

Dans un second temps, les investigations menées sur les adresses IP des commanditaires de l’escroquerie ont permis de remonter jusqu’à l’adresse des escrocs au Nigeria. Le parquet de Papeete a transmis le dossier à la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Paris, qui devra mener les opérations pour retrouver les auteurs de l’arnaque. « Dans ce type d’arnaque, les faussaires piratent la société fournisseur, récupèrent des documents officiels et fichiers clients et se font ensuite passer pour le fournisseur en donnant un nouveau RIB », explique-t-on à la DSP. C’est l’arnaque au FOVI.
 
Un type d’escroquerie légèrement différent de « l’arnaque au président » dont a été victime l’Usine de jus de fruit. Dans ce cas de figure, les escrocs étudient précisément le fonctionnement et l’organisation d’une société en prenant leurs informations sur Internet ou sur Facebook. Puis il s’introduisent, généralement par mail, dans le fonctionnement des sociétés en se faisant passer pour un interlocuteur connu de leur victime. Il ne leur reste plus qu’à obtenir un virement qui semblera parfaitement légitime.
 
« Ce sont des affaires qui minent aussi la métropole », explique Mario Banner. Ces cinq dernières années, près d’une dizaine de grosses sociétés locales ont été visées par ces cyber-escroqueries. A chaque fois, les montants des préjudices portent sur des dizaines de millions de Fcfp et peuvent mettre en péril les entreprises locales et avoir des conséquences désastreuses sur l'économie et l'emploi. « Il nous faudrait un agent ICC supplémentaire pour être parfaitement apte à répondre à ces problématiques », poursuit le DSP, « mais désormais, si tout le monde fait preuve de vigilance et de réactivité, on est à même d’éviter ce type de délits en Polynésie ».

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 24 Septembre 2019 à 19:52 | Lu 6846 fois