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Mahina : Le coup de gueule d'un sinistré "oublié"


Avec les intempéries de décembre, le nouvel enrochement a disparu. Sur cette photo, on aperçoit l'ancien enrochement et aujourd'hui, la famille Tumg n'est pas à l'abri en cas de nouvelles crues
Avec les intempéries de décembre, le nouvel enrochement a disparu. Sur cette photo, on aperçoit l'ancien enrochement et aujourd'hui, la famille Tumg n'est pas à l'abri en cas de nouvelles crues
MAHINA, le 07/03/2016 - Léo Tumg vit en bord de rivière dans la vallée de Ahonu, avec sa petite famille. Le 12 décembre dernier, sa terrasse est détruite et ses plantations partent avec la rivière en crue. Depuis ces intempéries, ils vivent dans la crainte, puisque le lit de la rivière se retrouve près de leur maison. Ne faisant pas partie de la liste des sinistrés, il se dit "oublié". Du côté de la mairie, on assure qu'un enrochement sera réalisé prochainement par l’Équipement.

Ils vivent près de la rivière depuis 20 ans, mais lors des intempéries de décembre, Léo Tumg a perdu 10 mètres de son terrain. "La terre est partie lors des dernières intempéries et ce que l'on voit maintenant, c'est l'ancien enrochement. En 1998, après l'éboulement, il y a eu un nouvel enrochement et nous avons gagné 10 mètres, ce qui représentait 400 m² de surface sur mon terrain. Aujourd'hui, j'ai tout perdu, ma terrasse, ma plantation de bananiers, citronniers…", déplore-t-il

Léo Tumg vit dans la crainte depuis près de trois mois, avec sa femme et son fils de 19 ans. Lorsqu'il ouvre la porte de sa cuisine, il se retrouve au-dessus de la rivère.

Aujourd'hui, il se sent impuissant face à cette situation. "Depuis trois mois, aucun service compétent n'est venu me voir pourtant j'ai été recensé le jour des intempéries. En février, j'ai revu le maire et il m'a dit qu'on m'avait oublié", explique-t-il.

Des mots qui pèsent encore dans l'esprit de ce père de famille, qui ne sait plus vers qui se tourner. "Quand je vais au travail, je donne des consignes de sécurité à mon fils. Si l'eau monte à partir du deuxième enrochement, il faut se préparer à partir", dit-il.

À l'aube de ses 41 ans, ce père de famille est fatigué. "J'ai suis en repos parce que je ne supporte plus cela. J'en deviens malade".

Du côté de la municipalité, les nouvelles ne sont pas bonnes. "Ils ne sont pas prioritaires parce que leur maison n'a pas été endommagée physiquement", explique le maire de Mahina, Damas Teuira (retrouvez son interview ci-dessous).

Des travaux de sécurisation des berges devraient voir le jour d'ici peu. Le ministère de l’Équipement finalise le calendrier de ces travaux qui devra être présenté demain après-midi à 14 heures à la dernière réunion de la Commission d'attribution des aides aux sinistrés.

Léo Tumg
Sinistré "oublié" de Ahonu

"Quand je suis là, ma petite famille dort"


Vous vous sentez mis à l'écart ?

"J'ai une petite famille, un garçon de 19 ans et ma femme, et aujourd'hui, je suis dans un service décalé 24h/24 à l'aéroport international et quelques fois de minuit à 7 heures du matin, je suis obligé de quitter ma petite famille même si la rivière est en crue. J'ai pensé qu'à travers la presse, le maire mettra quelque chose en place pour moi. Je veux qu'on respecte la sécurité de ma petite famille parce qu'aujourd'hui, ça craint. Je suis d'accord à être le dernier sinistré mais si on ne fait rien pour ma petite famille et bien là, je ne suis pas d'accord. Là, c'est un coup de gueule parce qu'il y a eu des drags et ils n'ont même pas pris contact avec moi. Tout ce que je voulais c'est qu'on sécurise la berge, mais ils n'ont rien fait.
Je voudrais connaître les projets du gouvernement, si demain, on me dit : Léo, on a un terrain pour toi, euh on verra de ce côté-là.
"

Si on vous propose de déménager, vous seriez d'accord ?

"Oui et non. Oui pour la sécurité de ma petite famille et non parce que j'ai vécu ici pendant 20 ans, mon fils a grandi ici, c'est sentimental. Je suis chef d'équipe à l'aéroport. Tout ce qui touche à la prévention fait partie de mes fonctions. Je voudrais bien reprendre les 10 mètres de l'époque, rétablir la rive. Quand je suis là, ma petite famille dort."


Damas Teuira
Maire de Mahina

"Il ne fait pas partie de la liste des sinistrés urgents à traiter"


Quel est votre point de vue sur ce cas particulier ?


"J'ai effectué des visites sur le terrain, quelques jours après les intempéries de décembre et concernant cette famille, on s'est aperçus qu'ils ne sont pas prioritaires parce que sa maison n'a pas été endommagée physiquement. Donc, il ne fait pas partie de la liste des sinistrés urgents à traiter, et en tout cas, pas sur la Commission d'attribution d'aides des sinistrés, la CAVC, qui doit se réunir pour la dernière fois, cet après-midi à 14 heures. Par contre, la zone où il habite fait partie des zones qui seront enrochées par l’Équipement. Pour l'instant, il y a juste une opération de sécurisation des berges tout le long de la rivière, après il y a aura des opérations d'enrochements pour consolider les berges et aujourd'hui, après avoir discuté avec le ministre de l’Équipement, ils sont en train d'étudier les zones, sur Ahonu notamment, à enrocher parce qu'il me semble que ce n'est pas la totalité de la vallée, mais uniquement les points sensibles aux inondations. Je n'ai pas la carte définitive, ni le calendrier des travaux. L’Équipement travaille dessus."

La maison de Léo Tumg est au bord de l'ancien enrochement, on n'est pas à l'abri de nouvelles crues. Est-ce que c'est décent d'habiter dans cette maison ?

"C'est toute la problématique des constructions sur les berges des rivières. Toutes les personnes qui sont sinistrées aujourd'hui ne pourront pas prétendre à un nouveau permis de construire. Les maisons qui ont été endommagées ont perçu des aides, en tout cas, pour les familles qui font partie de la liste des sinistrés. Mais ce monsieur-là ne figure pas sur cette liste, donc il n'y a pas d'aides pour lui, bien que je conçois qu'il habite sur une zone sensible."

Doit-il quitter son terrain ?


"Juridiquement, il doit sortir, mais humainement où va-t-il aller ? Je ne vais pas en tant que maire le déloger parce que c'est toute sa vie qui est là-bas. Il fait partie de ces nombreuses familles qui habitent tout le long. Il y en a à Ahonu mais il y'a aussi à Orofara. Il y a encore pire chez nos voisins de Hitia'a o te Ra, aux Trois Cascades, ils sont en plein dans cette problématique. Déloger des familles aujourd'hui alors qu'il y a beaucoup d'emplois qui ont été supprimés, ce n'est pas une bonne idée."

Il n'a pas été oublié alors ?

"Non, mais les travaux d'enrochements ne se feront pas tout de suite, c'est en programmation puisque j'ai vu cela avec le ministre de l’Équipement qui travaille sur le calendrier concernant les enrochements à réaliser sur l'île de Tahiti."

Comme vous pouvez le voir sur la photo, dès que la porte de la cuisine est ouverte, on surplombe le lit de la rivière
Comme vous pouvez le voir sur la photo, dès que la porte de la cuisine est ouverte, on surplombe le lit de la rivière

le Lundi 7 Mars 2016 à 17:20 | Lu 3311 fois