Tahiti, le 25 mai 2025 – La délégation du Tapura et celle du Tavini ont tenu une conférence de presse tour à tour, ce lundi pour faire le point sur leur déplacement au séminaire régional du comité des 24 au Timor oriental. Deux postures différentes où chacun a joué sa partition, les autonomistes dénonçant le message institutionnel du Tavini s'exprimant désormais au nom de l'assemblée, et le parti indépendantiste affirmant sa légitimité à pouvoir le faire. Sept recours ont par ailleurs été déposés contre l'État au tribunal administratif au nom de l'assemblée, du Tavini et de cinq élus bleus.
C'est sous le fare pote'e de l'assemblée que le Tapura et le Tavini ont respectivement convié les médias ce lundi matin pour faire le point sur leur mission à Dili, au Timor-Leste du 21 au 23 mai derniers. D'abord, les autonomistes du Tapura avec Tepuaraurii Teriitahi, Moerani Frébault et Benoît Kautai qui avaient fait le déplacement pour la première fois, accompagnés des élues Pascale Haiti-Flosse et Cathy Puchon. Et dans la foulée, Antony Géros et Richard Tuheiava, avec le président du parti Oscar Temaru.
Chacun a déployé ses arguments : les premiers pour contrebalancer la seule voix des indépendantistes qui “déforment la réalité” au plan international, et accusent les autonomistes de “souffrir du syndrome de Stockholm” en défendant leur “bourreau” qu'est l'État. Et les seconds en martelant que leur objectif est de débloquer le processus d'autodétermination entamé avec la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires non autonomes en 2013, face à un État français qui persiste à faire la sourde oreille en refusant le dialogue.
Des recours en pagaille
Plusieurs recours ont d'ailleurs été déposés vendredi dernier en ce sens : le premier au nom de l'assemblée, un autre par le Tavini et porté par Oscar temaru, et cinq autres recours déposés personnellement par Oscar Temaru, Antony Géros, et trois membres de la commission sur la décolonisation, à savoir Tevaipaea Hoiore, Heinui Le Caill et Maurea Maamaatuaiahutapu. L'idée étant de purger toutes les voies de recours nationales, avant de déposer plainte devant le comité des Droits de l'Homme à Genève, le “but étant, encore une fois, de provoquer le dialogue de décolonisation”, a précisé Richard Tuheiva qui admet que si leur démarche “avance beaucoup sur la question formelle, ce n'est pas suffisant sur le plan pragmatique et on veut que ça bouge dans la pratique. On ne va pas y rester 30 ans !”, a claqué le directeur de cabinet d'Antony Géros qui ne se fait par ailleurs guère d'illusions quant aux décisions qui seront rendues par le tribunal administratif.
“Quand le Tavini s'accroche à la procédure pour faire plier l'État, nous, nous sommes allés devant le comité des 24 avec des interventions plus humaines pour expliquer le quotidien des Polynésiens”, a quant à elle plaidé Tepuaraurii Teriitahi.
La légitimité à agir en question
Au nom des autonomistes, elle a encore réaffirmé le principal message qu'ils souhaitaient porter devant le comité des 24 en rappelant les scores obtenus lors des dernières élections territoriales, et le “profond attachement à l'autonomie” des Polynésiens “à travers leurs suffrages”. “C'était important car la représentante du Pays a dit la légitimité du gouvernement à agir, et que les Polynésiens étaient d'accords avec la démarche de décolonisation puisqu'ils avaient voté pour eux [le Tavini, NDLR] et que c'était inscrit dans leur programme.” Une affirmation relayée par Antony Géros qui s'est exprimé cette fois en tant que président de l'assemblée. “Ce qui me dérange, c'est que le Tavini le fasse sous l'angle institutionnel au nom de tous les Polynésiens”, a commenté le député Moerani Frébault qui comprend néanmoins la démarche du parti politique. Mais il ne faut pas tout mélanger, estime-t-il. “On a insisté sur le fait que ce n'est ni à un parti, ni à l'État, ni aux Nations Unies de décider de l'avenir institutionnel des Polynésiens mais bien aux Polynésiens eux-mêmes”, a appuyé la représentante du Tapura.
