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Tema’e : “Cette plage-là n’est pas à vendre”


Tahiti, le 5 juin 2025 – Opahi Buillard interpelle Moetai Brotherson sur l’avenir de Tema’e. Il lui demande de donner “un cap” à ce dossier “sensible” au lieu de le “laisser dériver au gré des courants” en organisant une consultation populaire, comme promis. Il considère que le “silence” du président du Pays devient “gênant” alors que cette consultation permettra un débat clair, apaisé, démocratique”.
 
Un des collaborateurs du Tavini huiraatira à l’assemblée, Opahi Buillard, a réagi, le 30 mai dernier sur sa page Facebooksuite à la publication d’un article de Tahiti infos intitulé “Tema’e, pas de consultation avant les municipales”.
 
Les représentants de la fédération Tahei ‘auti ia Moorea avaient été invités, fin mai, par le ministre du Foncier et du Logement, Oraihoomana Teururai, pour discuter du devenir de la plage de Tema’e. Lors de leur rencontre, il leur avait annoncé qu’à l’approche des échéances électorales, aucune consultation populaire ne pouvait être organisée.

Pour le président de l’association des habitants du motu Temae-Moorea et membre de la fédération Tahei ‘auti ia Moorea, Alain Bonno, ce dossier est “un caillou dans la chaussure de Moetai et du Tavini (…). Il doit y avoir quelque chose qui les empêche de pouvoir appliquer ce qu’ils ont mis en avant lors des campagnes électorales.”
 
Dans son édito, Opahi Buillard n’hésite pas à tacler le gouvernement et notamment le président Moetai Brotherson. Il interroge : “le gouvernement espère-t-il que les associations s’essoufflent, que l’opinion se détourne, que les lignes bougent toutes seules ?”, s’interroge-t-il. L’auteur considère Tema’e comme étant un dossier “sensible” et que “le silence devient vite un choix politique. Quand un investisseur impose le tempo, et que la puissance publique recule pas à pas, c’est la démocratie qui reste sur le sable, en attente d’un verdict”.
 
Il demande au président du Pays de donner “un cap” à ce dossier au lieu de le “laisser dériver au gré des courants”. La consultation populaire n’est pas un risque. C’est un acte de confiance. En notre peuple. En notre capacité à choisir. Et à dire, calmement, fermement, que cette plage-là n’est pas à vendre”.

“Depuis deux ans, l’affaire de Tema’e ronge (…) les contours d’une promesse”

Opahi Buillard considère que le dossier de Tema’e n’a que trop duré. “À Moorea, les vagues ne sont pas les seules à éroder le rivage. Depuis deux ans, l’affaire de Temae ronge, elle aussi, les contours d’une promesse : celle d’un Pays gouverné au nom du peuple.”
 
Il rappelle la “promesse” du Tavini lors de la campagne de 2023, celle du “Fa’atura”, “respecter leur peuple, l’écouter, le consulter”. Et il fait le constat qu’“entre la parole donnée et la décision assumée, il y a le temps. Et parfois, ce temps devient une stratégie”.
 
L’auteur considère que le groupe Wane a lancé un “ultimatum” à Moetai Brotherson, à savoir “si le Pays ne renonce pas à un espace public prévu pour la population, le projet hôtelier s’arrête là. Voilà le véritable rapport de force.”

Tema’e : “Un lieu de vie, un lien social”

“Ce projet est-il vraiment vital pour Moorea ? Rien n’est moins sûr”, répond tout simplement Opahi Buillard. Ce n’est pas parce qu’aucun hôtel de luxe n’a pris possession des lieux que “cette plage ne vaut rien. Bien au contraire. C’est l’un des derniers espaces partagés, gratuits, ouverts à tous. Chaque week-end, elle accueille des familles locales, des visiteurs en quête de simplicité. Ce n’est pas un pôle économique structuré, mais c’est un lieu de vie. Un lien social”, insiste-t-il.  
 
Il craint que ce “lien” ne disparaisse au profit “d’un certain modèle de développement” avec la création de “zones protégées pour les visiteurs, à distance de la vie locale. Comme si le contact avec les habitants devenait un risque à encadrer”.
 
Il rappelle que le président du Tavini Oscar Temaru n’a eu de cesse de répéter pendant des années que “notre plus grand atout touristique, c’est notre population. L’accueil, le sourire, la chaleur humaine”. Mais concrètement, “ce sont des espaces cloisonnés qui se dessinent. L’humain est mis en avant dans les brochures, mais tenu à l’écart dans la réalité. Offrir une image, mais sans la rencontre. Or, ce que viennent chercher ici ceux qui reviennent, ce n’est pas une carte postale figée. C’est une expérience. Un échange. Une authenticité.” Opahi Buillard assure que c’est ce lien entre le visiteur et notre population qui “fait toute la différence. Ce ne sont pas les plages — il y en a de plus belles ailleurs — qui font revenir, mais la relation”.

Ce n’est pas à un investisseur d’imposer son “choix”

L’auteur interroge le président du Pays – puisque comme l’a affirmé le ministre du Foncier, c’est Moetai Brotherson qui décide – sur sa volonté d’avoir un aménagement intégré, réfléchi, équilibré ? Ou bien une privatisation progressive, menée par la pression, justifiée au nom de l’emploi ?”
 
Opahi Buillard considère que ce n’est pas à un investisseur d’imposer son “choix” mais c’est au gouvernement, aux élus et à la population. “Encore faut-il avoir le courage de l’assumer. Et c’est là que le silence devient gênant.”
 
Il rappelle qu’en 2024, le Pays a annoncé qu’il allait acquérir cette emprise publique réservée. “Et depuis ? Rien de concret. Des déclarations vagues, des réunions sans suite. Et maintenant, cette justification : ‘On ne peut pas organiser de consultation populaire avant les municipales’. Opahi Buillard regrette que ce soit “partout, le même schéma : temporiser, esquiver, reporter”.
 
Pour le collaborateur du Tavini à l’assemblée, cette consultation populaire “n’est pas une menace. C’est une promesse. Le Tavini huiraatira l’avait écrit noir sur blanc : ‘mettre le peuple au centre’, créer un ‘référendum d’initiative citoyenne’.”

Il demande à Moetai Brotherson de mettre en place “ce référendum”, qui va permettre, selon lui, “un débat clair, apaisé, démocratique. Il éviterait que le sujet ne devienne un cheval de bataille électoral. Il rendrait la parole à ceux qui vivent là, qui connaissent le terrain, et qui demandent simplement qu’on tienne parole. Car à force de gagner du temps, on finit par perdre la confiance.”  

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Vendredi 6 Juin 2025 à 05:00 | Lu 3862 fois