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Philippines: chaos à Marawi après une semaine de combats


Marawi, Philippines | AFP | mardi 29/05/2017 - Quatre poulets affamés picorent dans les ordures qui jonchent la rue déserte où plane une odeur de corps en décomposition, sans faire cas des hélicoptères philippins qui pillonnent plus loin les positions islamistes.
Marawi, une des plus belles villes musulmanes de l'archipel à majorité catholique, est aujourd'hui en proie aux flammes et au chaos. 
La cité au bord d'un lac de la grande île de Mindanao (Sud), dominée par de nombreux minarets, s'est presque entièrement vidée de sa population depuis que des combats ont éclaté il y a une semaine entre l'armée et des combattants se réclamant du groupe Etat islamique.
En dépit d'intenses bombardements militaires, un nombre inconnu d'activistes islamistes continue de tenir des poches de résistances dans la ville, retenant aussi des otages, alors que 2.000 civils sont pris au piège des combats.
"Ces gars savent se battre. Ils donnent l'impression d'avoir reçu un entraînement", confie à l'AFP le chef de la police de Marawi, Parson Asadil, à un point de contrôle. Il a perdu un de ses hommes. Et cinq autres sont portés disparus.
Le bilan officiel dépasse actuellement la centaine de morts: on dénombre déjà 19 civils tués, ainsi que 17 militaires, trois policiers et 65 activistes islamistes. Mais ce bilan est forcément appelé à grimper.
Un responsable de la police a expliqué à des journalistes qu'il était convaincu qu'un marché de la ville, actuellement inaccessible, était rempli de dépouilles.
"Le quartier sent mauvais", dit Hamid Balimbingan. "Nous ne pouvons y entrer, c'est pourquoi nous utilisons des hélicoptères de l'armée contre eux."
 

- 'Situation terrible' -

 
Les civils coincés dans Marawi risquent d'être atteints par des balles perdues. Mais le manque d'électricité, d'eau, de nourriture et de médicaments pourrait pour eux être tout aussi meurtrier, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
"C'est vraiment une situation terrible", a déclaré à l'AFP à Marawi Martin Thalmann, chef adjoint de la délégation philippine du CICR, dont les équipes sont en contact avec les habitants coincés par les combats.
"Des gens malades sont morts parce qu'ils ne pouvaient pas sortir. Il y a des personnes âgées parmi eux."
Pour reprendre le contrôle de la situation, les militaires doivent se battre pour chaque maison, sous la menace du feu des snipers islamistes.
Le risque vient aussi des tirs de roquettes des hélicoptères.
Le carrefour où se trouve le point de contrôle géré par l'unité de Parson Asadil donne sur une rue déserte. Ses magasins sont fermés, certaines façades criblées de balles. Un camion au pare-brise pulvérisé et aux pneus éclatés bloque la rue un pâté de maisons plus loin.
Avant que n'éclatent les combats, la ville comptait 200.000 habitants, à 90% musulmans.
C'était une des rares villes à majorité musulmane qui demeurent à Mindanao, la grande île du sud des Philippines considérée comme le bastion ancestral des musulmans qui colonisèrent l'archipel bien avant que les colons espagnols n'introduisent le catholicisme au 16e siècle.
Depuis le début des combats, les villes voisines font face à un afflux de réfugiés. Certains ayant marché deux jours dans les montagnes pour échapper aux violences.
Aux points de contrôle à l'extérieur de la ville, où sont affichés les portraits-robot des combattants islamistes connus, de longues files d'attente sont formées.
Certains habitants ont pris la fuite en n'emportant rien du tout, et se massent désormais dans des centres d'accueil surpeuplés, où la colère est forte contre ce qu'ont fait ces combattants islamistes.
Beaucoup ne comprennent d'ailleurs pas le sens de leur lutte, et cette volonté présumée d'établir un régime islamiste comme celui imposé par les jihadistes dans certaines parties d'Irak et de Syrie.
"Ils disent qu'ils sont de la même tribu que nous, ils sont censés être nos parents. Mais ont ne comprend même pas leur combat", déplore un réfugié.

le Mardi 30 Mai 2017 à 06:21 | Lu 534 fois