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Les groupes français peu pressés de quitter la Russie, le gouvernement prudent


CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 03/03/2022 - Une semaine après le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine, peu de grandes entreprises françaises ont pour l'instant annoncé leur intention de se retirer de Russie, tandis que le gouvernement français dose prudemment ses messages vis-à-vis de la communauté d'affaires.

Les britanniques BP, Shell et Land Rover, les américains ExxonMobil et Disney, l'allemand Daimler Truck, le norvégien Equinor, le constructeur suédois Volvo ou encore les géants de la tech américaine Microsoft et Meta... de nombreuses multinationales ont pris leur distance avec la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine.

En France, le mouvement est plus timide. Au-delà des groupes contraints par les sanctions européennes, l'armateur CMA CGM a annoncé qu'il allait cesser de desservir les ports russes, mais davantage "dans un souci de sécurité" que de rétorsion économique.

TotalEnergies a lui décidé qu'il "n'apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie", sans évoquer un quelconque retrait d'un pays dans lequel il a des intérêts importants.

"La position de TotalEnergies a été partagée avec les autorités françaises qui l'ont bien comprise", assure le groupe à l'AFP, dont le président Patrick Pouyanné a été reçu à Bercy ainsi qu'à l'Elysée mardi soir dans le cadre d'une réunion du Dialogue du Trianon, qui réunit les sociétés civiles franco-russes.

Quant à la banque Société générale, très exposée via sa filiale Rosbank, elle a simplement assuré jeudi qu'elle pourrait résister si elle venait à être privée de cet actif en Russie.

Du côté gouvernemental, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a vu "un problème de principe" dans le fait que des entreprises travaillent avec les proches du pouvoir russe, mais sans appeler plus globalement les entreprises françaises à revoir leur présence dans ce pays. Au Royaume-Uni, le ministre des Entreprises Kwasi Kwartang affirmait lui sur Twitter lundi qu"'il y a maintenant un impératif moral fort pour les entreprises britanniques d'isoler la Russie".

Bruno Le Maire a aussi dû faire marche arrière après avoir affirmé que l'Union européenne allait "livrer une guerre économique et financière totale à la Russie", jugeant après coup le mot guerre "inapproprié". Ses propos avaient suscité une vive réaction et une menace à peine voilée de l'ancien président russe Dimitri Medvedev. 

Au gouvernement, le message est plutôt "d'accompagner" les entreprises exposées aux répercussions du conflit en Ukraine et aux sanctions imposées à la Russie, affirmait le ministre au Commerce extérieur Franck Riester mardi à l'issue d'une réunion avec une soixantaine d'entreprises, dont l'essentiel du CAC40, et de fédérations professionnelles.

"Aucune orientation précise" 

Après un point sur la situation géopolitique et l'évolution du conflit en Ukraine, cette réunion a aussi été l'occasion pour le Quai d'Orsay et Bercy de mettre en garde les entreprises sur la perspective d'un conflit long, avec la possibilité de contre-sanctions russes contre les intérêts occidentaux.

Le ministère des Affaires étrangères appelle d'ailleurs désormais sur son site internet les voyageurs - touristes et professionnels - à "quitter sans délai le pays" alors que les liaisons aériennes se raréfient avec la Russie et à "différer tout déplacement vers la Russie".

"La perception d'un conflit qui pourrait escalader et durer a eu un impact fort sur les entreprises, surtout pour une communauté d'affaires assez résiliente, prompte à s'adapter aux circonstances locales", avance une source diplomatique.

Mais concrètement, "il n’y a eu aucune annonce ni orientation précise donnée aux entreprises quant à une position à adopter" sur notre présence en Russie, a indiqué un participant à l'AFP. "Il n’y a pas eu de demande de désengagement à ce stade", a abondé un participant du secteur agro-alimentaire.

Un autre assure qu'il n'a pas été demandé "de rappeler les travailleurs expatriés". "Le gouvernement n'a pas demandé aux entreprises d'arrêter leurs activités en Russie mais ses représentants ont demandé si certaines envisageaient" des actions, confirme encore un autre.

La France est le premier employeur étranger en Russie et le deuxième plus gros pourvoyeur d'investissements directs étrangers, et n'a donc pas uniquement des relations commerciales avec la Russie, ce qui peut compliquer un retrait du pays. 

"Les entreprises françaises globalement sont plutôt des investisseurs, ce sont des entreprises qui ont du personnel sur place, donc la communication doit être calibrée", indique ainsi la source diplomatique.

le Vendredi 4 Mars 2022 à 01:15 | Lu 417 fois