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"Tueur de la gare de Perpignan": perpétuité assortie de 22 ans de sûreté requise


Perpignan, France | AFP | jeudi 22/03/2018 - L'avocat général a requis "la peine maximale" jeudi à l'encontre de Jacques Rançon, alias "le tueur de la gare de Perpignan", et réclamé la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.

"Jacques Rançon n'a plus rien à faire dans cette société où le droit à la vie est un droit inaliénable", a déclaré Luc-André Lenormand devant la cour d'assises des Pyrénées-Orientales, où Rançon est jugé depuis le 5 mars.
"Vous êtes une énigme Jacques Rançon!", a-t-il lancé en s'adressant à l'accusé identifié après "17 longues années" pendant lesquelles les policiers ont trébuché sur "des suspects parfaits".
"L'affaire qu'on a appelé +l'affaire des disparus de la gare+ ou +l'affaire du tueur de la gare+ a été une affaire criminelle d'une ampleur exceptionnelle qui a provoqué dans la ville de Perpignan un traumatisme considérable", a rappelé le magistrat, avant de passer en revue les quatre victimes de Rançon.
Originaire d'un milieu miséreux de Picardie, cet ancien cariste-magasinier de 58 ans, est jugé pour le viol et le meurtre de Moktaria Chaïb et de Marie-Hélène Gonzalez, accompagnés d'atroces mutilations, ainsi que pour une tentative de meurtre et une tentative de viol. Les faits ont été commis en 1997 et 1998.
"Le substitut du procureur me racontera s'être évanoui à la vue du corps de Moktaria", a poursuivi l'avocat général, en référence aux atroces mutilations subies par la jeune femme de 19 ans violée et tuée le 20 décembre 1997.
Le magistrat a parlé du "déchaînement meurtrier" de Rançon dans l'agression de Sabrina, 19 ans, qu'il avait laissée pour morte le 9 mars 1998. 
"Et ce couteau avec lequel vous avez agressé vos victimes!", a-t-il fustigé, "le couteau, c'est l'arme des sadiques".
Le verdict est attendu lundi 26 mars.

"Disparues de Perpignan": comment l'ADN a sauvé une enquête en panne

Pendant 17 ans, l'enquête sur les "disparues de Perpignan" est restée dans l'impasse jusqu'en 2014 lorsque les progrès des analyses ADN et un nouveau logiciel de traitement du fichier des délinquants sexuels ont permis de confondre Jacques Rançon, jugé depuis le 5 mars aux assises.

L'experte Marie-Hélène Cherpin a longuement expliqué mardi aux jurés de la cour d'assises des Pyrénées-Orientales, comment les évolutions "techniques et juridiques" ont pu faire parler une trace d'ADN laissée sur la chaussure de l'une des deux femmes violées et assassinées en 1997 et 1998.

"Techniquement, c'est le dossier le plus difficile que j'ai traité", a lancé en préambule cette scientifique de 65 ans qui était responsable des analyses génétiques au laboratoire Biomnis à Lyon.

L'experte a détaillé le travail de fourmi des expertises ADN, au 10e jour du procès de Jacques Rançon pour l'assassinat et le viol de Moktaria Chaïb, 19 ans, et de Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, la tentative de meurtre de Sabrina, 19 ans, ainsi que la tentative de viol de Nadia (prénom d'emprunt), 17 ans. 

"En 1998, avec les outils d'analyses qui existaient, il aurait été très difficile d'arriver à ce résultat", a affirmé Mme Cherpin, soulignant que le travail de deux autres laboratoires, au début de l'enquête, n'était pas en cause. 

Entre janvier 2012 et février 2013, la magistrate en charge du dossier du "tueur de la gare" a fait refaire l'ensemble des analyses ADN par le laboratoire lyonnais.

Sur les chaussures de Moktaria Chaïb, Marie-Hélène Cherpin retrouve alors "les empreintes partielles de deux ADN masculins". A l'été 2014, un nouveau logiciel permet de faire des rapprochements à partir de "profils partiels" sur le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG). 

 

- "Ca matche" -

La juge d'instruction missionne alors le laboratoire Biomnis pour faire des comparaisons avec les ADN retrouvés sur les chaussures.

Et là, ça "matche" avec le profil de Jacques Rançon, s'enthousiasme l'experte. L'ancien cariste-magasinier originaire de Picardie figure dans le FNAEG depuis 2001.

Elle affirme que malgré l'exploitation d'un "profil partiel" le risque d'erreur sur l'identification de l'accusé n'est que de un sur 540 milliards.

Le 16 octobre 2014, Rançon est placé en garde à vue et finit par avouer le meurtre de Moktaria Chaïb qu'il avait croisée par hasard. 

Avec force détails, Rançon a expliqué aux policiers de la PJ, qu'il avait découpé les seins et le bas ventre de la jeune femme pour ne pas laisser de traces.

En revanche, les expertises dans le dossier de Marie-Hélène Gonzalez "n'ont pas eu de résultats probants", a poursuivi la scientifique, même si son travail a tout de même permis d'écarter définitivement plusieurs suspects.

C'est notamment le cas d'un chirurgien péruvien qui avait été soupçonné. Les premières expertises médico-légales sur les deux femmes assassinées avaient mis en lumière, pensait-on alors, la précision "chirurgicale" des mutilations, orientant les enquêteurs vers un médecin.

Mardi après-midi, le professeur de Médecine légale de Montpellier, Eric Baccino, a démonté la thèse d'un tueur ayant des connaissances anatomiques.

Selon cet expert, les blessures infligées montrent "une volonté de tuer" dans le cas de Sabrina, tandis que pour Moktaria et Marie-Hélène, il décèle "un motif sexuel qui se transforme en intention homicide".

Après son arrestation, Rançon a été reconnu sur une photo parue dans la presse locale par Sabrina, agressée et laissée pour morte en mars 1998.

En 2015, il avouait les deux homicides et les tentatives d'homicide et de viol. 

En fin d'audience mardi, le président a donné la parole aux proches des deux jeunes femmes tuées. 

Un frère de Moktaria Chaïb, la mère et la soeur de Marie-Hélène Gonzalez n'ont pu retenir leur haine, invectivant l'accusé. Mais même face aux cris de cette mère en pleurs, Jacques Rançon est resté prostré, les yeux rivés sur ses pieds, refusant de la regarder comme elle le demandait.

Le verdict est attendu le 26 mars.


le Jeudi 22 Mars 2018 à 06:02 | Lu 328 fois