Tahiti Infos

Ouverture du procès de la filière jihadiste de Cannes-Torcy aux assises de Paris


Paris, France | AFP | jeudi 20/04/2017 - Attentat contre une épicerie casher en 2012, projets d'attaques contre des militaires et départs en Syrie : le procès de vingt hommes, suspectés d'appartenir à la filière jihadiste dite de Cannes-Torcy, s'est ouvert jeudi matin devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Trois ans avant les attentats parisiens de 2015, cette cellule avait été décrite par les services antiterroristes comme la plus dangereuse démantelée en France depuis les attaques du GIA algérien dans les années 1990. Une filière qui annonce les mutations du terrorisme français vers le crime de masse, au nom d'un jihad inspiré, voire téléguidé, de l'étranger.
Son procès s'ouvre dans le contexte d'une actualité brûlante, alors qu'un nouvel attentat jihadiste vient d'être déjoué, à quelques jours d'une présidentielle qui se tient pour la première fois sous le régime de l'état d'urgence.
"Ce procès a une forte dimension pédagogique parce que les attentats qui sont survenus en 2015 étaient déjà écrits. On va comprendre les modes opératoires, les obsessions", a déclaré à la presse Stéphane Gicquel, secrétaire général de la fédération nationale des victimes d'attentats (Fenvac), une des parties civiles au procès.
Pour Joseph Breham, avocat d'un accusé, "ce n'est pas du tout un réseau, c'est une bande de potes, une bande de vieilles connaissances dont certains ont déconné".
Vingt hommes, âgés de 23 à 33 ans, originaires de Torcy (Seine-et-Marne) et Cannes (Alpes-Maritimes), sont poursuivis devant la cour d'assises spéciale, chargée de juger les crimes terroristes et composée de magistrats professionnels: dix sont en détention provisoire, sept sont libres sous contrôle judiciaire et trois sont recherchés - un en fuite et deux soupçonnées d'être en Syrie.
Dans le box, certains sourient, heureux de revoir leurs copains. D'autres sont concentrés, les traits tirés. La plupart d'entre eux encourent entre 30 ans de réclusion et la perpétuité.
 

- 'Un groupe radicalisé' -

 
Ils sont amis d'enfance ou ont fréquenté les mêmes mosquées, fédérés autour de Jérémie Louis-Sidney, un délinquant et un "fanatique" selon ses proches, qui sera abattu lors de son interpellation. Leurs moteurs: l'antisémitisme et une radicalisation souvent rapide, cristallisée lors d'un séjour dans le Sud "entre frères" durant l'été 2012.
Cinquante-trois jours d'audience sont prévus, jusqu'au 7 juillet, pour comprendre la genèse et le fonctionnement du groupe, dont certains membres, encore fascinés par le jihadiste toulousain Mohamed Merah, se préparaient à des actions ciblées en France mais aussi au jihad en Syrie.
Un procès fleuve - 85 tomes de procédure, 80 témoins et 14 experts -, le premier d'une longue série avant celui du frère de Mohamed Merah à l'automne et, plus tard, ceux des filières franco-belges des attentats de 2015.
Jeudi, le président de la cour, Philippe Roux, a entamé "une présentation générale de l'accusation" qui devrait occuper toute la journée et compte un récit des faits, un rapide tableau de ce "groupe radicalisé" et un résumé des accusations.
Le seul fait d'armes abouti du groupe a été nourri par la "haine des juifs" que, selon ses proches, Louis-Sidney avait chevillée au corps: le 19 septembre 2012, à Sarcelles, deux hommes, capuches sur la tête, entrent dans l'épicerie casher Naouri et jettent une grenade. L'engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement qu'un client.
Une empreinte sur la cuillère de la grenade permet rapidement de remonter à Louis-Sidney. Dans son entourage apparaît Jérémy Bailly, petit délinquant converti à l'islamisme radical considéré comme "le fidèle lieutenant".
A Torcy, dans un box au nom de Bailly, sont découverts un arsenal et tout le nécessaire pour fabriquer un engin explosif. Bailly reconnaîtra devant le juge que cela devait servir à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes". Accusé d'avoir participé à l'attentat, il nie.
Le 6 octobre 2012, un premier coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de personnes. Les enquêteurs, qui ont saisi armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles, sont convaincus d'avoir démantelé une cellule en plein essor.
Certains "Cannois", dont le Tunisien Maher Oujani, sont arrêtés début juin 2013 alors qu'ils envisagent une attaque imminente contre une caserne dans la Var, tandis que d'autres, de retour de Syrie en 2014, comme Ibrahim Boudina, sont soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat de masse sur la Côte d'Azur.

Rédigé par RB le Jeudi 20 Avril 2017 à 04:57 | Lu 130 fois