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Loi Morin : l'association 193 crée une cellule d'aide aux victimes du nucléaire


L’association 193 accrédite 32 référents pour venir en aide aux victimes polynésiennes des essais nucléaires.
L’association 193 accrédite 32 référents pour venir en aide aux victimes polynésiennes des essais nucléaires.
PAPEETE, 26 janvier 2017 - L’association 193 annonce la création d'une Cellule d’accompagnement et de réparation des victimes liées aux essais nucléaires (Carven) chargée de faciliter, à travers la Polynésie, la constitution de dossiers de demandes d'indemnisation sous l'égide de la loi Morin.

Depuis ce jeudi, et la création de la Cellule d’accompagnement et de réparation des victimes liées aux essais nucléaires (Carven), 32 référents sont officiellement accrédités par l’association 193 pour venir en aide aux victimes polynésiennes des essais nucléaires. La mission de ces bénévoles (23 dans l’archipel de la Société, 4 aux Tuamotu et 2 aux Gambier) : informer et aider les personnes, ou leurs ayants-droit, atteintes de l’une des 21 maladies radio-induites visées par le décret d’application de la loi Morin pour l’indemnisation des victimes du nucléaire.

Car pour l’instant, seuls une soixantaine de Polynésiens ont engagé une demande de réparation sous l’égide de cette loi, sur les 1 043 dossiers de demande d’indemnisation présentés devant le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) depuis 2010. Il s’agit, pour la plupart, d’anciens travailleurs du nucléaire ou de personnes ayant résidé dans des "zones à risque" lors des campagnes d’essais aériens, entre 1966 et 1974 et en tous cas de personnes ayant résidé en Polynésie entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998.

Or, le ministère de la Défense admet depuis 2006 l’existence de 368 retombées radioactives supérieures à 4,6 millisieverts (mSv), sur l’ensemble de la Polynésie française, tandis qu’entre 1992 et 2015, la caisse d’assurance maladie polynésienne (CPS) comptabilise 54,6 milliards Fcfp de dépenses engagées dans le cadre du traitement de 7489 personnes atteintes d’au moins un des 21 cancers reconnus comme potentiellement radio-induits.

Aussi, l’objet de l’association 193 pour la vérité sur les essais nucléaires français dans le Pacifique, est-il aujourd’hui de faciliter l'ouverture de procédures en demande de réparation par le biais d’une action d’information adressée à la population polynésienne dans sa globalité.

> Lire aussi : Nucléaire : 193 ouvre un nouveau combat

Jusqu’à présent, l’association 193 s’était surtout fait connaître pour avoir lancé une pétition exigeant l’organisation d’un référendum local pour une demande de reconnaissance et de réparation, par l’Etat, des conséquences environnementales et sanitaires provoquées par les 193 essais nucléaires réalisés en Polynésie française de 1966 à 1996. Elle revendique 51 000 signataires sur une population polynésienne de 272 800.

En mettant en œuvre cette nouvelle action, avec la Carven, l’idée est d’aller chercher jusqu’au fin fond de la collectivité, toutes les victimes de cette campagne d’expérimentation nucléaire (ou leurs ayants-droit, si elles sont décédées). Puis, de les aider à constituer un dossier de demande d’indemnisation dans les formes exigées par le Civen, en les informant et en leur facilitant les démarches. Pour enfin mettre en lumière ce qui apparaît encore aujourd’hui comme la face cachée des années CEP : "C’est une histoire dramatique que nous vivons ici en Polynésie", s’est indigné jeudi le père Auguste Uebe-Carlson, président de 193.

L’élément déclencheur de ce nouveau chapitre de l'action de 193 est la reconnaissance officielle par le ministère de la défense, en juillet 2016, après avis favorable du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, du droit à l’indemnisation sous l’égide de la loi Morin pour les ayants-droit d’une victime d'un genre nouveau : celle-ci aura passé sa vie entre Raiatea et Papara, à 1200 kilomètres des sites d’expérimentation nucléaire. Sans jamais mettre les pieds ni à Moruroa, ni à Fangataufa, ni à Hao, et sans avoir jamais travaillé dans un environnement directement lié au Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), cette Polynésienne était atteinte par un cancer du sein depuis 1994 et décéda en décembre 2004 après avoir développé un myélome. L'Etat a reconnu le caractère radio-induit de la maladie qui l'a terrassée.

"A partir de ce cas, tout est possible pour tous les Polynésiens", soutient Auguste Uebe-Carlson. "On n'a pas encore mesuré la force de sa jurisprudence. Nous ne promettons rien aux gens ; mais à partir du moment où des milliers de cas seront déclarés et transmis, les autorités politiques prendront enfin en compte la souffrance de ce Pays".


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 26 Janvier 2017 à 13:21 | Lu 1646 fois