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Nuihau Laurey : "On est sur le chemin de la croissance"


Nuihau Laurey : "On est sur le chemin de la croissance"
PAPEETE, jeudi 8 août 2013 - Le plan de redressement de la Polynésie française aborde une fin d’année 2013 aux allures décisives : libération ou pas de l’avance de trésorerie de 6 milliards demandée à l’Etat pour septembre, signature ou pas du Pacte de croissance en octobre, nouvelle évaluation Standard&Poors en novembre souhaitée BBB-, dans un contexte où le Pays entend voir les premiers effets vertueux de sa politique sur l’économie polynésienne dès 2014. Un point de situation avec le vice-présdent Nuihau Laurey, ministre en charge de l’Economie des Finances et du Budget. Interview.

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On parle du plan de redressement de la Polynésie française : quels sont les enjeux de la fin 2013 ?

Nuihau Laurey : Nous sommes dans une phase de transition, de reconversion de notre économie. La première étape nécessaire est celle que l’on a franchie avec la réforme fiscale. Elle nous permet de retrouver les ressources financières dont on manquait. Il s’agit de rembourser nos dettes, payer nos fournisseurs, payer les communes, assumer nos engagements et au passage d’éviter la faillite du Pays et sa mise sous tutelle.
La deuxième étape concerne la construction de la relance économique. Cela se fera dans les semaines qui viennent notamment à travers deux mesures.
D’abord avec une loi sur la concurrence (…) avec la création d’une autorité de régulation. Ce texte est attendu depuis des années ; on le proposera avant la fin du mois. Il s’agit de stimuler l’initiative privée en donnant les mêmes chances de se développer à tout le monde, dans tous les secteurs d’activité. Clairement, on est sur le chemin de la croissance : il nous fallait retrouver la ressource financière, éviter la faillite du Pays ; on doit maintenant stimuler l’initiative privée.
Parallèlement, à très court terme, nous demandons l’intervention de l’Etat par une avance de trésorerie de 6 milliards, pour payer rapidement les fournisseurs, les communes, rembourser nos emprunts. C’est de l’argent qui est destiné à aller dans le circuit économique et alléger la charge des entreprises.


Une nouvelle évaluation Standard & Poors est attendue pour novembre. Pour l’instant, la note BB+ est maintenue, quel est l’espoir d’amélioration ?

N.L : Les commentaires faits en marge de la dernière évaluation S&P sont déjà très positifs. Pour le Pays l’enjeu d’une évaluation améliorée, dans un contexte où nous recherchons des partenaires financiers, est fondamental : nous donne-t-on où non de la crédibilité ? (…) Nous avons pu constater à Paris que tous nos interlocuteurs ont été rassurés par l’adoption de la réforme fiscale. (…) Nous ne sommes pas allés là-bas dans une logique de main tendue, mais pour redonner confiance à nos partenaires financiers dans l’action menée par le gouvernement. De ce point de vue, la notation S&P nous donne de la crédibilité : une meilleure note veut dire des taux d’intérêts plus bas, donc moins de dépenses pour le Pays. C’est ça l’enjeu concrètement.
Actuellement on est évalué BB+ ce qui nous place dans la catégorie spéculative. On souhaite accéder à la catégorie juste au-dessus, celle des investissements classiques : BBB-.


L’enjeu, est-ce aussi le marché obligataire ?

N.L : Oui, car il donne accès à des taux d’intérêts plus bas mais aussi, en termes d’appels de fonds, à un volume disponible 5 à 10 fois plus important. Les compagnies d’assurances, les fonds de pension, ne placent pas leur argent dans du spéculatif. (…) Le Pays doit sortir d’une spirale de financement à courts termes et accéder à des programmes pluriannuels – 3 ans, 4 ans, 5 ans. Nous devons avoir la certitude de financer nos investissements sur toute une mandature, aux taux les meilleurs, c'est-à-dire au taux du marché. Et surtout, en termes de flexibilité être en capacité de mobiliser des fonds au besoin, avec une optimisation dans la gestion de la dette : on ne mobilise pas, on ne paye pas d’intérêt.

De quel volant financier le Pays souhaiterait-il disposer sur la mandature ?

