
Dans son discours d'ouverture des Etats généraux le 16 juin 2006, Oscar Temaru déclarait: « si certains pensent qu’un peuple peut avancer sans savoir comment il se nomme, s’ils pensent que la question de la dénomination d’un Pays est secondaire, c’est qu’ils oublient de placer l’Homme au centre de leurs réflexions »
Désormais, c'est en tant que président de Ma'ohi Nui qu'il se présente en Polynésie française et à l'étranger, et c'est au peuple ma'ohi qu'il s'adresse dans ses discours. Un choix qui s'apparente à de la provocation : le message passé à l'Etat français est sans équivoque. Faut-il pour autant y voir du racisme, de la xénophobie envers les "non-ma'ohi", popa’a, chinois, et toutes les autres ethnies qui composent la Polynésie française, comme s'en inquiète le mouvement des jeunes UMP en Polynésie dans un communiqué ?
Ce n'est pas l'analyse qu'en fait Bruno Saura, auteur de Tahiti Ma’ohi, culture, identité, religion et nationalisme en Polynésie française (publié Au Vent des îles) qui a longuement étudié la genèse de l' "idéologie maohi". "Oscar Temaru a toujours dit qu'il y avait des Ma'ohi de naissance et des Ma'ohi d'adoption, ce n'est pas quelqu'un qui fonctionne en terme d'exclusion raciale" estime l’anthropologue, qui affirme que le nom "Polynésie française", en revanche, peut être excluant : "n’oublions pas que chez beaucoup de Polynésiens, l’identité française n’est toujours pas bien acceptée" estime Bruno Saura.
Un terme ni neutre, ni consensuel

Le mot ma'ohi n'est en effet ni neutre, ni consensuel, comme l'explique Bruno Saura dans un essai (disponible ici). Tout d'abord parce qu'il fait référence à une origine, si ce n'est à une ethnie. "C'est sûr que quand Temaru parlait des accords de Tahiti Nui, il parlait des gens nés ici. Quant au mot Maohi, il est plus précis et un peu plus ethnique que polynésien", reconnaît-il. Taurea o Porinetia (le mouvement "jeune" de Gaston Tong Sang) va plus loin : "Doit-on comprendre que si un jour la Polynésie encore française devient indépendante, seuls les « maohis du Tavini » seront autorisés à rester ?"
Parler de Ma’ohi, c’est donc bien d'une certaine façon faire référence à des racines, à un aspect généalogique.
Trouver un nom qui fait rêver, comme Tahiti

S’il veut rebaptiser la Polynésie française, Oscar Temaru devra donc trouver un terme consensuel, fédérateur. Mais aussi porteur de rêve, comme l'est le mot "Tahiti" dans le monde. Car pour faire connaître « Maohi Nui » à l’étranger, en tant que destination touristique, il faudra plus qu’une tablette électronique. Il faudra aussi l'accord de la population. Ce baptême forcé a pour l'instant un goût un peu amer en Polynésie française.