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Un nouvel acteur pour ouvrir le marché international aux perliculteurs


Tahiti, le 21 juin 2025 – Le groupe Belpearl installe un bureau à Tahiti. Cet opérateur privé, négociant en perles depuis 1933 qui se distingue par ses ventes aux enchères travaille déjà avec 25 producteurs locaux. Ce samedi ils étaient une cinquantaine de perliculteurs à avoir répondu présent au symposium de cette société visant à booster la commercialisation de la perle de Tahiti à l’international. Une initiative saluée par les intéressés qui seront par ailleurs mieux informés des attentes des acheteurs et formés gratuitement à de nouvelles techniques de triage.
 
 
 
C’est une histoire de famille qui règne sur la perle depuis trois générations. Originaire du Liban, la famille Hajjar est dans le négoce de perles depuis 1933. Avec sa société Belpearl, elle a ensuite développé des sociétés au Japon et à Hong Kong notamment, avant de s’intéresser à la Polynésie et à sa perle noire en 1990. Actuellement, elle fournit des solutions de vente à plus de 25 fermes au Fenua. Ce groupe est aujourd’hui surtout réputé pour ses ventes aux enchères quasi bimensuelles à l’international. Elle y met en vente des perles noires, mais aussi blanches ou dorées.
 
L’opérateur privé avait ainsi convié une cinquantaine de perliculteurs ce samedi à l’Intercontinental pour échanger avec eux et leur présenter un nouveau type d’offres dans la perspective de l’ouverture, d’ici le mois prochain, de leur bureau à Tahiti. “On est en train d’ouvrir un bureau en centre-ville pour que les perliculteurs déposent leurs perles chez nous et qu’on puisse leur donner une estimation car parfois ils ne savent pas exactement combien leurs lots valent à cause du fait que le triage n’est pas bien fait. C’est pour ça qu’on insiste sur la question du triage et on est en train de les former gratuitement pour qu’ils apprennent comment ça marche”, explique le futur directeur de ce bureau local, Freddy Hajjar. De nouvelles techniques de triage grâce à l’IA calquée sur la technologie déjà utilisée pour déterminer la qualité des diamants.

Freddy Hajjar, directeur du bureau de Belpearl qui sera installé d'ici un mois au centre-ville de Papeete dans le quartier du commerce.
Freddy Hajjar, directeur du bureau de Belpearl qui sera installé d'ici un mois au centre-ville de Papeete dans le quartier du commerce.
Être à la source pour avoir les bonnes informations
 
Avec ce symposium organisé samedi, Freddy Hajjar a surtout insisté sur la nécessité de tordre le coup à certaines idées reçues en communiquant les bonnes informations aux perliculteurs. “Quand on est arrivés à Tahiti on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de radio cocotier [...]. On a eu des cas où on a très bien vendu les perles à des prix très intéressants pour les perliculteurs, et une fois que j’arrive à Tahiti, j’entends des rumeurs selon lesquelles on n’a pas très bien vendu les perles et que les prix ont baissé [...]. Il y a eu beaucoup d’incompréhension. Ils veulent vraiment savoir combien valent leurs perles, c’est aussi simple que ça. On leur offre les outils nécessaires”, précise-t-il, soulignant que “c’est dans leur intérêt de se rapprocher de la source”.
 
“En tant que producteur, on a un peu la tête dans le guidon. On produit mais on ne sait pas exactement ce qui se fait à l’extérieur : quels sont les besoins des acheteurs. Et là concrètement, ça fait une relation entre le producteur et les acheteurs finaux de l’extérieur. Ça nous permet peut-être de produire mieux par rapport aux attentes des clients, que ce soit en qualité de perles, en couleurs, on peut mieux diriger notre production par rapport aux acheteurs”, se réjouit Steve Pommier, perliculteur depuis 25 ans à Arutua, et président du comité de gestion du lagon de Arutua.
 