N.L : Compte tenu de notre volonté de relancer la commande publique, il me semble que, sur les deux-trois exercices qui viennent, 15 milliards de financements disponibles chaque année est raisonnable.
Il faut considérer aussi que, compte tenu de la réforme fiscale le Pays dispose de financements supplémentaires. Deuxième chose, les grands projets comme le Mahana Beach, Ainapare en centre-ville et le projet de Mamao, sont des partenariats public-privé.


Une note qui n’évoluerait pas en novembre hypothèquerait-elle tous ces espoirs ?

N.L : Non, mais elle nous amènerait à supporter un coût de l’endettement plus élevé. Et en termes de crédibilité, pour nous ce serait un signe négatif indiquant que le marché ne considère pas que nos actions vont dans le bon sens. Mais lorsqu’on lit les commentaires de Standard&Poors c’est exactement le contraire : ils parlent d’amélioration structurelle de notre situation financière, de notre situation de trésorerie… Concrètement, ils attendent deux choses : que le fonds d’investissement et de garantie de la dette soit effectivement mis en place et alimenté par les versements de l’OPT – ce sera fait sur le plan juridique au mois d’août et la trésorerie sera libérée en septembre – ; d’autre part que l’Etat nous accorde l'avance de trésorerie que nous sollicitons.
Tout cela va solutionner notre situation à court terme, la garantir à moyen terme et probablement conduire Standard&Poors à émettre une appréciation plus optimiste de notre situation.


Concernant le Pacte de croissance, l’annonce a été faite qu’il serait signé lors de la visite du ministre des Outre-mer en octobre. Qu’attend-t-on de ce document ?

N.L : Oui, avant la fin de l’année. C’est l’engagement pris par le ministre des Outre-mer. Ce document incarne le partenariat rénové avec l’Etat pour les 5 prochaines années. Chacun des partenaires prend ses engagements pour favoriser notre développement futur. Là aussi, il est utile pour le Pays de montrer à l’Etat – notre partenaire central dans le développement économique – que la Polynésie est réellement en capacité de se prendre en charge. Il s’agit d’un partenariat construit pour les 5 ans à venir et dans lequel chaque partenaire s’engage à faire des efforts dans une optique partagée de développement.

Aujourd’hui, quel est le niveau d’endettement de la Polynésie française ?

N.L : Nous avons une dette d’à peu près 90 milliards qui rapportée au PIB (430 à 450 milliards, ndlr) reste raisonnable. Le problème se situe plutôt au niveau de notre capacité de remboursement. Nous avons perdu 23 milliards de recettes et nous devons rembourser 13 milliards en capital. La réforme fiscale a été mise en place pour nous permettre de retrouver notre capacité de remboursement. C’est l’élément central de notre redressement et je tiens à remercier tous les Polynésiens, les chefs d’entreprise, les syndicats de salariés, les syndicats patronaux, qui ont été mesurés, responsables, raisonnables, qui ont bien compris cette nécessité et qui font cet effort et qui ont confiance dans l’action menée par le Pays. La dernière publication de l’IEOM sur l’indice de confiance des chefs d’entreprise polynésiens mesure le plus haut niveau depuis 6 ans.

Justement, pour continuer avec cette notion de confiance, on parle de 400 milliards d’épargne en Polynésie, le Pays a-t-il une stratégie pour libérer cette liquidité ?

N.L : Cela montre bien qu’il y a de la richesse en Polynésie. Ces 10 dernières années, beaucoup d’épargnants ont choisi d’investir à l’extérieur. Mais on le voit au travers de ce chiffre, il y a encore beaucoup de richesses en Polynésie. Toute l’action du gouvernement consiste à redonner confiance aux citoyens, à les amener à consommer, à investir en Polynésie, à construire, à ouvrir de nouveaux business, à essayer de devenir plus prospères dans notre pays.
C’est le sens de l’action du gouvernement. Il s’est d’abord agi d’éviter la faillite du Pays, c’est fait. Ensuite, mettre en place un cadre qui donne de la transparence à l’activité économique. Ce sera proposé avant la fin du mois. Troisièmement, courant septembre-octobre, une vraie politique de relance économique sectorielle. Ce sera fait. Il faut donner confiance aux ménages, aux épargnants, aux chefs d’entreprise. Cette confiance revient. Elle se mérite aussi. Jusqu’à présent nous avons tenu nos engagements. On va continuer à mettre en place tous les éléments d’une croissance durable pour l’économie polynésienne.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 8 Août 2013 à 13:31 | Lu 2909 fois