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Les fraises hightech de la presqu’île


TAHITI, le 18 juin 2020 - Jean-Pierre Lacon et Christian Coulon ont lancé une société de production de fraises et laitues. Installés à la presqu’île, leurs cultures ont la particularité de pousser hors sol, dans un conteneur. Les végétaux grandissent sans pesticide, sans fongicide et sans herbicide.

À Toahotu, à la presqu’île, Jean-Pierre Lacon fait pousser des fraises. Savoureuses, charnues, elles sont produites sans pesticide, sans fongicide et sans herbicide. Les plants sont certifiés bio, achetés aux États-Unis. Pour autant, les fruits récoltés ne sont pas bio "car la législation ne reconnait pas la culture hydroponique", explique le producteur.

Qu’importe car depuis la première récolte en octobre 2019, le bouche à oreille fonctionne auprès des familles alentour et des restaurateurs de l’île.

Un coup de cœur pour la Polynésie

Ce projet a été pensé par Jean-Pierre Lacon et financé par Christian Coulon qui, immobilisé en France pour souci de santé, est actuellement remplacé par Vainui Lehartel.

Pour expliquer son projet, Jean-Pierre Lacon part de son "coup de cœur" pour la Polynésie il y a sept ans. Il enchaîne en revenant sur ses origines et sa naissance en Corrèze dans la ferme familiale sans eau, ni électricité où il vécut quasiment en autarcie. "On faisait tout, le blé, la farine, le pain, les fruits et légumes, le lait, la viande. J’ai besoin de mettre les mains dans la terre."

Il poursuit en parlant de sa carrière dans l’industrie de l’armement comme ingénieur, puis son déclic à son retour en France après un passage à Tahiti. "Je ne sais comment l’expliquer, je me suis senti bien tout de suite, j’ai eu envie de revenir et puis mon travail n’avait plus de sens."

Lors de son séjour sur l’île, après avoir découvert les tarifs pratiqués, il s’est mis en tête de produire des tomates bon marché. "Je me suis dit qu’ensuite, avec, je pourrais faire du troc, et vivre ainsi. " Il a réfléchi à des systèmes de serres contrôlées.

2 conteneurs et 3 000 pieds

En avançant sur son projet, il a découvert qu’un certain nombre de modules et logiciels existaient déjà. "Je n’allais pas réinventer la roue, je me suis adressé à un intégrateur pour fabriquer un conteneur de production hors sol. "

Deux conteneurs sont arrivés par la mer en mai 2019 et trois mille pieds de fraisiers de la variété Seascape les ont suivis de près.

Dans les conteneurs, les fraisiers et les 3000 laitues poussent hors sol et sans soleil, en culture dite hydroponique. "Vous savez, au Japon depuis Fukushima, ils ne mangent plus rien qui vienne directement du sol, ce genre de culture a fait un bond ces dernières années."

Toute la production est contrôlée à distance et automatisée. Les fraisiers et laitues sont répartis sur six étages, disposés en deux rangées établies de part et d’autre d’un couloir central.

Les fraisiers, certifiés bio, sont fixés dans des goulottes où s’écoule, grâce à la gravité, une eau qui contient les éléments nutritifs indispensables à la croissance des végétaux. En fin de rang, elle est récupérée et relancée, la production consomme ainsi au total l’équivalent d’un bol d’eau par jour.

Jean-Pierre Lacon gère la température, le taux d’humidité, les nutriments, la qualité de l’air et de la lumière (voir encadré : Avec de l’eau et du carbone, elles font du sucre !).

La pollinisation ne peut être assurée par les abeilles car sans soleil elles ne peuvent s’orienter et communiquer entre elles. "Alors, je fais le vent", dit Jean-Pierre Lacon. Il passe une souffleuse sur les pieds pour disperser le pollen.

"Il y a beaucoup de technologie", confirme le producteur, "mais la base de tout c’est l’amour du végétal. Une plante qui est bien le fait savoir, si elle n’est pas bien elle le dit aussi. On s’adresse là au vivant".

Les conteneurs peuvent produire au plus 3 tonnes de fraises et 6 de laitues par an. Des chiffres que sa production n’a pas encore atteints.

Jean-Pierre Lacon est désormais en quête d’un meilleur rendement. "Alors que j’ai été pendant plusieurs mois sur l’aspect technologique, maintenant je peux me concentrer sur le métier de producteur. "

Il a été aidé par le Pays pour rédiger un dossier économique de faisabilité de l’hydroponie. Dans l’immédiat, il s’apprête à renouveler ses pieds avec une prochaine récolte dans trois mois.

Le projet bientôt dupliqué

Vainui Lehartel, qui l’épaule en l’absence de Christian Coulon reste à ses côtés. Elle est impliquée avec, dans l’idée, d’ouvrir sa propre société. "Au début, je n’étais là que pour me former afin de produire moi aussi des fraises et de la laitue dans des conteneurs."

Elle se forme, comme convenu et se lancera dès que possible avec quatre conteneurs. "On consomme entre 65 et 80 tonnes de fraises par an en Polynésie, il y a de la marge !" Et elle ajoute : "80% du frais consommé chez nous est importé ! " Il faut changer le rapport.

D’autres s’intéressent à l’hydroponie et ont fait connaître leur intérêt. La crise sanitaire a ralenti le déploiement de cette culture qui devrait prendre de l’essor dans les temps à venir.

Avec de l’eau et du carbone, elles font du sucre !

Les plantes utilisent le processus de photosynthèse pour se développer. La photosynthèse c’est la fabrication de matière organique (c’est-à-dire de matière qui contient du carbone, et notamment du sucre) à partir d’eau puisée dans le sol par les racines et de dioxyde de carbone (le CO2) capté dans l’air par les feuilles.

Cette réaction ne peut avoir lieu que s’il y a de la lumière. Et pas n’importe quelle lumière ! La « qualité » de la lumière compte.
La lumière c’est une variété de rayonnement (électromagnétique). L’unité de longueur de ce rayonnement est le nanomètre. La lumière est composée de rayonnement compris entre 380 nanomètres (perçu comme un violet très sombre) et 780 nm (perçu comme un rouge très sombre). Avant cela se trouve l’ultraviolet (entre 10 et 380nm) et l’infrarouge (entre 780 et 2800 nm).

La photosynthèse est optimale quand une plante reçoit des rayons compris entre 400 et 700 nm (et donc perçu comme bleu, violet, ce qui explique l’ambiance rose/violette des conteneurs du producteur de fraises de Toahotu). Pour être très concret, en fait, ce sont les chloroplastes contenus dans les végétaux qui déterminent ces longueurs d’onde. Ce sont celles qu’il absorbe le mieux.

La photosynthèse est possible en présence de lumière naturelle ou artificielle pourvu qu’elle possède les rayons adéquats.

Pour regarder la vidéo : [https://www.tahiti-infos.com/Les-fraises-de-Toahotu-voient-la-vie-en-rose_a191956.html]url:https://www.tahiti-infos.com/Les-fraises-de-Toahotu-voient-la-vie-en-rose_a191956.html

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Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 18 Juin 2020 à 08:37 | Lu 6326 fois