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Saut du Gol à Vanuatu : la tension monte entre tribus rivales


PORT-VILA, dimanche 3 mai 2015 (Flash d’Océanie) – Le très emblématique « Saut du Gol », sur l’île de Pentecôte (Vanuatu), a été, ces derniers jours, au centre de vives tensions entre tribus rivales, dont certaines veulent empêcher la tenue de cet événement touristique en-dehors de la saison préconisée par les chefs coutumiers.

Ces tensions ont trouvé leur paroxysme le samedi 25 avril 2015, lorsqu’un groupe de chefs à la tête de plus d’une centaine de villageois de Wawan et de Panas se sont rendus en masse à Lonorore, où devait se tenir une de ces cérémonies de saut dans le vide à partir de tours construites en bois.
Armés de machettes et de haches, ils ont alors abattu l’une de ces tours, construites pour l’occasion, le tout devant un groupe de touristes ébahis.
Le Grand Chef Peter Watas, qui préside aux destinées du Malbangbang (Grand Conseil des Chefs de l’île), a par la suite assumé le fait qu’il avait été à l’origine de cette expédition pour, selon lui, « protéger l’autorité coutumière ».

Selon lui, une fois la tour de Lonorore abattue, les touristes devront se rendre sur un autre site, celui proche de la mission de Saint Joseph, au Sud de l’île, pour assister à une cérémonie agréée par les autorités de la chefferie.
Le rite du Saut du Gol, lié au cycle de l’igname à Vanuatu, est exécuté saisonnièrement par de jeunes hommes qui, en mode initiatique, passent aussi par la même occasion des grades coutumiers.

Pour ce qui est considéré comme l’ancêtre de sa version moderne, le saut à l’élastique, chaque participant se jette dans le vide, à des hauteurs différentes, avec pour seule sécurité des lianes attachées aux chevilles et reliées à la tour.
La longueur de ces lianes est soigneusement calculée par chaque participant, en fonction de la haute de la plateforme d’où il saute.
La plateforme elle-même, au moment du choc, se brise et agit comme un amortisseur.
L’élasticité des lianes, à une certaine période de l’année, permet aussi d’amortir le choc, tout comme, à l’atterrissage, le fait que le sol soit légèrement en pente et en permanence remué pour le rendre meuble.

Mais la popularité croissante de cet événement, qui attire caque année des centaines de touristes venus du monde entier, a poussé certains villages à multiplier les dates hors saison, en débordant largement sur les périodes recommandées par les autorités coutumières, qui se basent sur l’humidité et par conséquent l’élasticité des lianes.
Trop sèches, lors de la tension au moment de l’impact, elles se brisent ou provoquent de graves dislocations des membres.


Un mort aux pieds de la Reine

L’un des accidents les plus connus de ce genre de saut hors saison est celui qui a lieu en février 1974, avant l'indépendance de Vanuatu (qui était alors le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides, devenu indépendant en 1980), lors de la visite sur l’île du navire royal « Britannia ».
Le sauteur, John Mark Tabi, à qui on avait demandé de s'exécuter à l'occasion du passage s'était finalement littéralement écrasé aux pieds de la Reine Elizabeth II d’Angleterre.
La délégation royale avait ensuite diplomatiquement été conduite à distance de la macabre scène.

Plus récemment, en avril 2008, un caméraman avait trouvé la mort et plusieurs autres personnes avaient été grièvement blessées après que l'équipe de tournage d'une chaîne de télévision américaine avait insisté pour qu'un traditionnel Saut du Gol ait lieu, en dépit d'une interdiction coutumière.
Hardy Ligo, caméraman de la télévision nationale (SRTV, Société de Radiodiffusion et de Télévision de Vanuatu), avait été engagé par une société australienne, Beyond Productions, qui se trouvait sur Pentecôte pour tourner un documentaire pour le compte de la chaîne National Geographic.
Il a été tué alors que la tour de saut construite pour l'occasion se soit effondrée sur lui et sur plusieurs autres personnes.
Ralph Regenvanu, alors directeur du centre culturel de Vanuatu, avait alors directement accusé la chaîne américaine et la société de production d'avoir délibérément et sciemment contourné l'interdiction coutumière pour parvenir à leurs fins, à savoir obtenir des images pour leur documentaire.
"Ces gens-là n'ont aucun respect pour nos lois, ils l'ont déjà prouvé plus d'une fois (…) Nous ne voulons plus les voir ici", avait-il pesté.
"C'est la dernière fois qu'on nous court-circuite sous prétexte de promotion du secteur touristique. Le tourisme est bien sûr important, mais sûrement pas au prix de notre patrimoine culturel et en l'occurrence d'une vie humaine", avait-il déclaré.
M. Regenvanu avait par ailleurs indiqué sa ferme intention de faire en sorte que l'office national du tourisme, en temps normal compétent pour octroyer des permis de tournage, n'en délivre plus à aucune équipe de télévision.

La malédiction des contrevenants

Le Chef Telkon Watas avait à l’époque laconiquement rappelé qu'à chaque fois qu'une interdiction coutumière était bafouée en matière de Saut du Gol, des accidents se produisaient.
Le vieux chef a justifié cette mesure par la nécessité de respecter la période correspondant aux cinq premiers jours de la récolte des ignames, tubercule qui jouit d'un statut particulièrement symbolique à Pentecôte.


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Rédigé par PAD le Lundi 4 Mai 2015 à 06:22 | Lu 3884 fois