Des arguments balayés ensuite par Antony Géros qui fait le distinguo entre le résultat des élections et la question de l'autodétermination : “À chaque fois, les autonomistes se targuent d'être majoritaires. On a rappelé qu'aucune consultation référendaire n'avait été effectuée. C'est une question de choix individuel. Ils ne peuvent pas dire que ceux qui ont voté pour eux ou qui se sont abstenus sont contre l'indépendance.”
Deux regards sur les pays devenus indépendants
Divergences d'opinion aussi concernant l'argument économique et le regard porté par les uns et les autres sur les pays qui sont devenus indépendants. “Le Timor est le dernier à avoir accédé à son indépendance et quand on voit comment ça se passe là-bas, ça ne donne pas envie”, a témoigné Tepuaraurii, évoquant la pauvreté et la mendicité, notamment des enfants. Au contraire, pour le Tavini, les “nombreux exemples de réussite dans la région – Timor-Leste, Fidji, Palau – démontrent qu'avec une transition préparée, l'accession à la souveraineté n'est pas un saut dans le vide mais une marche vers la dignité”. Pour Antony Géros, “Fidji est fière de son développement avec un aéroport et des villages d'hôtels”, tandis qu'à Palau, “ils ont tout ce qu'il faut”. Quant au Timor, “c'est un contraste qui me rappelle un peu la Polynésie, avec les districts comme chez nous, avec un exode massif vers la ville. Donc il y a des oasis de proximité, on ne va pas se le cacher, dues au développement de Dili qui a conduit à une concentration urbaine importante”.
Consensus autour d'une mission d'information de l'ONU
Il y a bien une chose sur laquelle ils sont d'accords : la tenue d'une mission d'information de l'ONU en Polynésie, comme l'avait déjà demandé Édouard Fritch à New York en 2018, mais à laquelle l'État n'a jamais répondue. Car elle permettrait à l'ONU d'aller au fond des choses en constatant de visu la réalité institutionnelle en Polynésie, contrairement à un séminaire qui, selon le Tapura, ne serait que de “l'affichage” avec des risques de “récupération politique” par les pays qui soutiennent le Tavini comme l'Azerbaïdjan, la Russie, la Syrie ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Tavini a en tout cas formulé une nouvelle demande en sollicitant la désignation d'un envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU en Polynésie qui serait mandaté pour conduire des consultations formelles avec l'État, les autorités locales, et les composantes de la société civile. Mais aussi la mise en place d'un “calendrier de transition politique” pour aboutir à “l'acte ultime d'autodétermination” afin “d'avoir des dates butoirs au-delà desquelles il n'y aura plus de dialogue”.
C'est sous le fare pote'e de l'assemblée que le Tapura et le Tavini ont respectivement convié les médias ce lundi matin pour faire le point sur leur mission à Dili, au Timor-Leste du 21 au 23 mai derniers. D'abord, les autonomistes du Tapura avec Tepuaraurii Teriitahi, Moerani Frébault et Benoît Kautai qui avaient fait le déplacement pour la première fois, accompagnés des élues Pascale Haiti-Flosse et Cathy Puchon. Et dans la foulée, Antony Géros et Richard Tuheiava, avec le président du parti Oscar Temaru.
Chacun a déployé ses arguments : les premiers pour contrebalancer la seule voix des indépendantistes qui “déforment la réalité” au plan international, et accusent les autonomistes de “souffrir du syndrome de Stockholm” en défendant leur “bourreau” qu'est l'État. Et les seconds en martelant que leur objectif est de débloquer le processus d'autodétermination entamé avec la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires non autonomes en 2013, face à un État français qui persiste à faire la sourde oreille en refusant le dialogue.
