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Trump: L'Australie ne reconnaît plus l'ami américain


Sydney, Australie | AFP | vendredi 02/02/2017 - L'Australie s'est réveillée vendredi avec la gueule de bois, sonnée à l'idée que l'impétueux Donald Trump puisse balayer en un coup de fil des décennies de coopération américano-australienne.

Corée, Vietnam, Irak, Afghanistan, Syrie... Les Australiens ont combattu aux côtés des Américains lors des principaux conflits du XXe siècle. Et l'île-continent est dans le club très fermé des "Five Eyes", du nom de cette alliance rassemblant autour des Etats-Unis les services de renseignements de ses quatre principaux alliés.

Il n'aura fallu qu'un coup de téléphone, le week-end dernier, du bouillant président américain pour confirmer que l'Australie ne devait pas attendre de traitement de faveur. Avant elle, le Mexique, le Canada et la plupart des pays qui ont eu à traiter avec la nouvelle Amérique en avaient fait l'amère expérience.

La cause de la furie du président américain? Un accord conclu avec l'Australie par l'administration Obama et portant sur l'accueil d'un millier de réfugiés relégués dans des camps offshore gérés par Canberra.

M. Trump, qui venait de signer un décret très controversé fermant les portes de son pays aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, a accusé au téléphone M. Turnbull de l'assassiner politiquement avec cet accord, selon le Washington Post.

- 'Les Etats-Unis seulement' -
Toujours selon le quotidien américain, le président a même brutalement écourté cette conversation téléphonique, qu'il a qualifiée auprès de son interlocuteur de "la pire" qu'il ait eue ce jour-là avec des dirigeants étrangers.

Et après la publication de cet article, Donald Trump en a remis une couche mercredi soir, au travers d'un de ces tweets dont il a le secret: "Vous y croyez ? L'administration Obama a accepté de prendre des milliers d'immigrés illégaux à l'Australie. Pourquoi? Je vais étudier cet accord stupide".

L'impétuosité du président américain était bien sûr connue en Australie, mais l'île, habituée à des décennies d'échanges policés avec Washington, n'avait absolument pas anticipé une entrée en matière aussi ratée avec le nouvel occupant de la Maison blanche.

L'Australie va devoir prendre acte du nouveau climat dans lequel "les alliances ne signifient plus grand-chose pour lui" (M. Trump), a observé à l'AFP l'ancien député australien John Hewson.

"On le voit dans ses propos sur l'Otan, l'ONU, la Chine et bien d'autres pays", a ajouté cet ancien chef de l'opposition libérale. "On ne va pas renoncer à l'alliance mais il faut se demander ce qu'on peut attendre de ce gars."

Et, selon M. Hewson, Donald Trump a montré que son programme, "ce n'est pas juste +les Etats-Unis d'abord+, c'est surtout +les Etats-Unis seulement+".

Il est d'autant plus difficile de savoir sur quel pied danser vis-à-vis de Donald Trump que son humeur semble changer aussi vite que la météo du sud de l'Australie.

- Vivre sans les Etats-Unis -
"J'ai beaucoup de respect pour l'Australie, J'adore l'Australie comme pays", a ainsi lancé jeudi le président, laissant entendre qu'il ne fallait pas s'inquiéter du ton de ses échanges avec les dirigeants étrangers.

"Nous n'avons aucune idée de ce qui va se passer", a avoué la politologue australienne Belinda Edwards, tout en anticipant "l'élaboration de plans d'urgence sur l'idée que la relation (américano-australienne) n'est plus viable".

"Il se peut que nous ayons eu des oeillères au sujet de cette alliance", a-t-elle dit. "Les décideurs australiens vont subitement devoir se poser la question de la façon dont on s'organise dans un monde où on ne peut plus compter sur cette alliance."

Vendredi, M. Turnbull a réaffirmé qu'il était convaincu que M. Trump respecterait l'accord sur la prise en charge des réfugiés.

Une hypothèse dont doute M. Hewson qui estime que les dirigeants du monde entier sont à la peine vis-à-vis des nouveaux Etats-Unis.

Mais "M. Trump va rapidement se rendre compte qu'il ne peut pas gouverner comme il a géré ses entreprises et il va se faire progressivement rattraper par la complexité et la réalité de l'exercice du pouvoir", a-t-il dit. "On ne gouverne pas par des tweets."

L'ex-Premier ministre Kevin Rudd est convaincu de son côté qu'on n'assiste ici qu'à une péripétie de l'histoire.

"Ce bazar va s'arrêter et on va revenir aux fondamentaux de la relation", a-t-il prédit sur CNN.

bp/jac/at

Rédigé par () le Vendredi 3 Février 2017 à 06:34 | Lu 1288 fois