Tahiti Infos

Lignes déficitaires : Ça coince entre Air Tahiti et le Pays


Tahiti, le 15 décembre 2020 – Léger trou d'air dans le transport aérien interinsulaire : L'unique offre d'Air Tahiti pour le principal lot des 32 lignes déficitaires en délégation de service public a été rejetée par le Pays, car trop éloignée des conditions imposées par son cahier des charges.
 
Il fallait s'y attendre, l'ambitieuse procédure d'appel d'offres pour la délégation de service public du transport aérien interinsulaire connaît quelques turbulences. Lancée le 4 août dernier, la procédure porte sur deux lots regroupant 34 lignes déficitaires qui doivent être financées par un système de péréquation. L'objectif étant pour le Pays de maîtriser –à la baisse– le prix des billets d'avion sur ces lignes, tout en laissant 12 autres lignes réputées bénéficiaires, et principalement situées aux îles Sous-le-vent, en libre concurrence. Si le lot numéro 2 concernant les lignes marquisiennes de Ua Pou et Ua Huka semble désormais promis au seul candidat en lice, Tahiti Air Charter, c'est sur les 32 lignes du lot numéro 1 que les choses sont en train de se compliquer.
 
Seul opérateur à même d'assurer aujourd'hui la desserte sur ces îles principalement situées aux Tuamotu, Australes et Gambier, Air Tahiti est le seul candidat à avoir déposé une offre pour ce lot numéro 1. Or, le conseil des ministres a décidé le 4 décembre dernier, sur avis de la commission de délégation de service public, de déclarer la procédure "infructueuse sur le lot 1". "L'offre d'Air Tahiti ne correspond pas à ce que demandait le Pays", explique-t-on au sein de la compagnie domestique. "Elle a été jugée irrecevable car trop loin des conditions imposées par le cahier des charges du Pays." Selon nos informations, en effet, l'offre d'Air Tahiti ne respectait pas à la fois les tarifs demandés par le Pays et la fréquence du programme de vols. Dans un tel cas de figure, le Pays et Air Tahiti ont le choix de poursuivre des discussions dans le cadre d'une procédure négociée. Mais rien n'assure que cette voie soit choisie.
 
Le code des marchés publics impose en effet que pour une procédure négociée, "les conditions initiales du marché" ne soient pas "substantiellement modifiées". Or la différence entre les prétentions d'Air Tahiti et les conditions imposées par le Pays sont telles, qu'arriver à un accord paraît aujourd'hui peu probable. Si le Pays devait modifier son cahier des charges, il devrait alors passer par un nouvel appel d'offres. L'affaire n'est pas encore décidée, mais elle obérerait nécessairement la volonté du Pays de boucler sa procédure avant le 31 décembre de cette année…
 
La péréquation votée
 
Pendant ce temps, l'assemblée a voté mardi deux des principaux textes réglementant sa future organisation du transport aérien interinsulaire. D'une part, celui instituant une "contribution de solidarité de la continuité territoriale" : la fameuse "péréquation" avec une contribution prise sur l'ensemble des billets d'avion pour faire baisser les prix sur les lignes déficitaires. D'autre part, celui instaurant un compte d'affectation spécial pour les besoins de cette péréquation. Deux textes votés par la majorité mais qui n'ont pas reçu d'écho particulièrement favorable de l'opposition, qui estime globalement que le contexte lié à la crise du Covid-19, et notamment le manque de touristes, rend aujourd'hui les négociations trop éloignées d'une situation financière "normale" pour Air Tahiti. "Ce ne serait pas une simple péréquation, ce serait combler un déficit", a regretté l'élue Tavini, Tina Cross.
 
Le ministre en charge du dossier, Jean-Christophe Bouissou, a pourtant assuré qu'il garderait son cap, vantant les bénéfices d'une situation qui sera mieux maîtrisée par le Pays avec une délégation de service public, et annonçant notamment un texte permettant au Pays "d'homologuer" les tarifs sur les lignes de libre concurrence. Mais le plus dur reste à faire : s'entendre avec Air Tahiti.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 16 Décembre 2020 à 16:58 | Lu 5121 fois