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TEP-scan : le grand saut vers la révolution de l’imagerie médicale


Le Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) s’est doté de son tout premier TEP-scan, un outil d’imagerie nucléaire de pointe dédié au diagnostic du cancer. En toile de fond : une meilleure autonomie médicale, une prise en charge plus ciblée des patients, et des économies substantielles à l’échelle, à venir, pour le système de santé. Mais pour libérer tout son potentiel, la Fenua devra encore franchir une étape : se doter d’un cyclotron, car pour l’instant, seule la prise en charge du cancer de la prostate va être améliorée. 
 
Il était attendu depuis 2017, il a été inauguré en grande pompe. À l’intérieur, une salle flambant neuve, accueille désormais le tout premier tomographe à émission de positons - plus connu sous le nom de TEP-scan - installé au Fenua. Pour les patients atteints du cancer, c’est une petite révolution. Jusqu’ici, l’imagerie métabolique n’était accessible que via une évacuation sanitaire vers la métropole ou l’étranger. Désormais, l’examen se pratiquera directement au Taaone.
 
Une avancée rendue possible grâce à un investissement de près de 340 millions de francs, dont 250 millions pour l’achat de l’équipement et 90 millions consacrés à l’aménagement du site. Un effort financier conséquent, mais à la mesure de l’impact attendu sur la prise en charge des patients.
 
Une technologie au service du diagnostic oncologique
 
Le principe du TEP-scan repose sur l’injection d’un traceur radioactif qui cible les cellules tumorales. Grâce à cet outil, les métastases, même microscopiques, peuvent être détectées avec une précision inégalée. L’examen dure une quinzaine de minutes, est totalement indolore, et offre aux équipes médicales une cartographie fine de la maladie.
 
« Nous avons pu détecter des lésions extrêmement petites, de quelques millimètres seulement. Cette machine a une sensibilité extreme et permet d’avoir une grande précocité dans le diagnostic. (…) Avant on devait chercher longtemps, faire plusieurs examens radiologiques et des IRM sans rien trouver. Nous pouvons aussi trouver les cas de récidives », explique le Dr en médecine nucléaire Olivier Couturier.
 
Le chaînon manquant : un cyclotron
 
Mais derrière l’euphorie de l’inauguration, une limite persiste. Pour l’instant, le CHPF ne peut produire que du gallium, le produit nécessaire pour marquer les molécules cancéreuses dans la prostate. Pour le reste du corps, les médecins auront besoin de fluor. Probleme, il est impossible d’en importer, en raison de la durée de vie trop courte (12 heures) de ces isotopes.
 
La solution tient en un mot : cyclotron. Ce mini-accélérateur de particules permettrait de produire localement les isotopes nécessaires. En somme, l’arrivée de cette appareil compléterait la chaîne et donnerait à la Polynésie une autonomie de diagnostic inédite dans le Pacifique insulaire. «Posséder un cyclotron, c’est majeur. Mais il faut qu’il soit couplé avec le TEP-Scan. Il faut que nous soyons de le même service pour pouvoir étudier toute les cancers », explique Julien Reichart, lui aussi médecin en médecine nucléaire À l'ICPF.
 
Un levier d’économies pour le système de santé
 
Si le TEP-scan constitue une avancée technologique, il représente aussi, à terme, une source importante d’économies d’échelle pour le système de santé polynésien. Chaque année, plusieurs centaines, voire milliers de patients devaient jusqu’ici être évacués vers des plateaux techniques éloignés pour bénéficier de cet examen. Un coût estimé à plusieurs millions de francs par patient, entre le billet d’avion, l’hébergement, l’accompagnement médical, la logistique hospitalière et les soins.
 
Désormais réalisé localement, l’examen pourra être prescrit plus tôt, facilitant un diagnostic rapide et des traitements mieux ciblés. Résultat : une réduction des durées d’hospitalisation, un moindre recours à des protocoles lourds ou inutiles, et une baisse significative des examens redondants.
 
« Ce n’est pas seulement un gain de confort pour les malades. C’est aussi une optimisation des ressources médicales, humaines et financières. La médecine nucléaire, c’est une révolution dans l’imagerie médicale. Car on on est capable de diagnostiqué très trop et donc d’orienter les traitements, les chirurgie…  Donc on limite les radios et les IRM mais aussi les secours à hôpital qu’on passe quand on cherche une maladie. Tout ça fait des économies »,  explique Julien Reichart.

Julien Reichart, médecin en médecine nucléaire à l'ICPF : « Offrir aux patients polynésiens le même niveau de soins qu’en métropole »

Vous partez bientôt en Australie pour une année de formation ?

Oui, je m’apprête à passer une année au Peter McCallum Cancer Center, à Melbourne. C’est l’un des centres les plus réputés au monde dans le domaine de la radiothérapie interne vectorisée, notamment pour le traitement du cancer de la prostate. Il s’agit d’une thérapie de haute précision, basée sur une molécule couplée à un atome radioactif, qui vient se fixer spécifiquement sur les cellules cancéreuses. Elle les irradie à l’échelle millimétrique, en épargnant les tissus sains autour.
 
C’est un traitement moins lourd pour les patients ? Qui leur permet de moins sur-irradiés ?

Exactement. C’est une approche beaucoup mieux tolérée, car beaucoup plus ciblée. Les effets secondaires sont réduits, la qualité de vie est préservée, et surtout, les résultats sont très encourageants. On parvient aujourd’hui à induire des rémissions complètes, même chez des patients porteurs de métastases multiples. C’est une avancée thérapeutique majeure.
 
Vous objectif est de revenir en Polynésie avec cette compétence ?

Bien sûr. En tant qu’enfant du pays, c’est mon souhait. Mon objectif, c’est de pouvoir ramener cette expertise au fenua, et de contribuer à ouvrir une nouvelle voie thérapeutique dans la lutte contre le cancer. Car nous voulons continuer a proposer des choses pour les patients polynésiens. L’idée, c’est de pouvoir donner un niveau de soins équivalent à celui des grands centres hospitaliers métropolitains et internationaux. Y parvenir, ici, au milieu du Pacifique, c’est un sacrée prouesse. Mais on est motivés.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Vendredi 27 Juin 2025 à 16:51 | Lu 2334 fois