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OPH : six années consécutives de déficit


Les deux dernières résidences neuves de l'OPH sorties de terre et dont les clés ont été remises aux locataires : en septembre 2013 la résidence Tepapa 3 à Papeete et en décembre 2014 la résidence Teiviroa à Punaauia.
Les deux dernières résidences neuves de l'OPH sorties de terre et dont les clés ont été remises aux locataires : en septembre 2013 la résidence Tepapa 3 à Papeete et en décembre 2014 la résidence Teiviroa à Punaauia.
PAPEETE, le 24 août 2015. Depuis 2009, année après année, chaque exercice financier annuel de l'Office polynésien de l'habitat s'achève inexorablement par un déficit de plusieurs centaines de millions de francs. La seule alternative à ces déficits chroniques pour l'unique bailleur social du pays est de construire massivement de nouveaux logements. Mais, pour revenir à l'équilibre il faudra patienter au moins quatre à cinq ans.

Les chiffres ont parfois la dent dure et présentent les situations de manière la plus abrupte. Mais ils sont révélateurs aussi. Prenons le cas de l'OPH. Cet établissement public industriel et commercial (Epic) du Pays a publié il y a quelques jours au Journal officiel le résultat de son exercice financier 2014. Et c'est encore un déficit affiché de 147,3 millions de Fcfp. En dépit de cette grosse somme en négatif, c'est presque un bon résultat pour l'Office polynésien de l'habitat. Car c'est le déficit le moins important de l'office au cours de ces six dernières années ! (voir tableau ci-dessous).

Comment peut-on expliquer une telle situation financière catastrophique déjà dénoncée officiellement par la Chambre territoriale des comptes (CTC) dans un rapport publié en décembre 2012 ? A l'instar de ce qui se passe dans d'autres structures du Pays, l'instabilité politique a eu des conséquences pesantes sur cet établissement public : au cours de ces six dernières années toutes déficitaires, l'OPH a connu, comme têtes pensantes, une dizaine de directeurs différents et autant de ministres de tutelle ! Difficile dans ces conditions d'établir un cap unique et d'établir une programmation de construction de logements sociaux.

Or sans construction nouvelle en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la population polynésienne, l'OPH n'a pas, non plus, de ressources à engranger dans ses caisses. C'est de la rémunération de son activité de maître d'ouvrage que l'OPH tire la plus grande partie de ses recettes. Et les programmes de construction sont poussifs depuis plusieurs années. L'an dernier, l'OPH a péniblement livré 37 nouveaux logements, il en prévoit cette année 124 selon les déclarations du ministre du logement Tearii Alpha sur le plateau de Polynésie 1re dimanche soir.

UN BESOIN DE 600 LOGEMENTS NEUFS

Ce qui sera encore largement insuffisant pour assurer un compte équilibré à l'office quand on y ajoute ses recettes de la gestion locative estimées potentiellement à 900 millions de Fcfp/an en quittances émises mais dont 80% seulement sont effectivement recouvrées. Les analyses financières ont été effectuées, il faudrait que l'OPH ait un parc immobilier de 3200 logements au moins pour être plus à l'aise. Or, il atteint péniblement les 2680 logements actuellement, dont les deux tiers sont des logements du "parc ancien", -construit avant 2000- avec des loyers fixes de 18 310 Fcfp quelle que soit la superficie et les ressources de l'occupant. Avec ces loyers fixes qui n'ont pas été réévalués depuis 1992, le parc ancien fait perdre chaque année de l'argent à l'OPH. Là aussi, pour contrer une exploitation biaisée dès le départ, il faudrait donc que l'office puisse rajeunir son parc immobilier pour pratiquer enfin des loyers d'équilibre pour son exploitation.

Sur les 600 logements nécessaires à l'OPH pour arriver à cette situation d'équilibre, 343 très précisément seraient actuellement en cours de construction ou presque. Les études sont lancées ou terminées et même inscrites au Contrat de projets Etat/Pays. Jeudi dernier, un total de 3,3 milliards de Fcfp d'investissement ont été validés au cours du comité de pilotage pour la fin de l'année 2015 confirmant la construction de 80 logements groupés à Tahiti et une centaine de fare en habitat dispersé dans les îles. Au total, l'OPH prévoit même la construction de 400 fare en kit pour la période 2016-2017. Du jamais vu depuis longtemps. Avec une programmation établie pour les prochaines années, les financements garantis avec le soutien de l'Etat, l'OPH devrait enfin pouvoir bénéficier d'une plus saine gestion et sortir peu à peu de la spirale des déficits chroniques. Si tout se passe comme prévu, les comptes du bailleur social du pays pourraient enfin s'équilibrer d'ici quatre à cinq ans.



Ces chiffres sont issus des comptes financiers annuels de l'OPH publiés dans le Journal Officiel de Polynésie ou dans les rapports annuels des résultats financiers de l'établissement, disponibles sur le site Internet de l'assemblée de Polynésie.
Ces chiffres sont issus des comptes financiers annuels de l'OPH publiés dans le Journal Officiel de Polynésie ou dans les rapports annuels des résultats financiers de l'établissement, disponibles sur le site Internet de l'assemblée de Polynésie.

Remise de clés d'un fare OPH à une famille bénéficiaire par le président Edouard Fritch en décembre dernier.
Remise de clés d'un fare OPH à une famille bénéficiaire par le président Edouard Fritch en décembre dernier.
Fare en kit : la nouvelle donne

En matière de politique de logement social, la Polynésie a eu au moins une bonne idée. Pour des familles qui sont déjà propriétaires d'une parcelle de terrain les fare en kit de l'OPH sont une solution facile et peu onéreuse pour disposer en peu de temps de sa maison principale. A Tahiti et Moorea, l'OPH a su mettre en œuvre cette politique originale sans problème. Dans les îles, en revanche, cette solution très personnalisée s'est souvent heurtée à l'éloignement et au coût du fret.

Néanmoins, dans le cadre du Contrat de projets Etat/Pays le déploiement des fare en accession à la propriété aux familles aux revenus modestes dans les îles a été relancé. La formule est avantageuse : pour un fare tout équipé et livré avec une citerne dans les Tuamotu il faut compter un budget d'environ 10 millions de Fcfp, mais les familles les plus modestes ne débourseront au final que 2% de ce prix pour devenir propriétaire de leur maison via un système de location-vente.

La nouveauté désormais, c'est que dans quatre îles (notamment Puka Puka et Manihi, les deux autres restent à définir) ces fare en kit vont être déployés sur des terrains domaniaux, jusque là inutilisés.
Dans chacune de ces quatre îles, le Pays va rechercher une quinzaine de parcelles dont il est propriétaire pour y implanter des lotissements viabilisés mettant à la vente non seulement le fare en kit mais aussi la parcelle de terrain (entre 500 et 800 m2 en moyenne) pour les familles qui souhaitent devenir propriétaire et qui n'ont pas de terrain immédiatement disponible (en raison de problèmes d'indivision par exemple). Les familles les plus modestes paieront 15% seulement du prix du terrain et 2% du prix de la construction.


En janvier dernier le gouvernement a validé des mesures pour faciliter l'attribution de fare en kit en réduisant les coefficients multiplicateurs et donc l'apport personnel nécessaire. Ces apports sont fixés entre 2% et 35% du total, selon le revenu des familles ( ils étaient au préalable fixés entre 5% à 55% de la valeur de la maison). Cette année, deux programmations de fare en kit avaient été inscrites au budget du Pays pour 400 fare au total, 250 devraient finalement véritablement sortir de terre d'ici la fin de l'année.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 24 Août 2015 à 18:14 | Lu 1504 fois