Des recours en pagaille
Plusieurs recours ont d'ailleurs été déposés vendredi dernier en ce sens : le premier au nom de l'assemblée, un autre par le Tavini et porté par Oscar temaru, et cinq autres recours déposés personnellement par Oscar Temaru, Antony Géros, et trois membres de la commission sur la décolonisation, à savoir Tevaipaea Hoiore, Heinui Le Caill et Maurea Maamaatuaiahutapu. L'idée étant de purger toutes les voies de recours nationales, avant de déposer plainte devant le comité des Droits de l'Homme à Genève, le “but étant, encore une fois, de provoquer le dialogue de décolonisation”, a précisé Richard Tuheiva qui admet que si leur démarche “avance beaucoup sur la question formelle, ce n'est pas suffisant sur le plan pragmatique et on veut que ça bouge dans la pratique. On ne va pas y rester 30 ans !”, a claqué le directeur de cabinet d'Antony Géros qui ne se fait par ailleurs guère d'illusions quant aux décisions qui seront rendues par le tribunal administratif.
“Quand le Tavini s'accroche à la procédure pour faire plier l'État, nous, nous sommes allés devant le comité des 24 avec des interventions plus humaines pour expliquer le quotidien des Polynésiens”, a quant à elle plaidé Tepuaraurii Teriitahi.
La légitimité à agir en question
Au nom des autonomistes, elle a encore réaffirmé le principal message qu'ils souhaitaient porter devant le comité des 24 en rappelant les scores obtenus lors des dernières élections territoriales, et le “profond attachement à l'autonomie” des Polynésiens “à travers leurs suffrages”. “C'était important car la représentante du Pays a dit la légitimité du gouvernement à agir, et que les Polynésiens étaient d'accords avec la démarche de décolonisation puisqu'ils avaient voté pour eux [le Tavini, NDLR] et que c'était inscrit dans leur programme.” Une affirmation relayée par Antony Géros qui s'est exprimé cette fois en tant que président de l'assemblée. “Ce qui me dérange, c'est que le Tavini le fasse sous l'angle institutionnel au nom de tous les Polynésiens”, a commenté le député Moerani Frébault qui comprend néanmoins la démarche du parti politique. Mais il ne faut pas tout mélanger, estime-t-il. “On a insisté sur le fait que ce n'est ni à un parti, ni à l'État, ni aux Nations Unies de décider de l'avenir institutionnel des Polynésiens mais bien aux Polynésiens eux-mêmes”, a appuyé la représentante du Tapura.
Des arguments balayés ensuite par Antony Géros qui fait le distinguo entre le résultat des élections et la question de l'autodétermination : “À chaque fois, les autonomistes se targuent d'être majoritaires. On a rappelé qu'aucune consultation référendaire n'avait été effectuée. C'est une question de choix individuel. Ils ne peuvent pas dire que ceux qui ont voté pour eux ou qui se sont abstenus sont contre l'indépendance.”
Deux regards sur les pays devenus indépendants
Divergences d'opinion aussi concernant l'argument économique et le regard porté par les uns et les autres sur les pays qui sont devenus indépendants. “Le Timor est le dernier à avoir accédé à son indépendance et quand on voit comment ça se passe là-bas, ça ne donne pas envie”, a témoigné Tepuaraurii, évoquant la pauvreté et la mendicité, notamment des enfants. Au contraire, pour le Tavini, les “nombreux exemples de réussite dans la région – Timor-Leste, Fidji, Palau – démontrent qu'avec une transition préparée, l'accession à la souveraineté n'est pas un saut dans le vide mais une marche vers la dignité”. Pour Antony Géros, “Fidji est fière de son développement avec un aéroport et des villages d'hôtels”, tandis qu'à Palau, “ils ont tout ce qu'il faut”. Quant au Timor, “c'est un contraste qui me rappelle un peu la Polynésie, avec les districts comme chez nous, avec un exode massif vers la ville. Donc il y a des oasis de proximité, on ne va pas se le cacher, dues au développement de Dili qui a conduit à une concentration urbaine importante”.
