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Pas de civières médicalisées dans les nouveaux avions d'ATN


Un patient évasané par un vol ATN en 2009. (Europ Assistance Océanie)
Un patient évasané par un vol ATN en 2009. (Europ Assistance Océanie)
PAPEETE, le 5 mai 2019 - Depuis mars et la réception de deux nouveaux avions Boeing 787-9 par Air Tahiti Nui, les évacuations sanitaires vers la France sont devenues plus compliquées. Faute de la certification adéquate, les Dreamliner ne peuvent pas embarquer de civières. Un problème qui doit être résolu d'ici septembre. En attendant, les malades les plus gravement touchés sont envoyés en Nouvelle-Zélande.

Air Tahiti Nui est en train de changer sa flotte d'avions. Exit les Airbus et bienvenue au "Tahitian Dreamliner", des Boeing 787-9 modernes et économes. Mais la transitions pose des problèmes qui ont été mal anticipés... En particulier pour les évacuations sanitaires (évasans).
 
En effet, depuis mars il n'est plus possible de réaliser une évasan en civière vers Paris. Air Tahiti Nui était la seule compagnie capable de fournir ce service sur ses anciens Airbus. Depuis que ces avions ont été remplacés par les nouveaux Boeing, les civières ne peuvent être envoyées qu'en Nouvelle-Zélande, toujours desservie par les Airbus d'ATN. Il s'agit en général de brulés graves, d'urgences cardiaques ou de patients inconscients. Sauf que ces avions seront remplacés eux-aussi en septembre, date à laquelle ATN aura une flotte 100% Boeing.
 
Mais si plus de 300 Dreamliner volent dans le monde, personne n'avait encore demandé la certification de l'aviation civile européenne pour le transport de civières avec de grandes quantités d'oxygène. Bref, le nécessaire pour envoyer un patient en lit médicalisé de Papeete à Paris. C'est donc à Air Tahiti Nui de faire ces démarches.

La certification doit être obtenue avant septembre

La compagnie aérienne assure avoir essayé d'anticiper le problème, mais il a fallu "attendre que tous les acteurs de ce dossier, comme la CPS et les prestataires locaux, nous envoient les éléments pour faire le cahier des charges qui est très complexe. Ca a pris du temps. Au final la procédure a pris du retard et nous n'avons pas pu obtenir l'accréditation avant l'arrivée de nos premiers Dreamliner en mars", explique-t-on au service technique d'ATN.
 
Mais la procédure est enclenchée : "Il n'y a pas de problème de certification, il y a un délai de certification, qui est de trois à neuf mois après le dépôt d'un dossier complet, selon la complexité. La procédure est en cours et on devrait pouvoir faire ces évasans médicalisées en civière au cours de cet été. Il y a plusieurs étapes. Pour les civières seules ce sera début juillet et pour les civières avec oxygène ce sera à partir de septembre. La compagnie fait le maximum pour réduire ce délai. La difficulté relève du fait que sur le 787 nous sommes les premiers à demander cette certification sur les quantités d'oxygène nécessaires pour les deux longs vols jusqu'à Paris."
 
En attendant, les civières sont donc envoyées en Nouvelle-Zélande, soit par ATN, soit par Air New Zealand. "ANZ a la possibilité de transporter nos malades avec civière et oxygène, mais comme tout est mis en place à Auckland, il faut les prévenir 24 à 36 heures à l’avance", explique le docteur François Delcroix, directeur de Europ Assistance Océanie, l'entreprise délégataire de service public pour les évacuations sanitaires internationales pour la CPS. Pour les cas les plus urgents, en particulier les grands brulés, c'est donc Air Tahiti Nui qui reste la seule option.

Tout est prêt, mais il faut avoir la certification avant septembre

Un patient évasané par un vol ATN en 2015. (Europ Assistance Océanie)
Un patient évasané par un vol ATN en 2015. (Europ Assistance Océanie)
Michel Monvoisin, président d'ATN, confirme que tout est prêt du côté de la compagnie au Tiare. "Pour le Boeing on a commandé le kit complet, civière, oxygène, on a déjà tout ce qu'il faut au niveau technique. Mais on a besoin d'une certification parce qu'on est les premiers utilisateurs européens de Dreamliner à avoir ce besoin, et pour les avions, même pour rajouter un autocollant il faut une certification."
 
La fédération A Tauturu Iana, qui s'occupe des évasanés polynésiens, affirme qu'à sa connaissance ce problème n'a pour l'instant impacté aucun patient, ce que confirment ATN et Europ Assistance. Une bonne nouvelle donc. A l'hôpital du Taaone, on est cependant assez inquièt pour septembre : "les évasans couchées, donc les plus grosses évasans, ce sont les patients en plus mauvaise santé, des personnes en grande détresse cardiaque ou les très grands brulés, qui partent systématiquement en Nouvelle-Zélande avec oxygène. Ils ont besoin de cette évasans pour survivre. On envoie aussi des patients tétraplégiques en évasan couchée, mais ceux-là on peut les faire voyager en business ou en première classe dans certains cas, avec les sièges complètements allongés. Il faut bien comprendre qu'on n'envoie pas les patients en civière pour le plaisir de les envoyer allonger, on sait combien ça coute et la difficulté de l'organisation. Ceux qui partent allongé c'est quand on n'a pas le choix, notamment les patients inconscients, donc il faut que nous ayons des solutions en septembre quand ATN remplacera ses derniers Airbus."

Selon nos informations, le nouveau Dreamliner a également connu quelques soucis avec le cas d'un patient évasané, voyageant dans un siège "normal" mais avec des appareils d'assistance médicale. Le branchement de ses appareils sur la prise électrique du Dreamliner a en effet provoqué une coupure de l'alimentation. Explication d'Air Tahiti Nui : une des différences entre les Airbus et les nouveaux Boeing est que le Dreamliner a une gestion intelligente de tous les systèmes de bord. Le service technique d'ATN explique que "la difficulté est que les médecins se branchent sur les prises évasan de l'avion avec beaucoup d'équipements, et dans un cas récent on est arrivé à la limite admissible par le système. C'est comme à la maison, quand on branche trop de choses sur une seule prise, ça la met en défaut. Là le système l'a coupée, ce qui évite une surconsommation et des problèmes techniques. Ça n'a heureusement pas eu de conséquences pour le patient." Pour résoudre ce problème dans le futur, la compagnie va mieux se coordonner avec les accompagnateurs médicaux des patients : "c'est une collaboration, on va se rencontrer cette semaine avec les prestataires pour tout mettre au point."

Les EVASAN en chiffres

Selon la CPS, en 2018 il y a eu 725 EVASAN, dont :
- 446 vers la France 
- 279 en Nouvelle-Zélande.
Selon Europ Assistance océanie, 30% de ces EVASAN étaient médicalisées, et 30 patients ont nécessité une civière.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Dimanche 5 Mai 2019 à 15:49 | Lu 8263 fois