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Sur les traces de la rhumerie et du cimetière chinois de Atimaono


Philippe Siu et Hubert Royer, dit Dudul sur le site de l'ancienne rhumerie.
Philippe Siu et Hubert Royer, dit Dudul sur le site de l'ancienne rhumerie.
TAHITI, le 22 novembre 2019 - Perdus au milieu des bananiers dans la vallée de Atimaono à Papara, les vestiges de l'ancienne rhumerie sont encore imposants malgré la végétation omniprésente. Quelques centaines de mètres plus loin, les restes de nombreuses sépultures du premier cimetière chinois datant des années 1860, se devinent. "Cela fait partie du patrimoine polynésien, il faudrait le mettre en valeur", se désole le généalogiste Philippe Siu.

Difficile d'imaginer qu'à quelques centaines de mètres du parcours de golf bien tondu de Atimaono se cachent au milieu des bananiers, les vestiges de l'ancienne rhumerie de Papara. Si le site est maintenant envahi par la végétation et cerné par plusieurs squats, la machinerie avec les inscriptions encore bien visibles, ainsi que la cheminée et les cuves où était conservé le rhum, sont autant de preuves du passé de ce lieu.

"J'ai la nostalgie de cette époque, mon père y a travaillé pendant des années, il était mécanicien. Moi, je venais aider quand j'étais ado, cela reste des magnifiques souvenirs. Je regrette vraiment que cela ne soit plus entretenu", raconte Hubert Royer, dit Dudul, visiblement très ému de revenir sur les lieux de la rhumerie, fermée en 1966.

Car le site de Atimaono -que ce soit à travers la rhumerie et la canne à sucre ou avant elle, la plantation de coton- a été le théâtre de toute une partie de l'histoire économique et humaine de Tahiti et notamment de la communauté chinoise.


AUCUNE STELE

Certaines tombes sont envahies par les arbres.
Certaines tombes sont envahies par les arbres.
" Un certain William Stewart et son beau-frère Auguste Soares créent la Polynesian Plantation Company en 1863 qui deviendra Tahiti Cotton and Coffee Plantation Company. En manque de main-d'œuvre, ils font venir 1010 Chinois, en trois vagues dans les années 1860, entre 1865 et 1866 pour travailler dans la plantation de Atimaono, appelée aussi Terre Eugénie en hommage à l'impératrice Eugénie de Montijo. On les appelait les coolies, ils fuyaient les seigneurs de la guerre en Chine. Ces Chinois ont commencé à récolter le coton, puis avec la fin de la guerre de Sécession (1861 et 1865, ndlr) aux Etats-Unis, les Américains se sont remis à cultiver le coton et le secteur a fait faillite quelques années plus tard en Polynésie", explique Philippe Siu, passionné de généalogie.

Ces premiers Chinois, qui travaillaient dans la plantation de coton, sont pour beaucoup, enterrés quelques centaines de mètres plus loin, un peu en hauteur. Les tombes de ce premier cimetière chinois, faites de pierres, se devinent encore facilement. Malheureusement aucune stèle ne peut permettre de connaître l'identité de ces personnes décédées.


L'EPOPEE DE LA RHUMERIE DE PAPARA

La machinerie de la rhumerie.
La machinerie de la rhumerie.
"C'est émouvant d'être ici, cela fait des années que je voulais venir", avoue le généalogiste. "Ce serait vraiment intéressant qu'il y ait une étude archéologique, pour au moins savoir combien de personnes sont enterrées ici", souligne Philippe Siu.

Après la faillite du coton dans les années 1870, de nombreux hectares de canne à sucre ont été plantés et le site de Atimaono s'est alors transformé en domaine sucrier, puis une rhumerie a été construite. C'est ainsi que débuta l'épopée de la rhumerie de Papara. Pendant 40 à 50 ans environ, la rhumerie a tourné, fabriquant le rhum de Atimaono ou encore du sucre. De nombreux travailleurs polynésiens, mais aussi d'origine chinoise, s'y sont succédé pendant des années. "Ce serait vraiment intéressant de valoriser ce site, il fait partie du patrimoine de la Polynésie. Il y a très peu de sites comme cela, il faudrait en faire quelque chose", insiste Philipe Siu.

En 1966, l'homme d'affaires Jean Bréaud, qui avait acheté le site plusieurs années auparavant, a décidé de mettre fin à la rhumerie et d'y construire un golf au début des années 1970.

Une exposition sur les traces des familles de Teva i Uta

Dans le cadre de la poursuite de la série d’expositions organisées par le groupe de recherches et d’études généalogiques Tupuna, une cinquième édition se tiendra dans la commune de Teva i Uta, dans la salle omnisport de Mataiea.

Présentation et contenu de l’exposition :

1-Les grandes familles royales et les grands chefs de Teva,

2-Les anciens chefs de districts et les anciens maires,

3-L’épopée de Atimaono avec un rappel historique de l’arrivée des Chinois et de leur installation. Présentation des nombreux descendants, résidents aujourd’hui dans la commune ou dans les autres communes et archipels de Polynésie…

4- La communauté polynésienne multi-ethnique et multiculturelle d'aujourd’hui.

Dimanche 24 novembre au dimanche 1er décembre– Entrée gratuite de 8 à 17 heures.


le Vendredi 22 Novembre 2019 à 17:04 | Lu 4893 fois