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Session budgétaire : l'assemblée "à la croisée des chemins"


Edouard Fritch lors de son allocution devant la représentation polynésienne, jeudi matin pour la séance d'ouverture de la session budgétaire 2015.
Edouard Fritch lors de son allocution devant la représentation polynésienne, jeudi matin pour la séance d'ouverture de la session budgétaire 2015.
PAPEETE, 17 septembre 2015 – La séance d’ouverture de la session budgétaire a posé le décor, jeudi, dans lequel se joueront jusqu’en décembre prochain le débats parlementaires, sur fond de relations duelles entre l’exécutif et le législatif. Mais l'espoir demeure.

La session budgétaire se déroulera au cours des trois prochains mois, à Tarahoi. On sent bien depuis quelques semaines qu’elle ne se tiendra pas dans un climat apaisé.

A la veille de l’intersession, en juillet, le groupe des 11 élus souverainistes de l’UPLD a démontré qu’il était le maître de la majorité, en l’état actuel de la répartition des forces en présence dans l’hémicycle où nul ne dispose du sésame de la majorité des 29. Si le gouvernement peut compter avec certitude sur 24 représentants, il doit aussi composer avec un groupe de 22 Tahoera’a qui multiplie depuis novembre 2014 des propositions d’amendements, de résolutions, de délibérations et de lois du Pays et, sous couvert d’une activité parlementaire légitime, paraît vouloir forcer l’action de l’exécutif. Un groupe Tahoera’a qui après avoir placé Edouard Fritch aux manettes s’est lui-même déclaré d’opposition.

Les craintes de l’exécutif quant au budget primitif 2016, nécessairement adopté avant le 15 décembre prochain, sont fondées dans ce contexte. Tout dépendra de l’ampleur et de la portée des amendements votés par l’assemblée, in fine. Passé une certaine mesure, il en va de la cohérence du budget et des moyens financiers alloués à l’exécutif pour conduire son action.

Depuis un an, "tout a été voté, tout, absolument tout", a rappelé Marcel Tuihani dans son discours devant la représentation polynésienne. "Il n’y a aucune raison pour que cela change. Je suppose qu’à nouveau le débat parlementaire de cette année sera animé, et je m’en réjouis". "Je reste persuadé que chacun a le souci de bien faire (…) de veiller à l’intérêt général". Avant de reconnaitre l’enjeu de la session à venir : "nous sommes à la croisée des chemins".

En attendant, le nouveau président-délégué du Tahoera’a Huiraatira trouve "timides" le redressement des indicateurs économiques polynésiens que donnent les observatoires économiques et statistiques, alors que le gouvernement est à l’œuvre depuis un an maintenant.

Pourtant de grandes décisions sont au programme de la représentation polynésienne au cours des prochains mois. Outre le budget primitif 2016, la réforme du système de Protection sociale généralisée (retraites incluses) et de son mode de financement, la réforme de la fiscalité communale sont au programme.

"Certains qui trouvent que rien ne bouge"

Si Marcel Tuihani s’est attaché à souligner dans son discours les vertus démocratiques du débat parlementaire en rappelant que "l’assemblée n’est pas une chambre d’enregistrement", Edouard Fritch s’est amusé à donner un autre point de vue à l’assemblée, celui du gouvernement. Sous couvert de "démocratie", lui voit l'ambition contraire de "certains qui affirment qu’ils se sont trompés en me donnant leur confiance", de "certains qui trouvent que rien ne bouge", "qui cherchent encore où sont passés les milliards inscrits au budget". Pas une seule fois Edouard Fritch n'a cité le nom de Gaston Flosse, mais en évoquant quelques déclarations récentes il en souligne de manière à peine voilée l'influence capitale sur l’attitude du groupe Tahoera’a. "Vous savez bien que l’on ne peut convaincre les apôtres qui se trompent et je ne leur jetterai pas la pierre", a-t-il lancé à l’assemblée pour forcer le trait.

Au lieu de cela, il s’est évertué à mettre en avant les réalisations de l’exécutif après 12 mois au gouvernement : soutien maintenu à 13,5 milliards en faveur du secteur du bâtiment et des travaux publics ; reprise significative de la construction de programmes de logements sociaux et livraison de 250 fare MTR cette année, contre 37 en 2014 ; progression du nombre de salariés de +0,7% sur l’année ; progression des recettes fiscales de +4,4% (+1,8 milliard) sur 12 mois au 31 août dernier, essentiellement liées à la reprise de la consommation des ménages ; augmentation de 30% (de 1000 à 1300) du nombre de dépôts de permis de construire ; prêts immobiliers en augmentation de 7% cette année.

"Les indicateurs économiques du second trimestre 2015 viennent nous démontrer que notre pays bouge, que les clignotants passent au vert et que l’économie et l’emploi donnent des signes de reprises" a-t-il dit avant de contre-attaquer : "Je suis là pour faire avancer le pays, pour faire aboutir, avec courage et réalisme, des réformes qui auraient déjà dû être prises depuis de nombreuses années mais qui, soit en raison de l’instabilité politique, et plus sûrement par manque de courage politique, n’ont jamais été mises en œuvre".

Mais en dépit de ces désaccords affichés, les discours d’Edouard Fritch et de Marcel Tuihani se sont pourtant accordés pour déplorer un climat social inquiétant en Polynésie, une montée de la violence qui s’est illustrée dernièrement par le drame qui touche la famille Ellacott après le décès de Sandy, sauvagement battu dimanche soir à Bora Bora. Ils s'entendent pour y voir le symptôme d'"une perte généralisée de nos repères et de nos valeurs". "Que valent nos divisions face à de telles tragédies ?", s’est aussi interrogé Marcel Tuihani.

Peut-être faut-il voir là une lueur d’espoir, la promesse d'une bonne fin de la session budgétaire qui s’annonce pourtant très tendue cette année. L'avenir le dira.

En attendant, la première séance de travail est programmée mardi 22 septembre, notamment pour examiner le projet de loi sur les transports interinsulaires. Ensuite, les élus devraient se réunir en plénière à raison d’une séance par semaine jusqu’au 15 décembre.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 17 Septembre 2015 à 15:57 | Lu 1481 fois