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Oscar Temaru et Michel Villar candidats aux sénatoriales


Tahiti, le 24 août 2020 - Le leader indépendantiste, Oscar Temaru, et son conseiller au Tavini, Michel Villar, sont candidats aux prochaines élections sénatoriales. Le président du parti bleu ciel annonce qu'il s'agit d'une "opportunité" pour porter une candidature "d'union" du "peuple mā'ohi" pour l'indépendance, qui vient une nouvelle fois couper l'herbe sous le pied du Amuitahira'a de Gaston Flosse.
 
De l'aveu de plusieurs cadres du Tavini, Oscar Temaru a surpris son monde dimanche en annonçant sa candidature aux prochaines élections sénatoriales lors d'une réunion du parti indépendantiste au Motu Ovini. Deux jours après la déclaration officielle de candidature de Sylviane Terooatea et Nuihau Laurey, soutenus par Gaston Flosse dans sa démarche "d'union" Amuitahira'a, le président du Tavini a décidé lui aussi de se démarquer lors de cette élection. Et ceci alors même qu'il avait annoncé en juillet dernier qu'il ne comptait pas se présenter aux prochaines sénatoriales. "C'est une opportunité pour nous de changer le cours de l'histoire. Il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée", s'est-il expliqué lundi en fin de matinée, lors d'une conférence de presse dans son bureau de la mairie de Faa'a.
 
Un "appel" à Fritch et Flosse
 
Oscar Temaru a détaillé les raisons qui l'ont poussé à prendre cette décision, l'inscrivant dans la continuité de son combat contre les poursuites pénales dans l'affaire Radio Tefana et dans l'affaire de la protection fonctionnelle pour ses frais de défense. "Ce qui se passe aujourd'hui, c'est exactement ce qui s'est passé il y a 60 ans avec l'affaire Pouvana'a", a martelé une nouvelle fois Oscar Temaru, rappelant qu'il s'estimait poursuivi par la justice en Polynésie à la suite de ses prises de position à l'ONU contre l'État français.
 
Mais surtout, le leader du Tavini a expliqué devant les médias qu'il lançait -à travers cette candidature- un appel aux deux autres grandes figures politiques locales, Édouard Fritch et Gaston Flosse, en faveur de l'indépendance de la Polynésie française. La veille, déjà, Oscar Temaru avait rappelé aux membres du Tavini une petite phrase du président du Pays lors de l'inauguration du site de Outuaraea à Faa'a le mois dernier : "Qui est le mā'ohi qui un jour n'aspire pas à son émancipation". Prenant également Gaston Flosse à témoin de son nouvel engagement politique en faveur de l'indépendance, le leader du Tavini propose donc aux deux présidents du Tapura et du Tahoera'a de se rallier à sa démarche d'autodétermination via un referendum mis en place avec l'appui de l'ONU.
 
"Les deux grands chefs de l'autre côté parlent aussi d'indépendance. Je ne sais pas si vous l'avez entendu, mais nous on l'a entendu à Outuaraea. Hina'aro ato'a mātou i te ti'amāra'a. Nous aussi on veut l'indépendance. On l'a aussi entendu à Mataiea. Ça tombe bien ! Nous sommes votre candidat. Parce que nous avons une stratégie de développement économique de notre pays, que eux n'ont pas. Ils ne savent pas comment faire", a déclaré lundi Oscar Temaru. "S'ils disent la vérité, c'est une façon de leur dire : Chiche, allons-y !"
 
Michel Villar "et deux femmes"
 
Présent hier aux côtés d'Oscar Temaru, le second candidat aux sénatoriales sera Michel Villar, le conseiller du Tavini en charge des affaires internationales. Présent dans l'entourage proche du leader indépendantiste depuis plusieurs années et figurant même sur la liste du parti bleu ciel pour les territoriales de 2018, l'homme se présente comme un "compagnon discret du président, depuis que je l'ai accueilli à New York où j'étais en fonction dans les années 70/80". Peu connu du grand public, il se présente lui-même en ces termes : "J'ai été élevé ici. J'ai été fonctionnaire du Pays. J'ai travaillé dans tous les cabinets sous les présidences de Gaston Flosse, de Jacky Teuira, d'Alexandre Léontieff. Maintenant je suis basé à Papara avec ma famille et je suis heureux d'apporter mon soutien plus public au Tavini avec qui j'ai des relations de très longues dates."
 
Pour les suppléances, Oscar Temaru l'affirme : "il y aura deux femmes". Leurs noms seront discutés cette semaine et présentés au traditionnel 'shadow cabinet' du parti samedi prochain à Punaauia. Autre complication, Oscar Temaru ne pourra pas cumuler ses fonctions de maire de Faa'a et de sénateur en cas d'élection. "Il faut que je vois avec le conseil municipal. On verra ça", a balayé le tāvana sans vouloir s'étendre davantage sur la question. De toutes façons, l'a assuré Oscar Temaru, "c'est pas pour le poste de sénateur, alors là non. C'est pour sortir notre pays de cette situation économique".
 
Nouveau coup dur pour Flosse
 
Cette annonce vient en tous cas une nouvelle fois couper l'herbe sous le pied de Gaston Flosse. Le leader du Tahoera'a pensait enfin pouvoir soutenir une candidature d'opposition rassembleuse face aux candidats de la majorité Tapura, dans la droite ligne du Amuitahira'a qu'il appelle de ses vœux depuis plusieurs mois, avec un ticket constitué d'un ex-Tapura, d'une Tahoera'a et même d'une suppléante issue des rangs du Tavini. Mais la candidature d'Oscar Temaru vient faire voler en éclat cette perspective… Michel Villar l'a d'ailleurs bien précisé lors de son intervention de lundi, le "changement de système politique" prôné par le Tavini n'est pas celui de Gaston Flosse : "Le seul qui soit apte, c'est pas l'État associé, c'est l'État souverain."
 

​Michel Villar, conseiller international au Tavini : "C'est une candidature d'ouverture"

"Je suis candidat à la demande du président Temaru. C'est une candidature d'ouverture à la fois culturelle et sociale. On veut incarner une accession à la souveraineté pacifique, culturelle, sur la base de ce qui se fait en Nouvelle-Calédonie. (…) Nous, ce que nous regrettons, c'est que depuis 2013, date de la réinscription sur la liste des pays à décoloniser par l'ONU, rien n'a été fait par l'État français. L'ONU a fait son travail. Mais l'État français a choisi de ne pas réagir et de ne pas déclencher ce processus de décolonisation. C'est ce qu'on appelle la chaise vide. Mais ça ne peut pas durer. Les choses s'enveniment avec cette politique déséquilibrée. Donc, ce que l'on veut, c'est que tous les électeurs se positionnent sur cette plateforme d'ouverture, toutes tendances confondues, et que l'on constate tous ensemble que le système actuel de l'autonomie interne arrive un peu à bout de souffle. On le voit parce que tous les indicateurs sociaux sont allumés au rouge. Et qu'il faut changer de système politique. Et le seul qui soit apte, c'est pas l'État associé, c'est l'État souverain."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 24 Août 2020 à 16:34 | Lu 3909 fois