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Malika, la main verte de Fakarava


TAHITI, le 14 octobre 2020 - Le projet, qu’elle porte avec son mari, Alexis, est remarquable… et remarqué. Malika Dexter cultive des légumes et des fruits sur… l’atoll de Fakarava ! Elle vient de remporter un prix de l’Adie et a été lauréate du concours national Initiative Remarquable.

De passage à Tahiti pour recevoir un prix, Malika Dexter a prix le temps de raconter son histoire. Aujourd’hui, elle s’occupe d’un fa’a’apu à Fakarava avec son mari. Un exploit sachant toutes les contraintes liées à la structure même d’un atoll.

"J’ai 27 ans, je suis mère de trois enfants et j’ai quitté l’école après mon bac en 2011. Je devais poursuivre avec un BTS au lycée hôtelier mais j’ai eu la réponse trop tard. Je l’ai reçue le jour où je devais prendre l’avion pour m’installer à Tahiti."

Malika Dexter est donc restée sur son atoll où elle a enchaîné les petits boulots, notamment dans le tourisme. Elle a été hôtesse d’accueil, offrant des fleurs aux visiteurs, elle a passé quelques mois à la mairie en tant que Contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), a été serveuse de nuit et le week-end avant d’accepter un CDI dans un hôtel.

Son mari, Alexis Dexter, dont le père a longtemps travaillé au Service du développement rural (SDR), a fait germer une idée : se lancer dans le fa’a’apu. "On a cherché un terrain mais aussi des personnes à qui emprunter de l’argent."

Le couple a monté un dossier qu’il a envoyé à l’Adie (voir encadré) en 2018. Il a reçu une réponse favorable, ce qui lui a permis d’acheter du matériel. Il a pris contact avec la Sofidep et Initiative Polynésie française (voir encadré) pour aller plus loin. "En attendant, ma belle-mère nous avait donné un terrain de un hectare dont on a commencé à s’occuper."

"Il a fallu tout tamiser"

Les sols d’un atoll se développent sur des débris coralliens et coquillés. Ils sont plus ou moins enrichis de matière organique. "Le sol ressemblait a de la brousse, c'était très caillouteux sur la parcelle, il y avait plein de calcaire et un peu de terre entre les cailloux.

Mais "il a fallu tout tamiser." Le couple y a passé des heures. Il a tout nettoyé en décembre 2018. "Ça a été ça notre jour de l’an", rapporte Malika Dexter. "Les autres regardaient mon mari dans sa tenue de combat en préparant la fête." Mais Alexis n’avait "que ça dans la tête".

La terre, tamisée, a été disposée sur une surface en béton pour la protéger, elle a été enrichie en déchets organiques pour pouvoir accueillir les graines et semis : salade, pota, aubergine, concombre, poivron, pitaya, pamplemousse, papaye, citron…

Du radis, des tomates et des navets ont été ajoutés ensuite et ont, eux aussi, bien poussé, contrairement à la carotte par exemple qui n’a jamais donné. Depuis, ils vendent leurs produits sur le bord de la route à Fakarava et en font profiter, parfois, les habitants de Niau, Faaite, Anaa, Apataki et Aratika.

Malika et Alexis Dexter on fait, en plus, une demande à la Direction des affaires foncières pour pouvoir exploiter deux hectares supplémentaires qu’ils viennent tout juste de préparer. Ils ont par ailleurs, reçu des réponses positives à toutes leurs demandes. Ils ont pu s’équiper d’une voiture ce qui leur permet de faire des livraisons, de transporter du matériel.

Leurs fruits et leurs légumes ne sont pas certifiés bio. "Mais", promet Malika Dexter, "nous n’utilisons aucun produit chimique, seulement du vinaigre de bois".

Seuls lauréats ultramarins

Initiative France (voir encadré Initiative Polynésie française) a enrichi son programme Initiative Remarquable cette année avec le lancement du "Label Initiative Remarquable" et d’une série d’appels à projet et de prix thématiques.

Le réseau veut soutenir 1 200 nouveaux entrepreneurs "Initiative Remarquable" d'ici fin 2022. Sont encouragés les entrepreneurs qui allient efficacité économique et engagement en matière sociétale, environnementale et territoriale. Ces entrepreneurs devraient se constituer en communauté.

Organisé dans le cadre du programme Initiative Remarquable, un premier appel à projets intitulé "Se nourrir demain" a été lancé. Quatre-vingt neuf entrepreneurs ont candidaté, dont Malika et Alexis Dexter ! Tous s’engageant pour une alimentation responsable.

Le couple de Fakarava a été retenu pour participer à la finale avec 11 autres entrepreneurs. "Nous n’avons pas été lauréats", annonce Malika Dexter. Quatre ont été récompensés, "mais nous étions les seuls à représenter les Outre-mer parmi les finalistes", se réjouit-elle.

"Je travaille la terre de mes ancêtres, je suis fière et heureuse. Je suis avec mon mari, j’ai du temps pour mes enfants. Je serai encore plus fière si un jour ils nous suivaient." En attendant, elle espère pouvoir continuer à s’agrandir. La demande est forte, elle reste plus grande que l’offre.

Malika remporte le prix Jeunes de l’Adie

Le 6 octobre dernier, Malika Dexter a reçu 120 000 Fcfp au titre du prix jeunes de l’Adie.

L’Adie est une association française présente sur tout le territoire. Cette association est convaincue que chacun, même sans capital, même sans diplôme, peut devenir entrepreneur s’il a accès au crédit et à un accompagnement professionnel, personnalisé, fondé sur la confiance, la solidarité et la responsabilité. Aussi, l’Adie finance tout type d’activité professionnelle (jusqu’à 1 200 000 Fcfp), apporte un suivi personnalisé et gratuit, lutte contre les freins et les stéréotypes.

Les financements sont proposés quel que soit le métier (restaurateur, coiffeur, designer, agent de voyage, chauffeur, développeur de jeux vidéos, photographe, maraîcher, sophrologue, peintre, gérant d’épicerie, éleveur de lamas…) sur tout le territoire français, métropolitain et ultramarin et quel que soit le statut du porteur de projet (en recherche d’emploi, salarié, micro-entrepreneur, en SARL…).



Initiative Polynésie française : 80 projets accompagnés !

Créée en avril 2017 avec le soutien du Pays et de la Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers (CCISM), l'association Initiative Polynésie française est membre du Réseau Initiative France qui regroupe 220 plateformes.

Le réseau soutient l’initiative entrepreneuriale par le biais de prêts d’honneur mais aussi en développant les synergies et partenariats entre les différents acteurs économiques, en proposant un accompagnement des entrepreneurs financés par l’équipe grâce à un réseau de bénévoles et en mettant en place un parrainage du jeune créateur par un bénévole (partage d’expérience, de compétences et d’un réseau professionnel).

L’association avait accompagné, à la fin de l'année dernière, près de 80 projets répartis sur tout le territoire de la Polynésie française.

Les prêts d’honneur vont de 500 000 Fcfp à 2 500 000 Fcfp, remboursables sur une durée de 2 à 5 ans.
Depuis le 3e trimestre 2020, il existe un prêt d’honneur agriculture, un prêt d’honneur industrie et un prêt d’honneur développement.



Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 14 Octobre 2020 à 18:13 | Lu 19195 fois