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Référendum et insécurité, Marine Le Pen fait son meilleur score outre-mer en Nouvelle-Calédonie


Nouméa, France | AFP | mardi 08/05/2017 - Marine Le Pen a réalisé en Nouvelle-Calédonie son meilleur score outre-mer, avec seulement 5 points de retard sur Emmanuel Macron, ce qui traduit selon les observateurs un raidissement de la droite à l'approche du  référendum d'autodétermination, et une inquiétude vis à vis de l'insécurité.

Emmanuel Macron est certes arrivé en tête au second tour de la présidentielle dans l'archipel, mais il ne l'emporte qu'avec 52,57% des voix, contre 47,43% pour Marine Le Pen, alors que le FN n'a aucun élu territorial et qu'il a mené une campagne discrète.
Dimanche soir, au ministère de l'Intérieur, un haut-fonctionnaire regardait avec inquiétude le score de Marine Le Pen, dans la perspective du référendum de l'année prochaine. "Ca montre le climat là-bas", a-t-il soufflé à l'AFP.
La candidate du FN avait déjà réalisé au premier tour une percée historique, en arrivant en deuxième position derrière François Fillon, avec 29,09% des voix, dans ce territoire traditionnellement à droite, où elle avait obtenu 11,66% en 2012. 
"En Nouvelle-Calédonie, Mme Le Pen incarne la candidate de la victoire d'un camp sur l'autre, celui qui veut imposer sa majorité sur un modèle un peu néocolonial, alors que depuis 25 ans on prône le destin commun et le vivre ensemble", avait analysé Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, à l'issue du premier tour.
Selon lui, la hausse du vote FN exprime "un durcissement des positions et une crainte du référendum". 
Depuis 1998, l'accord de Nouméa a instauré un processus de décolonisation progressif, qui doit aboutir en novembre 2018 à un référendum d'autodétermination.    
Refondation d'un lien social durable entre les communautés, rééquilibrage, reconnaissance de l'identité kanak et destin commun constituent les fondements de cet accord. Mais à l'aube de son échéance, les clivages se creusent.  
La leader frontiste a eu la préférence des électeurs calédoniens dans la province sud et dans la majorité des communes de la côte ouest, toutes à tendance non indépendantiste, et où la population européenne domine. 
 

- 'Laxisme de l'Etat' -

 
Au total, elle est majoritaire dans 9 communes sur 33. A Nouméa, elle arrive en tête avec 50,90%. Sur d'autres communes, elle atteint parfois jusqu'à 74% des voix.
En périphérie de Nouméa, dans la commune de Mont-Dore, théâtre d'affrontements depuis que fin octobre un gendarme a tué un jeune évadé de prison originaire de la tribu kanak de Saint-Louis, elle a obtenu 57,60% des voix.
Pour Sonia Lagarde, députée UDI et maire de Nouméa (Calédonie Ensemble), la percée du FN "est liée à un phénomène d'insécurité, ce que je peux comprendre", a-t-elle déclaré dimanche sur Nouvelle-Calédonie 1ère.
Avant le second tour, les dirigeants locaux Les Républicains ont renvoyé dos à dos les deux finalistes, ou ont apporté leur soutien à la candidate FN. Seul Calédonie Ensemble s'est prononcé pour M. Macron.
Pour Sonia Backès, présidente du groupe LR au Congrès, le vote Le Pen s'explique "par la volonté affirmée des Calédoniens de rester dans la République, par l'augmentation de l'insécurité, par la mollesse et le laxisme des autorités de l'Etat".
La candidate frontiste augmente son score avec le report des voix des électeurs de Fillon, a analysé sur NC 1ère Michel Jorda, du parti les Progressistes (ancien parti socialiste local): "En Calédonie plus qu'ailleurs, le vote de droite est plus poreux et capable de se reporter sur l'extrême droite pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les programmes".
Dans l'archipel, qui s'était fortement abstenu au premier tour (51,86%), les électeurs sont quelque peu retournés aux urnes dimanche (47,04% d'abstention), après l'appel de certains partis indépendantistes à faire "barrage au FN" et voter Macron, comme le Palika (membre du Front de Libération Nationale Kanak Socialiste).
Mais d'autres partis indépendantistes, comme l'Union Calédonienne, autre membre de poids du FLNKS, ont refusé de participer au scrutin pour se consacrer "à la préparation de l'accession du pays à la pleine souveraineté" dans la perspective du référendum. 
"Le désintérêt de la politique nationale de la part des populations kanakes est aussi un signe que les positions se radicalisent", estime Pierre-Christophe Pantz.

le Mardi 9 Mai 2017 à 03:57 | Lu 582 fois