Consensus autour d'une mission d'information de l'ONU
Il y a bien une chose sur laquelle ils sont d'accords : la tenue d'une mission d'information de l'ONU en Polynésie, comme l'avait déjà demandé Édouard Fritch à New York en 2018, mais à laquelle l'État n'a jamais répondue. Car elle permettrait à l'ONU d'aller au fond des choses en constatant de visu la réalité institutionnelle en Polynésie, contrairement à un séminaire qui, selon le Tapura, ne serait que de “l'affichage” avec des risques de “récupération politique” par les pays qui soutiennent le Tavini comme l'Azerbaïdjan, la Russie, la Syrie ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Tavini a en tout cas formulé une nouvelle demande en sollicitant la désignation d'un envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU en Polynésie qui serait mandaté pour conduire des consultations formelles avec l'État, les autorités locales, et les composantes de la société civile. Mais aussi la mise en place d'un “calendrier de transition politique” pour aboutir à “l'acte ultime d'autodétermination” afin “d'avoir des dates butoirs au-delà desquelles il n'y aura plus de dialogue”.
Transferts de l'État : “Qui paye quoi et qu'est-ce qui profite à qui ?”
Richard Tuheiava a de nouveau pointé du doigt, comme il l'a fait durant ce séminaire régional du comité des 24, “l'opacité maintenue” concernant les “fameux 223 milliards de francs de transferts de l'État”. “Sur ces transferts, on ne sait pas combien repartent en France. Il faudrait savoir si on coûte ou si on rapporte à la puissance administrante”, a-t-il déclaré car selon lui, l'État ne donne pas plus de 200 milliards par an à la Polynésie s'il “n'est pas gagnant” en retour, et cela expliquerait “12 ans de refus de dialogue”. Il s'agit aussi d'être “cohérent” selon lui et de ne pas réclamer le dialogue pour le dialogue. “Dialoguer sur quoi ? Eh bien, on dialogue argent ! On ne voudrait pas aller devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel, et pourquoi pas arriver jusqu'au comité des Droits de l'Homme simplement sur le principe de discuter. C'est important de mettre en avant un argument de poids qui est celui de la valeur géopolitique de nos 5 millions de km2 de ZEE.” Une valeur stratégique plus que financière difficilement quantifiable, mais que devrait éclairer la commission d'enquête qui doit être créée en ce sens. “Si le résultat n'est pas favorable à notre discours, ça voudrait dire qu'on ne pèse pas grand-chose et que la question du ‘business plan’ du projet indépendantiste devra être revue autrement. Si par contre on découvre le contraire, ça voudrait dire que, d'une part, les autonomistes n'ont pas demandé assez depuis des années et que, d'autre part, on nous a menti depuis le départ”.
Richard Tuheiava a de nouveau pointé du doigt, comme il l'a fait durant ce séminaire régional du comité des 24, “l'opacité maintenue” concernant les “fameux 223 milliards de francs de transferts de l'État”. “Sur ces transferts, on ne sait pas combien repartent en France. Il faudrait savoir si on coûte ou si on rapporte à la puissance administrante”, a-t-il déclaré car selon lui, l'État ne donne pas plus de 200 milliards par an à la Polynésie s'il “n'est pas gagnant” en retour, et cela expliquerait “12 ans de refus de dialogue”. Il s'agit aussi d'être “cohérent” selon lui et de ne pas réclamer le dialogue pour le dialogue. “Dialoguer sur quoi ? Eh bien, on dialogue argent ! On ne voudrait pas aller devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel, et pourquoi pas arriver jusqu'au comité des Droits de l'Homme simplement sur le principe de discuter. C'est important de mettre en avant un argument de poids qui est celui de la valeur géopolitique de nos 5 millions de km2 de ZEE.” Une valeur stratégique plus que financière difficilement quantifiable, mais que devrait éclairer la commission d'enquête qui doit être créée en ce sens. “Si le résultat n'est pas favorable à notre discours, ça voudrait dire qu'on ne pèse pas grand-chose et que la question du ‘business plan’ du projet indépendantiste devra être revue autrement. Si par contre on découvre le contraire, ça voudrait dire que, d'une part, les autonomistes n'ont pas demandé assez depuis des années et que, d'autre part, on nous a menti depuis le départ”.