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Projet aquacole : l’examen du projet de loi sur les expropriations à Hao reporté


Hao (image d'illustration).
Hao (image d'illustration).
PAPEETE, jeudi 5 juin 2014. Coup de théâtre, ce jeudi matin, à l’assemblée de Polynésie française, le groupe majoritaire Tahoeraa Huiraatira a obtenu que les textes concernant le projet de ferme aquacole à Hao ne soient pas débattus immédiatement. Les modalités des expropriations seront étudiées plus tard. Dès l’ouverture de la séance dans l’hémicycle de l’assemblée, hier matin, la situation était particulière. La tribune gouvernementale, désespérément vide, contraignait Edouard Fritch à un changement de l’ordre du jour. Prétextant que le «gouvernement est en réunion extraordinaire ce matin», et rejoindrait les représentants plus tard, le président de l’assemblée faisait passer d’abord les autres rapports et quittait l’hémicycle. Une heure et demie plus tard, une suspension de séance était décidée avec une réunion immédiate des principaux leaders de la majorité.

Dans les rangs de l’opposition, les élus ne sont pas dupes des manœuvres d’évitement du Tahoeraa. Il y a anguille sous roche. Aux aurores ce jeudi matin, un petit-déjeuner a réuni la majorité orange de Polynésie, avec semble-t-il, comme ordre du jour : le projet aquacole à Hao et les crispations que le texte sur les expropriations fait naître. 18 hectares sur 30 sont visés par une acquisition par voie d’expropriation «pour cause d’utilité publique». Le gouvernement sait qu’il marche sur des œufs alors que les élections législatives partielles se profilent à la fin de la semaine prochaine. Pour une fois, l’attente est peut être la bonne stratégie ? Ce que l’on ignore encore est la date du retour de ce texte controversé devant les élus de l’assemblée. Il pourrait revenir après avoir été allégé de certaines dispositions trop contraignantes en commission ou bien agrémenté des amendements qui le rendront plus acceptable. A suivre.



Teura Iriti
Teura Iriti
Les explications de Teura Iriti, présidente du groupe Tahoeraa Huiraatira

Que s’est-il passé exactement ?

Nous avons demandé à retirer l’examen de ce texte parce qu’en tant que législateur comme représentant à l’assemblée, ce texte nous interpelle, pour que nous soyons en phase avec la population. Je ne reviens pas sur la mise en place de ce dossier qui a été bien monté, mais c’est surtout, pour que notre population nous accompagne comme il faut. Donc, on se laisse un peu de temps pour lieux informer la population et on reviendra ensuite au sein de l’hémicycle.

Dans combien de temps ?

Le plus rapidement possible, car le gouvernement et nous-mêmes, sommes interpellés par les demandes récurrentes sur l’emploi, le travail. Après de terribles années noires, 80 000 personnes ressortissantes au RSPF, il faut créer de l’emploi. C’est ce qui a guidé le gouvernement pour aller au plus vite et répondre à cette demande. Ceci dit, à quelques jours près, si la population est mieux informée, il y a tout à gagner.

Il y avait trop de réticences sur place ?

Il y avait pas mal de réticences. Le gouvernement est allé sur place le week-end dernier, il y a eu des échanges. Mais pour nous, en tant que législateurs de l’assemblée, il nous a semblé qu’il fallait laisser un peu de temps pour bien informer la population.

Les points de vue de l’assemblée et du gouvernement sont différents ?

Non, nous sommes complémentaires. Le gouvernement sa priorité c’est de répondre à l’appel des populations sur l’emploi, nous à l’assemblée c’est bien sûr d’accompagner le gouvernement, au mieux. Et je pense que ce que nous avons demandé ne peut qu’aider le gouvernement à mieux mettre en place le projet.

Qu’est ce qui gêne le plus dans le texte ?

Ce sont surtout les expropriations. Et c’est parce que les gens sont mal informés. Je sais que lors du déplacement du gouvernement à Hao, beaucoup ont été soulagés : ils ont posé leurs questions, ils ont eu leur réponse, mais il nous semble nous qu’il faut laisser encore un peu de temps pour que vraiment, ensemble, la population et la majorité, puissent accompagner le projet.

Les réactions de l’opposition

Victor Maamaatuaiahutapu
Victor Maamaatuaiahutapu
Victor Maamaatuaiahutapu, groupe UPLD

Je pense que l’examen du texte a été retiré parce que ce n’est politiquement pas bon pour eux. Les élections législatives arrivent, la population n’est pas prête à accepter : on lui spolie encore une fois sa terre. Il y a eu le CEP déjà, là c’est l’histoire qui se répète alors qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact. Oui, la population est très réticente. Les Tuamotu font partie de la circonscription pour les législatives partielles, or, il ne faut surtout pas froisser les électeurs. Et je suis certain, qu’après ces élections là, le Tahoeraa va foncer. Ils ne vont plus tenir compte de l’avis de la population.
Concernant le projet : nous sommes pour le développement de l’aquaculture, mais là on veut hâter les choses. Ils vont trop vite. Est-ce qu’ils ont encore une force pour négocier ou bien les Chinois ont-ils pris le dessus dans ce dossier ? Et donc, ils acceptent tout. Il n’y a qu’à lire le texte. Le texte c’est la spoliation immédiate pour mettre en place une société privée.

Armelle Merceron
Armelle Merceron
Armelle Merceron, groupe A T’ia Porinetia

Nous on estime que la maîtrise foncière ne doit pas nécessairement passer par des procédures dures d’expropriation. On peut imaginer d’autres solutions comme des locations de longue durée par les propriétaires, et notamment quand ils sont en indivision, ce qui a l’avantage d’être l’occasion de dialogue avec les personnes et cela préserve la propriété pour les générations à venir. On ne comprend pas pourquoi systématiquement le gouvernement veut une appropriation par la Collectivité, quitte à ce que ce soit de force. Le gros problème de M. Flosse, c’est qu’il veut aller vite, toujours. Or, les gens ont besoin de dialogue, d’information, de communication. A vouloir aller trop vite, à vouloir imposer, passer en force, on en arrive à ce résultat. Ce texte-là ne nous convenait pas justement parce qu’il est contraire à notre façon de voir les choses, avec une gouvernance véritable qui passe par l’information, du dialogue et ce n’était pas le cas.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 5 Juin 2014 à 17:31 | Lu 2084 fois