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Libéré du rat, le Tutururu reprend des couleurs


Tahiti, le 6 décembre 2020 - Cinq ans après le vaste programme de dératisation dans les îles Actéon-Gambier, une mission de suivi menée par la SOP Manu s'est rendue sur place pour prendre le pouls des oiseaux. Libres de prédateurs introduits, les Tutururu en particulier prennent leurs aises, "lentement mais sûrement".
 

Débarrassées du rat, les îles Actéon-Gambier retrouvent des airs de sanctuaire aux oiseaux. Cinq ans après une vaste opération de dératisation déployée par une équipe internationale de conservation et trois ans après une première mission-retour, pas de signes de vie des rats. "On aurait pu rater quelques individus, des petits restés dans les terriers, c'est pour ça qu'il faut attendre plus de deux ans pour être sûr que la dératisation a bien fonctionné" rappelle Tehani Withers, gestionnaire du projet pour la SOP Manu.

 

En lien avec les associations BirdLife International et Island Conservation, la société d'ornithologie de Polynésie est retournée sur place le mois dernier. Vahanga, Tenarunga, Temoe et Tenararo ont été inspectées par les chercheurs. Cinq ans plus tard, il s'agit de prendre à nouveau le pouls des populations d'oiseaux. Ont-elles effectivement récupéré ? Dans quelles proportions ?

 

Si la faune et la végétation endémiques montrent effectivement des signes de meilleure santé, la présence d'espèces envahissantes pendant plusieurs décennies a fait fuir de nombreuses colonies d'oiseaux marins. "Pour qu'elles reviennent, ça va prendre plus de temps. Elles ont besoin de beaucoup de tranquillité." N'ayant pas évolué avec les prédateurs terrestres, ces oiseaux des îles n'ont pas développé de défenses contre eux, ni la nécessité de se reproduire vite. C'est particulièrement vrai pour les espèces marines maladroites à terre, à l'instar des pétrels, des puffins ou des océanites.

 

Le Tutururu reprend des couleurs

 

Mais c'est surtout la dernière population viable de Gallicolombes érythroptères dans les îles Actéon qui occupe les esprits. Plus connu sous le nom de Tutururu, il s'agit de l'un des oiseaux les plus rares du monde, avec moins de 200 individus survivants dans les Tuamotu, alors que l’espèce était jadis largement distribuée dans le Pacifique. Preuve du succès de la campagne de dératisation, l'animal a repris des couleurs sur les quatre îles contrôlées. De six individus observés en 2017, les scientifiques en ont repéré quinze à vingt par île. "ça monte lentement mais sûrement" se félicite Tehani. "Une fois qu'on les aura recensés, on aimerait bien les déplacer sur Temoe, ce qui serait intéressant comme quatrième habitat pour eux, d'autant qu'il n'y a pas de rat ni de chat sur cette atoll."

 

Sur Temoe justement, malgré de vastes étendues de cocoteraies, plusieurs espèces indigènes subsistant, formant un habitat plus favorable aux oiseaux marins, qu'aux oiseaux terrestres. Reste à trouver des fonds. La SOP Manu y travaille, menant de front plusieurs dossiers, comme le projet de dératisation de trois motu dans les Australes du côté de Rapa. "Là-bas, les chèvres aussi posent un problème, elles piétinent les terriers du puffin de Rapa, une espèce très rare, et se nourrissent de jeunes pousses indigènes" précise Tehani.

 

Il y a aussi le projet beaucoup plus ambitieux de dératisation de sept îles inhabitées aux Marquises, qui permettrait de protéger pas moins de 2500 hectares et 5 espèces d’oiseaux menacées de disparition. Une première estimation table son coût à plus de 3 millions d'euros (358 millions de Fcfp). Pour la prospection des bailleurs de fonds, la SOP peut cependant compter sur le réseau de partenaires de choix : BirdLife International, mais également Island Conservation.
 


Rédigé par Esther Cunéo le Dimanche 6 Décembre 2020 à 18:28 | Lu 17672 fois