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Philippines: Duterte pourrait décréter la loi martiale


Manille, Philippines | AFP | vendredi 14/09/2017 - Le président philippin Rodrigo Duterte pourrait décréter la loi martiale dans tout l'archipel si des manifestations prévues par les communistes et d'autres groupes de gauche débouchaient sur des violences ou des perturbations, a prévenu vendredi son ministre de la Défense.

Delfin Lorenzana a souligné qu'il pensait peu vraisemblable qu'un tel régime d'exception soit instauré mais déclaré que le président s'inquiétait de manifestations "massives" annoncées par la gauche. "Il a dit, si la gauche essaye d'avoir une manifestation géante, si elle enflamme la rue et si elle perturbe le pays, alors je pourrais (décréter la loi martiale)", a déclaré le ministre.
Le ministre faisait état d'une conversation qu'il a eue avec le président cette semaine.
"A mon avis, la possibilité que cela se produise est minime. Mais le président est très préoccupé, car cela pourrait dégénérer. Alors il a dit, je pourrais décréter la loi martiale".
Ces commentaires alimentent les craintes de l'opposition qui dénonce un climat de peur dans l'archipel où le président mène une guerre controversée contre la drogue.
Les contempteurs de M. Duterte l'accusent de vouloir museler ses opposants et réinstaurer la dictature, trois décennies après le renversement du défunt dictateur Ferdinand Marcos par une révolte populaire.
 

- Prévision impossible -

 
Une coalition de groupes de gauche qui se fait appeler "Mouvement contre la tyrannie" a annoncé des manifestations de protestation pour le 21 septembre, jour du 45ème anniversaire de l'instauration de la loi martiale par Marcos.
Les organisateurs veulent dénoncer la campagne de répression antidrogue et protester contre les attaques portées par le président contre les institutions démocratiques.
La coalition s'est également déclarée horrifiée par le soutien apporté par M. Duterte à Ferdinand Marcos.
Elu président en 1965, puis réélu en 1969, Marcos a décrété la loi martiale en 1972, gouvernant d'une main de fer l'archipel jusqu'à la révolution de 1986 qui l'a contraint à fuir aux Etats-Unis avec sa famille. Le règne de l'ancien homme fort décédé à Hawaï en 1989 fut marqué par de graves violations des droits de l'homme et des accusations de corruption.
Le slogan adopté pour cette journée de protestation, est, selon la coalition qui réunit des communistes, des militants gauchistes, des évêques catholiques et des organisations de défense des droits de l'homme: "Arrêtez les tueries! Plus jamais la tyrannie et la dictature!" 
Il est difficile de prévoir l'ampleur que pourrait prendre la protestation. Car malgré les critiques féroces de ses opposants, les sondages montrent que M. Duterte reste extrêmement populaire.
De précédentes manifestations organisées contre la guerre antidrogue n'ont rassemblé que quelques centaines de personnes.
 

- Engraisser les poissons -

 
M. Duterte a remporté la présidentielle de 2016 grâce à une campagne outrancière. Il avait promis d'éradiquer le trafic de drogue en faisant abattre jusqu'à 100.000 trafiquants et toxicomanes présumés.
Les poissons de la baie de Manille allaient s'engraisser sur les cadavres, avait-il assuré, promettant de gracier les policiers reconnus coupables de violations des droits de l'homme dans le cadre de la guerre contre la drogue.
Depuis son arrivée au pouvoir, la police a annoncé avoir abattu plus de 3.800 personnes tandis que des milliers d'autres sont mortes dans des circonstances non élucidées.
M. Duterte menace régulièrement de décréter la loi martiale à travers les Philippines. Ni lui ni son entourage n'ont cependant évoqué de calendrier ou de motif susceptible de déclencher la décision.
En mai, le président avait imposé la loi martiale à Mindanao, dans le tiers sud des Philippines, en réaction à l'occupation par un groupe se disant affilié à l'Etat islamique (EI) de plusieurs quartiers d'une grande ville musulmane de la région. Le conflit a fait plus de 800 morts.
Le chef de l'Etat avait alors expliqué qu'il pourrait étendre la loi martiale à tout le pays si la menace islamiste s'exportait au-delà de la région de Mindanao.
A plusieurs reprises, il a évoqué le régime d'exception comme remède possible aux nombreux maux de l’archipel. "Si je déclare la loi martiale, j'en terminerais avec tous les problèmes, pas seulement la drogue", avait-il déclaré en mars.

le Vendredi 15 Septembre 2017 à 04:31 | Lu 678 fois