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Tahiti Riz fait chanceler le business du riz PPN en Polynésie


Le gouvernement a décidé de mettre un terme à une rente de situation dont semblent avoir bénéficié les deux importateurs de riz PPN locaux.
Le gouvernement a décidé de mettre un terme à une rente de situation dont semblent avoir bénéficié les deux importateurs de riz PPN locaux.
PAPEETE, 30 mars 2016 - Le riz blanc non parfumé à grain long est exclu du Fonds de stabilisation des produits de première nécessité, suite à une décision prise mercredi en conseil des ministres.

"L’exclusion du riz semi blanchi ou blanchi, non parfumé, à grains longs autre que le riz aromatique du régime du Fonds de stabilisation des produits de première nécessité (FSPPN) ne devrait pas donner lieu à une hausse des prix", estime un communiqué adressé mercredi à la suite de la tenue du conseil des ministres du jour. Dans la matinée, le gouvernement a décidé d'exclure du système de subventionnement le riz classé produit de première nécessité (PPN). La réglementation des prix est maintenue mais les importateurs devront faire preuve de plus de dynamisme dans leur quête de performance à l’achat.

Epilogue d’une affaire dont les reliefs avaient été révélés par l’hebdomadaire Tahiti Pacifique dans son édition du 11 mars dernier : Fin 2015, un nouvel importateur de riz, Tahiti Riz, s’est lancé sur le marché local en visant le marché PPN avec un produit importé à prix très compétitif du Viet Nam. Il s'est tout de suite heurté au difficile système local de distribution du riz.

Le prix du riz PPN est strictement encadré. A la vente au détail, il est fixé par le Pays à 100 Fcfp le kilo. Sur ce montant, l’importateur touche 7,50 Fcfp, le détaillant 10,50. Ces marges sont réglementées. Si le Prix de revient entrepôt (PRE) ne dépasse pas 81,50 Fcfp, chacun s’y retrouve, y compris le Pays qui n’a aucune aide à apporter.

Si, en revanche le PRE est supérieur à 81,50 F, le Pays (via le fonds de soutien des PPN) compensait jusqu'à présent la différence auprès de l’importateur jusqu’à concurrence d’un PRE de 120 Fcfp. Or, il se trouve que c’est précisément le PRE que déclaraient les deux importateurs "historiques" de riz polynésiens. Et dans ce contexte, chaque kilo de riz PPN vendu en Polynésie a traditionnellement été subventionné à hauteur de 38,5 Fcfp le kilo sur le FSPPN. Cela représentait une charge annuelle de 300 millions Fcfp sur le fonds de stabilisation.

Mais l’importateur de Tahiti Riz a eu l’indélicatesse de ne déclarer qu’un PRE de 83 Fcfp le kilo de riz arrivé en entrepôt. Ce nouveau venu dans le business du riz avait alerté la rédaction de Tahiti Pacifique, confronté à d’importants problèmes de distribution de son produit dans les commerces locaux, avec 60 tonnes de marchandise en stock et aucune perspective réelle d'écoulement. Cette réticence du marché pouvait laisser supposer des ententes entre importateurs et distributeurs faussant la concurrence aux dépens du FSPPN et des deniers publics.

L’autorité de la concurrence s’était saisie en février dernier de cette problématique en glissant dans son analyse sur l’économie du riz PPN que, comme cela avait été observé par l’autorité métropolitaine de la concurrence en Nouvelle Calédonie "l'importateur peut profiter de ce système aux dépens du consommateur. La détermination d'un prix de vente maximum a pour effet d'inciter l'ensemble des acteurs à ne pas pratiquer de prix inférieurs à ce prix, surtout dans une structure de marché peu concurrentielle. Le prix maximum devient en quelque sorte le prix unique". Une analyse faite par la Direction générale des affaires économiques semble avoir depuis confirmé ces craintes.

En prenant la décision de mettre un terme à la subvention du riz "PPN" par le fonds de stabilisation, le Pays devrait faire une économie de 300 millions dès 2016 et accessoirement de mettre un terme à une rente de situation déguisée au profit des certains importateurs locaux.

Quant aux consommateurs, ils "devraient normalement se détourner des produits proposés à des prix plus élevés, obligeant de ce fait les importateurs à trouver de meilleures offres fournisseurs", estime le communiqué du gouvernement.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 30 Mars 2016 à 16:36 | Lu 5326 fois