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Une affaire de maltraitance au tribunal : des cicatrices innombrables sur les enfants


Trois ans après la découverte des faits de maltraitance, ce père de famille a été condamné à 5 ans de prison. Un mandat d'arrêt a été pris à son encontre.
Trois ans après la découverte des faits de maltraitance, ce père de famille a été condamné à 5 ans de prison. Un mandat d'arrêt a été pris à son encontre.
PAPEETE, le 12 août 2014. Un père de famille de Huahine a été condamné à cinq ans de prison dont un an avec sursis pour des violences habituelles sur ses quatre enfants aînés. En 2011, il avait failli tuer son fils de 11 ans avec un pita’a, une serpe équipée d’une lame de 35 cm, utilisée pour le coprah.
C’est un geste qui a failli coûter la vie à un jeune garçon de 11 ans, mais que l’avocate de la partie civile –agissant en faveur des quatre enfants mineurs et de leur mère- présente comme salvateur. Sans ce pita’a, lancé par le père et qui va se ficher à l'arrière du crâne de son fils, toutes les souffrances de ce garçon, de ses deux frères et de sa petite sœur n’auraient peut-être jamais été révélées au grand jour.

Il faut donc en venir à cette blessure très grave provoquant un œdème cérébral et des séquelles encore lourdes trois ans après, pour que le jeune garçon soit évasané vers Tahiti. Le médecin qui l’examine alors fait un signalement de maltraitance : scrupuleusement le médecin décrit, au départ, les multiples cicatrices identifiées sur le corps de l’enfant : sur le dos, les épaules, et les avant-bras jusqu’à en perdre le nombre, «des lésions de défense» tranche le médecin. Une enquête est donc ouverte sur toute la fratrie et il apparaît que tous les enfants ont été frappés par le père de famille et en portent les stigmates. Ils sont corrigés le plus souvent avec «un bois» : une tige d’hibiscus ou un balai ni’au. «Des blessures qui vont jusqu’au sang» indique Me Marie Eftimie-Spitz, comme le prouvent les cicatrices sur les avant-bras des enfants.

Le père qui comparait libre à la barre explique qu’il ne fait que corriger des enfants turbulents et bagarreurs comme lui-même l’a été dans son enfance. Il estime être un bon père «je pense avoir accompli mon devoir de papa». S’il frappe ses enfants et les met à genoux, dehors en pleine nuit, c’est parce qu’ils n’obéissent pas. Au passage sa femme peut recevoir les coups lorsqu’elle s’interpose. C’est sa méthode d’éducation «à la dure». La partie civile le voit tout autrement. Cette blessure au crâne de 17 cm de long causée par le lancer d’un pita’a aurait pu être fatale et le geste est le résultat d’une volonté de faire mal. Son fils est alors à moins de deux mètres de lui : il tarde à porter une chaise à son père qui est énervé et a lancé le pita’a. Au dispensaire de Huahine, le père est même allé jusqu’à expliquer que l’outil était tombé d’un arbre sur le crâne de son fils. Les experts psychologues ont noté cette tendance à minimiser ses actes ou à mentir par omission.

La crainte d’une récidive est donc réelle. Placé sous contrôle judiciaire depuis deux ans à Tahiti et avec interdiction de se rendre à Huahine, ce père de famille a eu, entre temps avec son épouse, deux enfants de plus ! La preuve que les interdictions du contrôle judiciaire sont bafouées avec une grande régularité. «Dans cette affaire cet homme n’a rien compris. Il n’exprime aucun regret, aucune douleur. Si on ne partage pas la douleur de ses enfants, on n’est pas père» plaide encore Me Marie Eftimie-Spitz. L’avocat de la défense décrit, lui, un père de 42 ans, frustre et dont les valeurs éducatives sont archaïques, certes, mais pour lequel il faudrait accorder le bénéfice du doute. «Il utilisait le bâton parfois mais il n’y a pas de certitude sur les maltraitances habituelles et aucune preuve apportée. Certaines blessures sont anciennes et sont prescrites, d’autres sont des accidents à l’école, des morsures de chiens. Il y a six enfants aujourd’hui dans cette famille et il faut lui refaire confiance».

Le tribunal n’a pas suivi ces conclusions. Les juges ont condamné le père de famille à 5 ans de prison dont une année avec sursis mise à l’épreuve durant trois ans avec obligation d’indemniser les victimes (des expertises médicales ont été demandées). Un mandat d’arrêt a été prononcé, car si le quadragénaire était présent à l’audience mardi matin où il comparaissait libre, il avait quitté le palais de justice avant que le délibéré ne soit rendu, à charge contre lui.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 12 Août 2014 à 17:30 | Lu 2867 fois