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Qu’y a-t-il derrière le projet Mantas de Polynésie ?


Raiatea, le 2 septembre 2025 - Voilà quelques semaines, la municipalité de Taputapuātea annonçait le lancement d'une consultation citoyenne suite à une requête d'occupation temporaire du domaine public maritime par l'association Observatoire des requins de Polynésie (ORP) pour le programme “Mantas de Polynésie”. Objet de la demande : la pose de récepteurs acoustiques dans une des baies de la commune connue pour abriter une colonie de raies mantas. Il n’en fallait pas moins pour susciter quelques inquiétudes et convoquer une réunion pour y répondre.
 
L’association Observatoire des requins de Polynésie (ORP) a formulé une demande d’occupation temporaire du domaine public maritime afin de poser des récepteurs acoustiques aux îles Sous-le-Vent pour pouvoir observer les raies mantas. Une demande qui s’inscrit dans le cadre du programme “Mantas de Polynésie”. Parmi les communes concernées, celle de Taputapuātea a mis en place une consultation populaire. Lancée en août sous la forme d'un cahier d'observations mis à disposition du public à la mairie, dans lequel l'ensemble du dossier du projet était repris, cette consultation n’a toutefois pas suscité le même enthousiasme que la publication communale sur les réseaux sociaux.
 
Entre incompréhension du lien entre raies mantas et Observatoire des requins, remise en question de la durée prévue, remarques proches d'un complotisme visant à interdire la circulation des bateaux à moteur dans le secteur et commentaires parfois agressifs revendiquant la tranquillité du lagon et de ses habitants, les posts se sont multipliés. Malgré tout, l'initiative de la commune de Tapuatapuātea demeure unique parmi les communes concernées, et l'association et ses relais locaux ont jugé nécessaire de venir expliquer sur le terrain les tenants et les aboutissants du projet.
 
Le dispositif en jeu
 
Une réunion ouverte à tous était donc convoquée en fin de semaine dernière, mais l’engouement a une fois de plus fait défaut. C'est regrettable car de nombreuses informations ont été communiquées, dont une qui s'avère fondamentale et devrait rassurer tout le monde : le système envisagé est totalement passif et sans aucune conséquence sur le lagon, sa faune et sa flore.
 
En effet, seules trois raies mantas identifiées localement seront équipées d'une sonde autocollante indolore d'identification. Des récepteurs passifs, de la taille de deux bouteilles d'eau, seront installés dans la zone concernée et immergés à plusieurs mètres sous la surface à l'aide d'ancres. À chaque mouvement à proximité du capteur, les passages des raies équipées seront enregistrés. Le dispositif sera déployé sur toutes les îles habitées des îles Sous-le-Vent.
 
Information limpide et préventions rassurantes
 
Présents lors de la réunion, Alice Carpentier, responsable du projet “Mantas de Polynésie”, et Vetea Malby, président de l'association locale Puutarape implantée à Taputapuātea, ont clairement démontré l'aspect complètement anodin et indolore du projet, tant pour les raies que pour l'environnement. La méthode acoustique, d'ailleurs développée dans d'autres îles de l'archipel dans le même cadre, est “déjà largement utilisée, y compris sur des requins et même des populations de bec de cane (Oeo)” et le projet s'inscrit bien “sur une durée de deux ans et pas au-delà”, a assuré Alice Carpentier.
 
À terme, les données recueillies, par lecture régulière des capteurs sortis de l'eau pour l'occasion, permettront d'affiner les connaissances sur les populations de raies mantas présentes dans les îles Sous-le-Vent, leur nombre, leurs déplacements et les connections éventuelles entre les différents groupes de l’archipel. Soutenu par la Direction de l’environnement (Diren) dans le cadre d’une convention, le projet vise à identifier les mesures de protection à développer.
 
Enjeux environnementaux et touristiques
 
L’espèce est fragile et, dans certaines zones, menacée d’extinction, tout en restant peu connue. Son attractivité touristique croissante nécessite d’adopter rapidement des dispositions pour concilier tourisme et bien-être de l’espèce. C’est l’une des missions du projet afin d’envisager une réglementation, à ce jour absente.
 
Pour l’association Puutarape de Raiatea, qui collabore avec l’ORP depuis longtemps et fournit des données pour la photo-identification des individus, il est essentiel de préserver les générations futures et protéger les sites via une réglementation de bonnes pratiques. Il faut s’adresser notamment aux prestataires touristiques, de plus en plus nombreux à venir voir les raies à Raiatea. Il ne s’agit pas d’interdire ; plusieurs options existent, notamment par la formation et la mise en œuvre d’un espace réglementé autour des sites identifiés. Affaire à suivre.


En danger même protégées

Les raies mantas sont protégées par le Code de l’environnement de Polynésie et au niveau international (IUCN) depuis 2011. Dernières observations publiées par l’Observatoire des requins de Polynésie (ORP) : “35 % des raies mantas identifiées aux îles Sous-le-Vent portent des blessures causées par l’activité humaine”. En faible quantité, ces blessures proviennent des cordages, de filets de pêche ou d'hameçons. Les hélices des bateaux restent les principales responsables. Des accidents, parfois mortels, qui pourraient être moins fréquents si la réglementation d’une vitesse maximale de 5 nœuds dans la bande des 300 m était respectée par tous.

Les raies mantas sont aussi tributaires d'un faible taux de fécondité : la femelle ne se reproduit qu’à partir de 10 à 15 ans et ne porte qu’un seul bébé pendant un an. Cela rend la population très fragile et vulnérable.
 
Le projet “Mantas de Polynésie” existe depuis huit ans et fonctionne grâce à la bonne volonté des bénévoles qui collectent témoignages, photos et vidéos pour affiner les connaissances et les évolutions des populations. Cette collaboration a permis, entre autres, d’identifier Ohani, la plus ancienne raie manta suivie de Polynésie, perdue de vue depuis 2003 à Bora Bora et redécouverte en 2024 à Raiatea. L’association peut être contactée en cas de raies blessées ou en difficulté pour prodiguer des conseils et déclencher une intervention locale via le réseau des Gardiens de l’Océan.

Rédigé par Sylvain Lefevre le Mardi 2 Septembre 2025 à 17:05 | Lu 2145 fois