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Mahina Tata, la voie du bambou


Mahina Tata, la voie du bambou
Nuku Hiva, le 2 août 2022 - Après de nombreuses années passées dans plusieurs îles de Polynésie, Mahina Tata est de retour sur son île en vue de partager avec ceux qui le souhaitent son expérience, sa passion et son savoir-faire en matière de tressage de bambou.
 
À 63 ans, Mahina Tata est l’un des artistes les plus fameux de l’archipel marquisien. Son domaine c’est le tressage du bambou. Un savoir-faire qu’il a découvert tout petit au côté de son père, dans la vallée de Taipivai à Nuku Hiva dont il est originaire.
C’est à l’âge de 9 ans que Mahina a réalisé seul son premier panneau de bambou tressé. Un travail qui, bien que basique à l’époque, l’a rendu fier et qui par-dessus tout a confirmé au jeune garçon qu’il était, sa voie professionnelle.
“En effet, j’ai su très tôt que ce serait mon métier, explique Mahina. Mais c’est véritablement en tant que jeune adulte, quand je suis arrivé à Tahiti, que la révélation a été frappante. J’étais comme poussé par les tupuna. J’ai innové au niveau de la technique de tressage. J’ai senti un vrai mélange d’art et de spiritualité ; c’est sans doute ça la passion. Toujours est-il qu’à cette période-là j’ai créé plus de 50 motifs de tressage différents.”

La maîtrise…
 
C’est à cette époque que Mahina Tata se fait un nom et devient le tresseur de bambou le plus convoité du fenua. Les commandes affluent, de particuliers d’abord, puis d’hôtels et de pensions de famille. Il travaille dans ces années-là sur l’habillage de plusieurs maisons, bungalows et snacks de Raiatea et de Bora Bora. Sur son île, il décroche un vaste chantier au Pearl Lodge de Nuku Hiva où il recouvre entièrement de bambou tressé le hall d’accueil, la salle de restaurant et les 20 bungalows de l’hôtel épaulé par ses deux seuls employés.
Ces dernières années c’est à Moorea et à Tahiti que Mahina exerçait son minutieux travail artistique. Pour autant, le talent ne fait pas tout : “Pour être un bon tresseur de bambou, il ne suffit pas d’avoir des idées et du savoir-faire, précise-t-il. Il me semble que la qualité première est la patience, la deuxième est la volonté mais il faut de la résilience aussi. J’ai souvent pris des coups. J’ai été dénigré, jalousé. Des gens m’ont dit que je n’arriverai pas à vivre de ce métier. J’ai dû supporter, rebondir, me remettre en question et persévérer pour enfin arriver à cette reconnaissance.”
 
… et la transmission

Ainsi, ses 54 ans d’expérience techniques et spirituelles dans le domaine de la décoration naturelle ont permis à Mahina de développer un style bien à lui mêlant tradition, esthétique et modernité. Désormais, à l’aube d’une retraite bien méritée, est venu le temps de la transmission. De fait, depuis un mois, Mahina est de retour sur son île natale où il propose tous les matins sous le fare potee de Vainaho à Taiohae, d’apprendre gratuitement à ceux qui le veulent l’art du tressage de bambou. Au total une dizaine de personnes de tous les âges suivent ses cours quotidiennement. En revanche, aucune dans le but d’en faire une profession.
“Aujourd’hui je suis pour ainsi dire le seul tresseur de bambou du pays, explique Mahina. Bien sûr il y a dans tous les archipels d’autres personnes qui savent le tresser, notamment à Taipivai aux Marquises, mais aucune d’entre elles n’en a fait une profession à plein temps. C’est pourtant un métier qui permet de très bien gagner sa vie. Mais je me rends compte que les jeunes ne veulent pas s’y mettre car c’est éreintant. Il y a vraiment un manque de motivation et d’ambition chez les jeunes de nos jours. C’est dommage.”
Pourtant Mahina aime rappeler que le bambou est une richesse naturelle renouvelable sous-exploitée. Là ou un arbre a besoin de plusieurs dizaines d’années pour pousser, le bambou est mature après seulement 3 ans. Il y voit une opportunité de créer de l’emploi local pour construire du mobilier, des logements de particuliers ou encore des hébergements touristiques avec des matériaux locaux dans la tradition polynésienne tout en respectant l’environnement.
Fort heureusement, Mahina Tata a tout de même réussi à transmettre sa passion du bambou à l’un de ses fils, Nicols, qui assure désormais la pérennité de l’entreprise artistique familiale.


Rédigé par Marie Laure le Mardi 2 Août 2022 à 20:16 | Lu 1542 fois