Tahiti, le 14 août – L'homme d'affaires Pierre Chanut a été condamné, le 19 juin dernier par la cour d'appel de Papeete, à quatre ans de prison ferme assortis d'un mandat d'arrêt pour avoir escroqué pas moins de 500 millions de francs dont 300 millions à René Quesnot, l'un des fondateurs de la Socredo aujourd'hui décédé. Tous les autres prévenus de cette très vieille affaire, dont l'ancien notaire Dominique Calmet, ont quant à eux été relaxés.
Au terme de 14 années de procédure, d'une dizaine de renvois, d'un premier procès ayant abouti à la prescription de l'affaire puis d'un appel du parquet sur la décision de première instance, la cour d'appel a condamné, le 19 juin dernier, l'ancien homme d'affaires, Pierre Chanut, à quatre ans de prison ferme. Une peine assortie d'un mandat d'arrêt puisqu'il ne s'était pas présenté lors de l'audience le 4 juin. Désormais âgé de 63 ans, il a été reconnu coupable d'avoir escroqué des centaines de millions de francs à plusieurs particuliers dont 300 millions à René Quesnot, l'un des fondateurs de la banque Socrédo qui est décédé en 2011, peu de temps après avoir porté plainte contre lui.
L'affaire, dont les premiers faits remontent à 2007, avait été mise au jour en février 2011, lorsque René Quesnot, déjà malade et vulnérable, avait porté plainte contre Pierre Chanut auquel il reprochait de lui avoir escroqué 300 millions de francs. Tel que le rappelle la cour d'appel dans sa décision, à laquelle Tahiti Infos a eu accès, les deux hommes s'étaient rencontrés lorsque Pierre Chanut était intervenu pour réaliser des travaux dans la maison du banquier auquel il avait ensuite prodigué des séances d'acupuncture. “Progressivement subjugué” par l'homme d'affaires envers lequel il avait une “confiance aveugle”, l'octogénaire était tombé sous “l'emprise” de Pierre Chanut qui avait alors commencé à lui proposer des investissements.
Compte en banque autrichien
Les premiers “versements informels” – sept puis cinq millions de francs censés financer une société de duty-free – avaient débuté en 2007. Les choses sérieuses avaient commencé un an plus tard lorsque René Quesnot s'était engagé via un “acte de promesse de versement” à investir 110 millions de francs dans un “projet forestier indonésien”. La même année, l'ancien banquier avait viré 100 millions de francs sur le compte autrichien de Pierre Chanut puis 59 millions quelques mois plus tard sur ce même compte.
Lors de l'enquête, il avait également été établi que Pierre Chanut avait fait d'autres victimes en utilisant toujours cette même approche basée sur l'emprise et la confiance pour inciter les gens à investir dans des projets fantômes alors que, de son propre aveu, il utilisait les sommes escroquées pour financer le train de vie de sa famille et de ses deux enfants. À l'époque, ils étudiaient tous dans des établissements “coûteux” sur la Gold Coast en Australie où Pierre Chanut avait acquis un appartement.
La famille et le notaire de Chanut renvoyés
Au terme de son instruction en 2014, le magistrat instructeur en charge de l'affaire avait d'ailleurs choisi de renvoyer les deux fils de Pierre Chanut ainsi que sa femme car il avait estimé que ces derniers ne pouvaient ignorer l'origine des fonds. Il avait également renvoyé le notaire Dominique Calmet, un homme extrêmement proche de Pierre Chanut auquel il était reproché d'avoir rédigé la cession de parts sociales d'une SCI à une pharmacienne en la valorisant à 125 millions de francs, “alors que la société ne disposait d'aucun actif”.
En mai 2023, soit neuf ans après la clôture de cette instruction, le tribunal correctionnel a prononcé la prescription de l'affaire en faisant droit aux demandes des avocats de la défense qui assuraient qu'il n'y avait pas eu d'acte interruptif pendant trois ans. C'est donc suite à un appel du parquet de cette décision que Pierre Chanut, son ex-épouse, ses enfants et Dominique Calmet ont été jugés le 4 juin.
Une manipulation constante
Concernant les deux fils de Pierre Chanut, un père décrit comme “absent”, la cour a estimé qu'ils ne pouvaient avoir connaissance de l'origine des fonds puisque l’intéressé “cloisonnait” ses activités professionnelles de manière manifeste. Même constat pour son ex-épouse qui n'avait eu “aucune participation active” et qui entretenait déjà une relation assez distante avec son époux à l'époque des faits. Ils ont, tous les trois, été relaxés. Quant au notaire Dominique Calmet, lui aussi relaxé, la cour a considéré que “la thèse selon laquelle il aurait participé consciemment comme complice de Pierre Chanut dans le but d'escroquer la pharmacienne n'est pas corroborée par d'autres déclarations” que celles de ce dernier “qui a constamment manipulé ses interlocuteurs”.
Enfin, concernant Pierre Chanut, qui a été incarcéré après s'être rendu par suite du mandat d'arrêt délivré par la cour d'appel, cette dernière a jugé que son comportement “fait de manipulations, d'abus de faiblesse, de fuite devant ses victimes, a été particulièrement néfaste à l'ensemble des personnes abusées et escroquées”. “De son propre aveu, Pierre Chanut savait dès le départ que l'argent qu'elles lui remettaient était destiné à être détourné et était immédiatement converti pour l'achat de biens à titre personnel, mobilier ou immobilier, et la dissimulation des sociétés et comptes bancaires.” Ce comportement aura eu un impact “délétère” sur ses victimes : “Un vieil homme malade dont il a abusé la confiance et la faiblesse, qui décédera quelques semaines après sa plainte et aura vécu ses derniers jours dans le stress et les pertes financières conséquentes, une maîtresse flouée ayant perdu l'intégralité de ses économies” et des “amis désemparés” qui se sont retrouvés en difficulté.
Si cette affaire est désormais close, elle doit certainement laisser un goût amer aux parties civiles qui ne seront pas indemnisées puisqu'elles n'avaient pas déclaré leurs créances lors de la liquidation judiciaire de Pierre Chanut. Leurs demandes ont donc été jugées irrecevables.




































