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KENZO TRIBOUILLARD / AFP
KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Moroni, Comores | AFP | vendredi 18/01/2024 - La crise s'accentue aux Comores où l'opposition a appelé la population à manifester vendredi pour dénoncer la victoire contestée du sortant Azali Assoumani à la présidentielle, après deux jours de heurts qui ont fait un mort et six blessés dans la capitale Moroni. 

Le Dr Djabir Ibrahim, chef du service des urgences de l'hôpital El Maarouf, à Moroni, a indiqué qu'un homme de 21 ans, est décédé, "très probablement" tué "par balle" et que six blessés ont été admis dans son établissement. 

L'un d'entre-eux se trouve dans un état critique, a précisé à la presse le médecin.

L'opposition a réclamé l'annulation du scrutin présidentiel du 14 janvier qui a conduit à la réélection de M. Assoumani, un ancien militaire putschiste de 65 ans, estimant qu'il avait été émaillé de fraudes.  

"Nous lançons un appel à l'ensemble de la population de nos villes et villages pour faire" de vendredi "une journée nationale de protestation et dénonciation de la mascarade électorale de Azali et son pouvoir", ont déclaré dans un communiqué commun les cinq candidats de l'opposition qui s'étaient présentés au premier tour de la présidentielle. 

"La situation est extrêmement grave. Des victimes sont à dénombrer du côté de la jeunesse résistante", ont-ils poursuivi, appelant à manifester "après la prière du vendredi" dans l'archipel de l'océan Indien.

Soulèvement "spontané" 

L'opposition a nié être à l'origine de ce que les candidats ont qualifié de soulèvement "spontané". 

Les premièrs heurts entre manifestants et forces de l'ordre se sont multipliés mercredi, au lendemain de l'annonce de la victoire au premier tour du sortant M. Assoumani. Ils se sont pousuivis jeudi à Moroni, épicentre de la contestation. D'importants effectifs de policiers, gendarmes et militaires ont été déployés. 

Dans les ruelles du centre, des groupes de jeunes hommes, le visage souvent dissimulé, ont jeté des pierres en direction des forces de l'ordre, qui ont répliqué avec des tirs de gaz lacrymogène. 

"Nous combattons depuis plus de 24 heures parce que nous ne sommes pas d'accord avec les résultats des élections", a expliqué à l'AFP un jeune manifestant, qui n'a pas souhaité donner son nom. 

Mercredi, les heurts s'étaient déjà multipliés dans plusieurs quartiers de la ville. Des bâtiments ont été vandalisés et incendiés: la maison d'un ministre, des locaux d'une entreprise d'Etat, un entrepôt de riz. 

Certains ont déchiré des affiches électorales du président réélu Azali. Des barrages de fortune faits d'amas de pierres et de bouts de bois ont été dressés sur les routes.

Plusieurs arrestations ont eu lieu mais aucun détail n'a été rendu public. La contestation est rare dans le pays, tenu d'une main de fer, et toute dissidence rapidement étouffée.

Un couvre-feu nocturne a été instauré sur les trois îles du pays musulman (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli) mercredi soir et jusqu'à une date indéterminée. 

"Féroce et sauvage" 

Une mesure qui est l'expression "d'une vraie dictature féroce et sauvage", lâche Saïd Mohamed Saïd Tourqui, membre d'un parti d'opposition. 

La connexion à internet est largement perturbée depuis mercredi, l'accès aux réseaux sociaux est notamment réduit.

M. Assoumani a été réélu dimanche au premier tour avec 62,97% des voix mais seulement 16,30% de participation, selon les chiffres officiels annoncés mardi soir. Cette victoire doit lui permettre de rempiler pour un troisième mandat consécutif et rester au pouvoir jusqu'en 2029.

L'opposition, qui réclame l'annulation du scrutin, a dénoncé des "fraudes grossières" et des "bourrages d'urnes". 

"Nous saluons le courage de ces jeunes", a déclaré à l'AFP le candidat à la présidentielle Daoudou Abdallah Mohamed, précisant qu'il ne s'agit pas d'une "contestation organisée mais nous sommes solidaires du mouvement spontané".

L'ONU a appelé mercredi "au calme", exhortant les autorités comoriennes à protéger le droit de manifester et les "principes démocratiques".

L'Union européenne a appelé "toutes les parties à poursuivre le processus de manière pacifique". 

M. Assoumania jeté en prison et poussé à l'exil nombre de ses opposants dans sa course au pouvoir. En 2018, il a fait passer une réforme constitutionnelle lui permettant de centraliser les pouvoirs. 

Arrivé à la tête du pays en 1999 par un coup d'Etat, le colonel avait été élu une première fois en 2002. Après s'être un temps éloigné des affaires, il est revenu au pouvoir en 2016. Il est l'actuel président en exercice de l'Union africaine, jusqu'en février. 

L'archipel compte 870.000 habitants dont 45% vivent sous le seuil de pauvreté.

le Vendredi 19 Janvier 2024 à 03:06 | Lu 358 fois