 
 C’est une très bonne chose pour les perliculteurs polynésiens qui maintenant, à travers Belpearl, peuvent avoir accès à un taux réduit au marché hongkongais et aux ventes aux enchères. Actuellement on est un peu soumis aux aléas de variation du prix de la perle et à la présence des négociants ici. Et pour nous, les perliculteurs, avoir accès au marché international avec les prix réels est vraiment un avantage, à un coût réduit qui est de 5% de la valeur totale”, abonde Arii Sichoix, perliculteur aux Gambier qui n’est pas mécontent que “ça élimine complètement l’intermédiaire local qui était là depuis des années” même s’il concède que celui-ci – Robert Wan pour ne pas le citer – “a permis notre développement à nous, les perliculteurs”.

Steeve Pommier, perliculteur à Arutua depuis 25 ans
Steeve Pommier, perliculteur à Arutua depuis 25 ans
Pallier la pénurie de nacres en développant les écloseries
 
 
Pour Steve Pommier, “il y a de la place pour tout le monde”, et l’implantation de Belpearl à Tahiti, en plus des négociants locaux, permet aux perliculteurs de “s’ouvrir à l’international” et de disposer d’un “panel de choix plus important”. Et les exigences des acheteurs pourraient accélérer la restructuration du secteur qui fait face à une pénurie de nacres. “Le premier challenge aujourd’hui ce n’est pas forcément de trouver une stabilité dans les prix car justement les prix sont volatiles et l’offre de perles est beaucoup plus faible que la demande ce qui est à notre avantage. Mais le premier point à solutionner c’est l’apport en matières premières ce qui peut se faire uniquement par écloserie selon ma perspective parce qu’à l’heure actuelle, nos lagons sont beaucoup trop pollués et la collecte naturelle de naissains ne fonctionne plus”, relève Arii Sichoix qui a répondu à un appel à manifestation d’intérêt (AMI) du Pays et qui a lancé un projet d’écloserie aux Gambier “qui sera en production d’ici mars de l’année prochaine [...] sachant qu’à partir de la ponte, il faut un an et demi à deux ans d’élevage et ensuite, attendre encore un an et demi après la greffe pour avoir une perle donc ça se planifie maintenant pour assurer une pérennité”.

Arii Sichoix, perliculteur aux Gambier
Arii Sichoix, perliculteur aux Gambier
Viser la qualité plutôt que la quantité
 
On le sait, le prix de la perle noire a nettement baissé et a connu des hauts et des bas, notamment depuis la crise Covid car les producteurs de naissains n’ont pas relancé leur activité, mais il y a aussi d’autres facteurs comme l’explique Freddy Hajar : “Il y a eu des problèmes en Chine concernant l’importation des perles qui ont fait baisser les prix, et actuellement, c’est surtout la guerre économique entre le gouvernement chinois et le gouvernement américain qui nous affecte au premier plan.” Mais les perliculteurs sont confiants.
 
Car si “les prix ont baissé cette année, ils sont nettement meilleurs qu’avant le Covid. Sur la dernière vente, on doit être à 1.200 francs le gramme alors qu’avant le Covid on était à 600 francs le gramme. On a quasiment doublé donc je pense qu’on est sur la bonne voie”, se réjouit ainsi Steve Pommier. “Bien sûr, on souhaiterait augmenter [...] ensuite, si la demande suit, on serait bien content que ça monte jusqu’à 1.800 francs, et notre compétence est justement de fournir ce genre de données à nos acheteurs”, explique de son côté Freddy Hajjar. Une chose est sûre, tous sont conscients qu’il faut viser la qualité plutôt que la quantité. Il n’en demeure pas moins que Belpearl, qui achète toutes les perles vendables de la qualité A à D, s’intéresse aussi désormais “à celles qui sont à la limite de la qualité des rebus. On les appelle les E parce que justement il y a une pénurie”, et qu’il y aujourd’hui une demande des acheteurs à l’international, comme l’a souligné le futur directeur du bureau de Belpearl à Tahiti.   

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 22 Juin 2025 à 15:30 | Lu 2608 fois