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Pêche : les capacités palangrières de la Polynésie française sont sous-exploitées


Déchargement de poissons à l'arrivée de thoniers au port de pêche de Papeete (Crédit photo : Lucie Rabréaud TPH)
Déchargement de poissons à l'arrivée de thoniers au port de pêche de Papeete (Crédit photo : Lucie Rabréaud TPH)
PAPEETE, le 26 avril 2016. Quinze ans après une première tentative échouée pour le développement de la pêche hauturière en Polynésie française, le gouvernement tente à nouveau ce défi important. Le schéma directeur de la pêche hauturière est en préparation et les professionnels adhèrent positivement à la méthode choisie.

Il y a des chiffres qui ne trompent pas. Avec à peine un peu plus de 6300 tonnes pêchées en haute mer en 2013, la "production" de pêche sauvage de la Polynésie française ne représente que 0,18% des prises effectuées dans le Pacifique. En dépit de son immensité, la zone économique exclusive (ZEE) polynésienne n'est parcourue que par une quarantaine de bateaux de pêche longline qui n'exploitent que 45% de cette vaste étendue maritime. Avec 1045 tonnes de poissons exportés en 2013, la production hauturière de la Polynésie française est une goutte d'eau dans l'océan. "Une vraie stratégie d'exportation existe aujourd'hui" indiquait Teva Rohfritsch le 28 janvier dernier lors de la conférence maritime régionale réunie à Punaauia. Le ministre de l'économie bleue de la Polynésie rapportait même ce jour-là la plaisanterie de son alter-ego espagnol, "les équipages espagnols qui viennent pêcher au sud des Australes se moquent de nous en disant que nos poissons meurent de vieillesse" !

Pas question pour autant d'ouvrir des droits de pêche aux armements étrangers : la pêche dans la ZEE restera exclusivement réservée aux pêcheurs polynésiens, indiquait le président Edouard Fritch à la même conférence régionale. Avec une habile politique de promotion de la pêche et quelques coups de pouce pour pousser plus rapidement des projets de palangriers qui traînent dans les cartons depuis quelques années, la Polynésie française peut envisager de développer par elle-même ce secteur convoité par les étrangers, depuis les contours de sa ZEE.

Depuis quelques mois, des travaux pour construire cette stratégie de pêche ont démarré au sein du ministère de l'économie bleue. Car le potentiel est énorme : doubler la production en dix ans à peine est réalisable vu la richesse du flux de poissons migrateurs qui traversent la ZEE polynésienne à différentes périodes de l'année. Mais les faiblesses existent aussi : une flottille vieillissante incapable d'explorer les 5,5 millions de km2 d'océan du territoire, des infrastructures à rénover, des équipages à former dans la perspective de longues campagnes de pêche. C'est là que le Pays doit intervenir : pour accompagner sans imposer. Pour faciliter le développement sans s'interposer sur les besoins ou les perspectives des professionnels. Dans six mois, le projet de schéma directeur de la pêche hauturière de la Polynésie française devrait être finalisé, les professionnels l'attendaient depuis dix ans. On verra si la copie sera à la hauteur des espérances.


LE POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS

Yann Ching, armateur et mareyeur (Vini Vini)
"Notre filière est porteuse d'emploi"


Est-ce que vous envisagez de développer votre activité en achetant d'autres thoniers, en embauchant d'autres équipages ?

Bien entendu on travaille sur le développement de la filière. Aujourd'hui le Pays est dans l'urgence de créer de l'emploi, notre filière est porteuse depuis cinq années maintenant, nous devons continuer dans ce sens-là. Notre entreprise souhaite se développer via cette nouvelle stratégie car on a besoin d'un soutien à l'investissement.

De la part du Pays vous attendez quoi exactement ?

On attend beaucoup sur les aspects annexes du développement de la filière. Sur les infrastructures : ateliers de mareyage, une rénovation de la zone du port de pêche, une rénovation peut-être de l'aéroport pour les exportations. On attend un toilettage du statut de marin pêcheur qui nous permettrait d'être plus performants. Et aussi un accompagnement sur la formation : des textes ont été votés en 2014 sur les titres de pêche, mais maintenant il faut mettre en place ces formations.

Arnaud Le Morvan, directeur de Fetu Armement
"En Polynésie française, on travaille comme dans un aquarium"


On dit que la Polynésie française est un site porteur pour la pêche hauturière mais, en dépit d'un frémissement, on ne voit pas encore de développement très important, la production reste faible en comparaison de la capacité. Comment vous l'expliquez ?

Il faut savoir que la pêche thonière longline est une pratique très jeune ici. Elle n'a qu'une vingtaine d'années à peine en Polynésie française: il n'y a pas d'historique, pas d'antériorité pour pouvoir comparer les tonnages produits.

L'objectif est de doubler ou plus le tonnage produit. De votre côté vous pensez à quoi : un bateau en plus, deux ? Que projetez-vous ?

Il y a néanmoins un potentiel de poissons sauvages qui risque de diminuer. Les flottilles étrangères augmentent avec le besoin de nourrir la population mondiale qui ne cesse d'augmenter aussi. Dans les années qui viennent tout augmente, sauf la ressource en poissons qui va diminuer. On risque de voir se déplacer les professionnels de l'océan Indien jusque dans le Pacifique. Ici ce qui est intéressant, c'est de développer le frais qui apporte une bonne valeur ajoutée. En Polynésie française, on travaille comme dans un aquarium avec une zone suffisamment étendue, un territoire qui fait une sorte de DCP (dispositif de concentration de poissons NDLR) en soi.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 26 Avril 2016 à 18:02 | Lu 2567 fois