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Pakistan : l'ex-président Musharraf condamné à mort par contumace pour "haute trahison"


Islamabad, Pakistan | AFP | mardi 17/12/2019 - L'ex-président et général Pervez Musharraf, en exil à Dubaï, a été condamné à mort par contumace mardi pour "haute trahison", un verdict villipendé par la puissante armée pakistanaise, qui a dénoncé un déni de justice.

La condamnation de ce personnage central de l'histoire récente du Pakistan a trait "à la décision qu'il a prise le 3 novembre 2007", soit l'instauration de l'état d'urgence dans le pays, a déclaré à l'AFP son avocat, Akhtar Shah. L'ex-président "n'a rien fait de mal", a-t-il souligné.
Pervez Musharraf, qui a atteint les sommets de la hiérarchie militaire et "s'est battu dans des guerres pour la défense du pays", "ne peut assurément jamais être un traître", a critiqué l'armée dans un communiqué faisant état de "beaucoup d'angoisse et de douleur" dans ses rangs après le verdict.
"La procédure juridique régulière semble avoir été ignorée", a-t-elle poursuivi, pointant notamment "le déni du droit fondamental à la défense" du général et une affaire conduite selon elle "dans la précipitation".
Pervez Musharraf  avait invoqué la défense de l'unité nationale face au terrorisme islamiste et l'opposition de la Cour suprême, qui devait se prononcer sur la légalité de sa réélection un mois plus tôt, pour suspendre la Constitution.
Cette mesure très impopulaire, levée en décembre 2007, avait fini par causer sa chute moins d'un an plus tard.
"Il avait l'immunité. Il était le chef d'état-major, il était le président du Pakistan et le commandant suprême des forces armées", a observé mardi son avocat Akhtar Shah.
Début décembre, une vidéo avait circulé montrant Pervez Musharraf dans un lit d'hôpital, où il se plaignait de "vertiges" et racontait s'être "évanoui". "Cette affaire est sans fondement", avait-il lancé d'une voix faible. "J'espère obtenir justice".
Talat Masood, un général en retraite et analyste sécuritaire, a qualifié le verdict d'"extraordinaire" dans un Pakistan gouverné par l'armée près de la moitié de ses 72 ans d'existence. Cette décision aura "un grand impact sur l'évolution démocratique du Pakistan".
L'ONG Amnesty international a qualifié d'"encourageant" le fait que le Pakistan "en finisse avec une histoire d'impunité pour les puissants généraux", tout en rappelant son opposition à la peine capitale.
 

- Mainmise "dictatoriale" -

 
Aujourd'hui âgé de 76 ans, M. Musharraf était parvenu au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang en octobre 1999, puis s'était autoproclamé président en juin 2001, avant de remporter en avril 2002 un référendum controversé. Il était resté à la tête du Pakistan jusqu'en 2008.
Sous le règne de ce stratège connu pour son franc-parler, admirateur de Napoléon Bonaparte et amateur de cigares, le Pakistan avait vu sa croissance économique décoller, sa classe moyenne se développer, les médias se libéraliser et l'armée jouer la carte de l'apaisement face à l'Inde rivale.
Mais ses opposants n'ont eu de cesse de dénoncer sa mainmise "dictatoriale" sur le pouvoir, le renvoi "illégal" de juges de la Cour suprême qui s'opposaient à lui ou l'assaut sanglant contre des islamistes lourdement armés réfugiés dans la mosquée Rouge d'Islamabad à l'été 2007.
En août 2008, au sommet de son impopularité et face à la pression croissante de l'opposition et de la justice, ce nationaliste avait démissionné, pour ensuite amorcer un luxueux exil volontaire entre Londres et Dubaï.
Rentré en mars 2013 au Pakistan afin de participer aux élections, ses ambitions politiques avaient été brisées par de multiples poursuites judiciaires.
Il avait à nouveau quitté le pays en mars 2016 pour des soins médicaux à Dubaï en promettant de revenir ensuite affronter ses juges. 
En août 2017, la justice pakistanaise l'a déclaré "fugitif" dans le procès du meurtre de Benazir Bhutto, sa rivale politique, pour lequel il demeure le seul suspect.
Mme Bhutto, deux fois élue Premier ministre du Pakistan, et première femme de l'ère contemporaine à avoir dirigé un pays musulman, avait été assassinée dans un attentat-suicide à Rawalpindi le 27 décembre 2007.
"La démocratie est la meilleure revanche", a tweeté mardi son fils Bilawal Bhutto Zardari, qui dirige le Parti du peuple pakistanais (PPP - opposition) en réaction au jugement..

le Mardi 17 Décembre 2019 à 05:23 | Lu 287 fois