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Taha'a. Une tortue géniale pour l'environnement


Taha’a, le 8 juin 2023 - Après la statue de Bobby Holcomb il y a un an, les amis Evrard Chaussoy et Heiarii Girard ont récidivé avec une nouvelle œuvre hors du commun. Mercredi matin, ils ont immergé à Taha’a Mamado, une statue de tortue de quatre mètres, qui est amenée à évoluer en récif corallien. Au-delà du défi technique et logistique, c’est avant tout un message de sensibilisation à la fragilité de nos lagons qui est mis en avant.
 
Pour son nouveau projet, l’artiste Evrard Chaussoy a laissé tomber ses couteaux et pinceaux pour s’équiper d’une truelle. En effet, sa dernière œuvre est une statue de tortue, réalisée en collaboration avec son ami de longue date et homme d’affaires Heiarii Girard. Elle a été sculptée en béton et a été immergée à Taha’a mercredi matin à 4 m de profondeur.
 
Et il a fallu pour cela un impressionnant travail de logistique. En effet, la tortue mesure 4 mètres de long et pèse près d’une tonne et demie. Le chargement au quai de Raiatea a duré 45 minutes, puis la barge a pris la direction de Taha’a, accompagnée d’une tortue au départ et accueillie par une baleine à l’arrivée dans la baie de Motutiairi, à Vaitoare. C’est un signe pour l’artiste. Du quai, il a ensuite fallu la descendre dans l’eau, puis l’accrocher à des bouées de flottaison afin de la déplacer jusque devant le ponton de la pension Anahata, où elle repose désormais. “La manœuvre n’était pas facile, avec le vent qui était monté, mais tout s’est bien passé grâce à tous les intervenants et les professionnels qui étaient présents”, précise Heiarii Girard.
 
Le nom de cette tortue, Mamado, est un clin d’œil à Mama Dorothy Levy, décédée il y a quelques mois, avec laquelle Evrard Chaussoy et Heiarii Girard s’étaient liés d’amitié lorsqu’ils avaient travaillé sur la statue de Bobby Holcomb. Elle a d’ailleurs été posée de façon à être tournée vers Huahine, en hommage à “cette femme qui a énormément œuvré pour notre culture, notamment à Huahine avec son association Ōpu Nui”.

La tortue, un choix évident

C’est un projet qui s’est fait en multiples étapes : “Il y a plusieurs années, on s’imaginait déjà faire des sculptures sous-marines avec Heiarii, et il y a quelques mois, on était sur la terrasse de cette pension qui surplombe la baie et on s’est souvenu de cette idée”. De là, le projet a germé. “On a commencé à se demander ce qu’on allait faire ? On a choisi la tortue car elle a une forte symbolique. Dans la culture polynésienne, c’est protecteur. Dans la culture occidentale, c’est synonyme de sagesse et résilience”. De plus, Heiarii Girard ajoute que “c’est un animal important en Polynésie, avec les légendes, les œuvres qui le symbolisent, et aussi les pétroglyphes qui retracent l’histoire et l’importance de la tortue sur les marae”. Le choix de cet animal a donc été assez évident.
 
Et de fil en aiguille, les deux amis ont voulu coupler la réalisation avec un message écologique. C’est là qu’est venue l’idée d’en faire également un récif artificiel, indique Evrard Chaussoy. Ils se sont alors renseignés et ont choisi une structure en fer enrobée de béton. “Le béton, pour la réalisation, c’est assez facile, mais c’est surtout un matériel qui respecte l’environnement une fois dans l’eau. La plupart des récifs artificiels dans le monde sont faits en béton.” La conception a aussi été faite pour abriter des poissons. “La tortue est creuse, de l’extérieur ça ne se voit pas trop à part quelques ouvertures sur la carapace. Mais sur les côtés et le dessous, il y a beaucoup de passages pour que les poissons puissent s’abriter.” Ils se sont également renseignés auprès du biologiste marin Thierry Lison de Loma, pour des méthodes de bouturage de corail. “Il nous a expliqué les procédés, la sélection des coraux à prendre et la profondeur optimale pour éviter les pertes”. Forts de ses conseils et de son expertise, est ensuite venue la question de la taille : “Il fallait que la forme ne soit pas dénaturée, même quand les coraux auront poussé dessus. Donc il fallait que ce soit assez grand”. Et pour les contraintes techniques de transport (circulation sur la route, barge, camion), ils ont opté pour une statue de 4 mètres maximum. Puis place à la pratique, avec environ trois semaines de confection.

Un “mini-écosystème symbolique”

Au-delà de la technique, l’œuvre appelle à la préservation de l’environnement. “L’abri et le corail replanté formeront un mini-écosystème symbolique qui est là pour que l’observateur puisse prendre conscience que toutes les espèces, même les plus petites, font partie d’une harmonie, et dont l’équilibre est fragile. Il faut se rendre compte de la richesse et la fragilité de nos lagons”, développe l’artiste. “Tout ce qu’on a fait aujourd’hui, la création, le transport, l’immersion, c’est le making-off. Pour moi, l’œuvre se veut vivante. Et elle commencera à prendre vie tout à l’heure quand on aura planté les premiers coraux. Et l’œuvre finale sera dans quelques années, quand elle se sera parée de tous les coraux et algues qui auront commencé à la peupler.” Rendez-vous donc dans la baie de Motutiairi pour suivre l’évolution de Mamado.

Rédigé par V. Leroy le Jeudi 8 Juin 2023 à 19:30 | Lu 4317 fois